[crépuscule]

photo sans titre © Mohamed Mahiout (lire son interview plus bas : « Le moment de l’entre-deux »)

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Cette photo m’a inspiré huit haïkus :

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Nuages du soir 

tectonique liquide 

un silence doux

Soleil couchant —

paix sur les petits poissons 

bercés par les nuages 

Entre chien et loup  —

les nuages remontent 

le fleuve

Miroirs !

les nuages se rêvent en poissons

et vice-versa 

Photo symétrique

miroir du plan d’eau

œil aimanté 

À la fin du jour

glisse la barque du temps 

fraîcheur d’un miroir 

Lumière du couchant

reflets d’une profondeur 

à l’horizon 

Au crépuscule 

les nuages prennent la pose

monde dédoublé 

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Interview de la chanteuse Clara Ysé :

Clara Ysé : “C’est dans l’obscurité qu’on voit le plus la lumière” – L’EssentiART

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Guillevic a écrit :

Un silence 

Couleur de l’étang.

Du silence 

Qui s’en prend 

Il ne sait à quoi.

Un oiseau

Que voler 

Apaiserait.

Tous ceux qui dormiront 

Quand le moment viendra

De crier aux fenêtres.

Les crimes que recrachent 

Les eaux nocturnes.

Ne caressez pas

N’importe quelle hache.

Il se peut que dans le domaine 

Même le vent soit souterrain.

Certains rêvent 

Les rêves de l’étang.

Extrait de « Du domaine », Guillevic (1907-1997), Gallimard, Nrf/Poésie, 1985, 2023, p. 54-56

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Interview de Mohamed Mahiout : « le moment de l’entre-deux »

Quel est le moment de cette photo ?

Le moment d’une halte lors d’une balade à vélo. Celui d’un paysage à travers une composition, au crépuscule, plutôt juste avant.

Où ?

Entre Paris et Clay-Souilly [Seine-et-Marne]. Je rentrais à Paris en longeant le canal de l’Ourcq.

Avec quel appareil ?

Un reflex numérique.

Pour cette photo, j’ai fait plusieurs prises, différents cadrages.

Que dit cette photo ?

Depuis que je prends des photos de ma fenêtre, je fais du crépuscule un projet. Il y a une idée, une esthétique en soi. La photo parle d’elle-même.

L’autre projet intitulé « Seing sur terre », déjà exposé (à Paris, Alger, en Suisse, puis encore Alger à là mi-octobre 2023) présente le monde vu du ciel, ses traces surtout. Il s’agissait de donner ce qu’on ne voit pas à travers les tracés du sol. Il est parti d’un mot, « Tamourt », et d’un clin d’oeil à l’archéologie aérienne. La référence lexicale de ce mot kabyle qui signifie « le pays, la terre, le sol », est aussi derrière l’aspect graphique de ces photos.

« J’aime aussi ce qui est trait. »

Dans le cas de cette photo prise sur les berges du canal de l’Ourcq, il y a l’idée de l’entre-deux. Le crépuscule étant ce moment de l’entre-deux, le seuil. La luminosité imposante devient seuil dès lors que le regard n’atteint pas l’au-delà de la lumière. De même pour la douceur d’un soleil couchant par l’émotion qu’il suscite.

Il y a une simple contrainte technique pour un appareil photo, qui veut qu’un avant-plan soit sombre s’il devance la source lumineuse, mais cela peut prêter à dire autre chose que la réalité du paysage.

Le seuil n’est pas un non-espace, même s’il n’est pas défini sur le plan topographique, le temps s’y arrête, sans nécessairement investir un quelconque sentiment nostalgique. Je pense à Tanizaki, à son Éloge de l’ombre. [Dans Éloge de l’ombre, publié en 1933, Jun’ichirō Tanizaki (1886-1965) souligne l’importance du clair-obscur dans la culture japonaise et l’esthétique de la pénombre en réaction à l’esthétique occidentale où tout est éclairé.]

Il y a aussi l’idée du feu (avec le soleil) salvateur ou destructeur. Une symétrie, une géométrie. J’aime aussi ce qui est trait. L’exposition, le cadrage, tout est expressif : l’horizon, le ciel et le reflet du ciel, la distinction entre les deux, c’est une poétique en soi dans le rapport à (de) l’art (et) au sublime.

Que nous dit encore cette photo ?

Dans cette photo, il y a quelque chose de techniquement « raté ». Des zones bouchées, d’autres cramées, très lumineuses où le réglage n’est pas fait. Pour le capteur d’un appareil-photo numérique, ce sont des pixels sans information. Idem dans le noir.

Ici, le soleil est une zone cramée, cela donne un blanc qui n’est pas du blanc. Aussi, la source est une trace sensible, mais inaccessible. Les pixels sans infos sont un matériau en soi. Il s’agit de savoir comment profiter de cette lacune technique pour la rendre significative.

 « La couleur distrait »

Tu ne l’as pas accompagnée d’un texte…

Dire un mot sur une photo, oui, mais pourquoi le faire ? Dire n’est-ce pas tenter de contenir, de maîtriser son émotion ?

Pourquoi le noir et blanc dans le projet Seing sur terre ?

Car la couleur distrait. Je ne cherche pas à identifier mais à indiquer la trace. Ainsi, quand on regarde une de ces photos en noir et blanc, la première question que l’on se pose est « Qu’est-ce que c’est ? ».

Quant à la photo prise au bord du canal de l’Ourcq, le crépuscule et pris en couleur, mais c’est un seuil, un trait sur lequel on peut se perdre…

Le coucher de soleil, n’est-ce pas un piège, l’émotion est si forte ?

Oui, l’émotion est permise, mais la lecture est ouverte. Peut s’en contenter qui s’émeut, ou oser le seuil par sa tentation d’arrêt, de contenance ou de passage. D’ailleurs, comme les gens, les couchers de soleil sont tous différents. Ma manière de les présenter aussi.  Elle varie d’une photo à l’autre. Il y en aura à voir dans cette série.

Mohamed Mahiout est poète et photographe. Il vit à Paris.

À lire son recueil de poèmes : Autres débâcles, édition Aden,

2022, Daudin distribution.

Pour en savoir plus sur son projet photographique : Seing sur terre

Tété, un concert littéraire dans la paix de Césaire

A l’occasion du centenaire de la naissance d’Aimé Césaire, Tété (« guide » en wolof) établit des ponts entre son univers pop, rock, tendance nostalgie du Sud américain, et les poèmes, à commencer par le célèbre Cahier d’un retour au pays natal.

Ce fils du Sénégal et de la Martinique était lundi 11 novembre à la Maison de la poésie, à Paris, pour un concert littéraire unique où il était question – avec humour – de la carte des identités… Entre des « chansonnettes », Tété a lu sept textes extraits de l’œuvre de Césaire.

En musique, son pays c’est la Louisiane. Il chante Marie Laveau, figure emblématique du culte vaudou américain. Et lit un bel hommage au poète martiniquais :

Extrait :

« L’homme a toujours été un chantre de la langue française, un chantre d’une certaine solitude exil aussi, une solitude exil qui cherche à dresser la carte des identités créoles des confluences entre l’Afrique, les Antilles et l’Hexagone.

Aucun homme n’est une île, disent les poètes. Césaire c’est un peu toute la Caraïbe à lui seul. Et il y a tant d’Aimé dans mon ADN. La carte du monde faite à mon usage, non pas teinte aux arbitraires couleurs des savants mais à la géométrie de mon sang répandu.

Sous mes airs, résistance créative donc qui se bat pour édifier et non détruire, édifier les esprits tant que les ponts entre les cultures, Césaire poétique du clair-obscur qui fait la part belle au soleil crépusculaire des opprimés. »

Le goût des autres ? « Le plus dur reste à faire » (Syla, rappeur)

Pour son festival « Le goût des autres », Le Havre a voulu faire place aux « littératures de la négritude », pluriel ambitieux à cerner si l’on excepte le trio Senghor, Damas, Césaire. Césaire dont l’année 2013 est celle du centenaire de la naissance.

La belle idée des organisateurs est d’avoir lancé cette année du centenaire de Césaire la même semaine que Fort-de-France, en Martinique. Mais au Havre, en ce premier jour de rencontres, on a davantage évoqué le jumelage avec une autre ville, Pointe-Noire, capitale économique et principal port du Congo, avec la personne de l’écrivain Alain Mabanckou, qui publie Lumières de Pointe-Noire (Le Seuil), une forme de cahier d’un retour au pays natal.

Le programme du Goût des autres.

Dans ce reportage apparaissent successivement les rappeurs Syla, A-Kalmy et le député-maire du Havre, Édouard Philippe. Images : Leïla Zellouma, son : Bernard Blondeel, montage : Harold Horoks :

Björk, Earth Intruders et le tsunami de la pauvreté

Björk a écrit la chanson Earth Intruders à la suite d’un rêve fait lors d’un vol transatlantique jusqu’à New York. La chanteuse raconte « qu’un tsunami de millions et millions de gens touchés par la pauvreté » s’étirait jusqu’au-dessus de l’avion dans lequel elle se trouvait. Bien entendu la vague avala l’avion, frappa les côtes, et fit sombrer la Maison Blanche dans l’oubli. « C’est une chanson assez chaotique » dit-elle au sujet du premier single issu de Volta. « À proprement parler c’est un assemblage de toutes ces images » enfouies dans sa mémoire, collectées pendant son voyage et ce rêve aérien.
source : MTV.com – Mars 2007

Voir le site francophone de Björk et le témoignage de Michel Ocelot, dont le magazine Metropolis d’Arte dresse un portrait.

Chronique Culture du 27 avril 2012

1.

Le Retour d’Ataï, scénario Didier Daeninckx, dessins Emmanuel Reuzé.
Ataï, l’un des chefs de la rébellion de 1878 en Nouvelle-Calédonie. Sa tête devenue trophée pour musée. Sa restitution est annoncée depuis peu.

Dans la BD, un vieux kanak fait le voyage depuis sa tribu de Tendo dans la province Nord de la NC. Il vient à Paris pour enquêter sur la tête, dans les musées, les salles de ventes et dans les collections privées.
La narration est assez succincte, mais ce qui fait la force de la BD est son graphisme qui nous plonge dans une atmosphère mystérieuse, de non-dit, sur la marchandisation officielle des têtes ou sur la perversité de certains collectionneurs privés. Le trait d’Emmanuel Reuzé réussit à donner une gravité et une dignité aux têtes kanak.
2.

Le Secret de l’enfant fourmi, premier long métrage de Christine François, qui sort le 2 mai, film dont le principal intérêt est de lever un tabou sur l’assassinat des enfants-sorciers par toute une communauté, les Baribas du Nord-Bénin.

(c) Agat films et Cie

Dans le film, basé sur des faits réels, une jeune femme en mal d’amour débarque chez son ancien amant qui vit en Afrique, se perd dans la nuit de la brousse, se voit confier de force un enfant abandonné par une mère en plein désarroi.

Bande-annonce :

 

Reportage réalisé par Sabine Godard, (France 3 Amiens), tant sur l’objectif  de la réalisatrice-documentariste Christine François, que sur la musique (très originale) composée par Jean-François Hoël, l’un des musiciens du groupe picard Zic Zazou :

 

3.

En Afrique du Sud … au temps de l’apartheid avec The Suit, (Le costume), une pièce de théâtre du Sud-Africain Can Themba, adaptée, mis en scène et en musique par Peter Brook, Marie-Hélène Estienne et Franck Krawczyk.
C’est l’histoire d’un homme amoureux de sa femme qui rentre chez lui et la découvre avec son amant qui part en courant et laisse son costume dans la place.
La suite de The Suit raconte comment ce couple va vivre avec ce costume… entre comédie et tragédie…
C’est une pièce où tout fonctionne à merveille, y compris l’anglais sur-titré en français. La violence sociale ou conjugale est sublimée par les chants de la comédienne Nonhlanhla Kheswa dont voici un avant-goût :


Vous avez reconnu Feeling Good de Nina Simone. The Suit, ce n’est pas une comédie musicale mais du théâtre chanté avec trois musiciens sur scène et qui interprètent des rôles de figurants, où Miriam Makeba côtoie Franz Schubert.
The Suit se joue à Paris, au théâtre des Bouffes du Nord jusqu’au 5 mai.