Édouard Glissant, une anthologie, un entretien

http://culturebox.france3.fr/player.swf?video=30211Découvrez Entretien avec Edouard Glissant sur Culturebox !

Lors du salon du livre de Paris, en mars dernier, Édouard Glissant nous avait accordé un entretien à l’occasion de la sortie de son Anthologie de la poésie du Tout-monde, titrée : La Terre, le feu, l’eau et les vents (éditions Galaade).
Les poètes étant reconnus depuis Rimbaud comme étant des voleurs de feu, Glissant aimant dire qu’il écrit en présence de toutes les langues du monde, son Anthologie est un ravissement, chaque écrit renvoyant à un autre, le tout formant une vaste bibliothèque personnelle aux ramifications innombrables :

« Diriez-vous qu’un poème peut être coupé, interrompu, qu’on pourrait en donner des extraits, morceaux choisis et décidés par l’action des vents malins ? Oui, quand les morceaux ont la chance c’est-à-dire la grâce de tant de rencontres, quand ils s’accordent entre eux, une part d’un poème qui convient à un autre poème, à cette part nouvelle, et devient à son tour un poème entier dans le poème total, que l’on chante d’un coup.

Une anthologie de la poésie du Tout-monde, celle que voici, aussi bien ne s’accorde pas à un ordre, logique et chronologique, mais elle brusque et signale des rapports d’énergie, des apaisements et des somnolences, des fulgurations de l’esprit et de lourdes et somptueuses cheminaisons de la pensée, qu’elle tâche de balancer, peut-être pour que le lecteur puisse imaginer là d’autres voies qu’il créera lui-même bientôt. »

Haïti et l’Afrique à Saint-Malo (mai 2010)

Le prochain Festival Étonnants voyageurs à Saint-Malo, du 22 au 24 mai 2010, a décidé d’ouvrir largement son édition aux écrivains haïtiens et au cinquantenaire des indépendances africaines sous le titre : « 
Zones de fracture : Russie, Haïti, Afrique, France, 
Que peut la littérature, dans le chaos du monde ? »

Haïti à Saint-Malo :

« Le monde au miroir d’Haïti, Haïti au miroir du monde », était la profession de foi du festival Étonnants voyageurs qui devait se tenir à Port-au-Prince à partir du 14 janvier dernier. L’avant-veille est survenu le tremblement de terre.
« Parce qu’il n’est pas possible de rester sur ces images de destruction, peut-on lire sur le site du Festival. Parce que nous sommes si tristes de ne pas savoir ce qu’aurait pu donner cette deuxième édition du festival à Port-au-Prince qui suscitait un engouement extraordinaire, nous avons décidé avec Lyonel Trouillot et Dany Laferrière de transporter ce que nous devions faire à Port-au-Prince à Saint-Malo du 22 au 24 mai prochains. Et que tous les auteurs haïtiens réunis y affirment haut et fort la vitalité de la création artistique de leur île. »
Parmi les auteurs invités : Bonel Auguste, Georges Castera, Louis-Philippe Dalembert, Edwidge Danticat, René Depestre (invitation en cours), Frankétienne, Laennec Hurbon, Dany Laferrière, Yanick Lahens, Jean-René Lemoine, Kettly Mars, Jean-Euphèle Milce, James Noël, Emmelie Prophète, Rodney Saint-Éloi, Evelyne Trouillot, Lyonel Trouillot, Gary Victor.
Mais aussi quelques auteurs qui devaient participer au festival à Port-au-Prince en janvier dernier : Philippe Bernard, Nicolas Dickner (Québec), Michel Vézina (Québec), Micha Berlinski, Ananda Devi.

« Je est un autre » :

Le cinquantenaire des indépendances africaines « devrait être l’occasion de mesurer à quel point cet apport culturel, artistique, intellectuel nourrit depuis un siècle déjà l’imaginaire national, avec les auteurs invités : Florent Couao-Zotti, Alain Mabanckou, Boubacar Boris Diop, Abdourahman Waberi, Pascal Blanchard, Koffi Kwahulé, Moussa Konaté, Wilfried N’Sondé, Achille M’Bembé, Leonora Miano, Serigne M’Baye, Dominique Thomas.

Haïti est entré dans l’époque (Dany Laferrière)

Dany Laferrière a une conscience juste de sa place dans le monde. Plus même qu’une place, il s’agit d’une « époque ». Celle de l’Haïti de l’après tremblement de terre du 12 janvier 2010, et de ses frontières naturelles « devenues mobiles » par la forte résonance mondialisée de l’événement, comme il l’a raconté magnifiquement lors d’une soirée à la Bibliothèque de l’Arsenal, à Paris.

Car Dany Laferrière est à Paris, vivant et debout, tout juste arrivé de Montréal qu’il avait rejoint peu de temps après le séisme qu’il juge être « l’événement le plus important pour Haïti depuis son indépendance, en 1804 ».

Dans l’échange qu’il mène avec Claude Arnaud, l’homme de Petit-Goâve reconnaît : « c’est un tremblement de terre qui a cassé un pays qui était à genoux », un événement sans manœuvre humaine — contrairement aux coups d’état —, ce qui a permis une lecture plus saine (de la part) de l’étranger. »

Pour l’auteur de L’énigme du retour, qu’avec ce séisme, Haïti est entré dans les préoccupations du monde, hors toute étiquette encombrante, stigmatisante. Dès son retour à Montréal, il avait d’ailleurs dénoncé l’usage du terme « malédiction » par les commentateurs un peu rapides : « Il faut cesser d’employer ce terme de malédiction. C’est un mot insultant qui sous-entend qu’Haïti a fait quelque chose de mal et qu’il le paye. » (Le Monde, 16/01/10)

La mobilisation de solidarité pour Haïti n’a eu que deux précédents, selon lui : We are the world (une chanson de Michaël Jackson et Lionel Richie contre la famine en Ethiopie, en 1985, qui a rapporté 50 millions de dollars) et le Mandela Day (le concert anniversaire en 2009).

« Haïti vient de rentrer, répète Dany Laferrière : un peu partout des jeunes gens veulent aider. Avec Obama, les jeunes gens ont eu une grande victoire. Et l’écologie est au centre de leurs préoccupations. Ils ont une vision planétaire du monde. Haïti n’est pas vu comme un endroit folklorique, pas un lieu, mais dans le temps de notre époque, et Haïti c’est compris là-dedans.

Haïti a provoqué une énorme émotion depuis deux cents ans, qui n’a pas trouvé de canalisation. Aujourd’hui il y a un moment à attraper, entre larmes et excitation, il y a un moment-là. C’est comme si Haïti cherchait un moment, on tient un moment, on tient un moment, il coûte cher, mais on tient un moment. C’est un moment fort. »

Pendant deux heures la salle de la Bibliothèque de l’Arsenal, de haute tradition littéraire pendant tout le XIXe siècle, a donc résonné des propos d’un écrivain rescapé d’un tremblement de terre, ce qui donne quelque gravité aux mots, même si l’intéressé manie avec talent l’humour comme le témoignage personnel.

Parti aux nouvelles de sa mère de 84 ans, le lendemain du séisme, il a pu constaté qu’elle était pleine de verve, se demandant de quoi 2011 serait fait.

Dany Laferrière n’a pas directement répondu à la belle question de Claude Arnaud (Quelle part la culture peut prendre dans la reconstruction ?), mais il a dit mieux, en retirant quelque culpabilité à ceux qui pourraient aimer Haïti tout en n’y pouvant rien…

« Aller sur place, aller en faisant quelque chose. Ceux qui aiment Haïti, qu’ils fassent comme avant, qu’Haïti ne deviennent pas une cause, le faire sur la durée, essayer de trouver un rythme quotidien, qu’Haïti reprennne le dialogue. Il faut comptabiliser ce qu’Haïti a fait (en émotion) pour retrouver le sens du dialogue.

Cet événement a réveillé en moins d’une semaine l’Occident. La manière qu’ont eu les Haïtiens à faire face en marchant tranquillement, les gens ont vu ça (par les télévisions), ça les a rendu proches. Les Haïtiens n’étaient pas vu seulement comme des sujets à plaindre. »

« La culture structure la vie sociale haïtienne. C’est la source de cette vitalité. »

Et de surprendre par cette utopie : « Il faut faire un échange de biens et d’émotions. »

A la question d’une auditrice haïtienne (êtes-vous prêt à aller en Haïti pour participer à la reconstruction ?), l’écrivain montréalais a répondu plus globalement :

« En étant ici, c’est déjà commencé. La reconstruction n’est pas que physique. J’ai entendu une clameur après l’interview du Monde sur la malédiction. Ce qui est important, c’est de maintenir le dialogue, ne pas se tenir dans des discours corsetés, les gens de pouvoirs aiment les discours bien fermés. Personne n’est obligé d’aider Haïti. Les gens vont le faire spontanément. Il faut maintenir ce ton, ce ton digne, le ton des gens qui marchaient dans les rues après… »

Conférence intégrale sur le site du Temps .

Les murs… Gliss——-slaaaaaaaaam……

Les réflexions d’Edouard Glissant font des émules dans la scène slam. Cela n’a rien d’étonnant ni de stupéfiant, que du revigorant.

Ainsi le Collectif On A Slamé Sur La Lune présentera à Lille, le 17 décembre, une création slam poésie, musique et théâtre, « adaptation du livre fulgurant » (sic) d’Edouard Glissant et Patrick Chamoiseau « Quand les murs tombent. L’identité nationale hors-la-loi », dont nous avions dit ici les premiers effets.

D’autres murs, ceux de l’auditorium du Palais des Beaux Arts, accueilleront aussi l’exposition « HLM » (Hors Les Murs) de Frédéric Ebami, graph designer de l’agence et dieu CREA (resic).

Ces interventions s’inscrivent dans un festival nomade, inauguré à Lille ce jour-là, puis en partance pour Paris, Marseille, Bordeaux, Nantes, Toulouse, New-York, La Havane, Santiago, Montréal, Toronto, et Johanesburg.

Pour le lancement du festival, le Collectif On A Slamé Sur La Lune investira le Palais des Beaux-Arts de Lille, dans le cadre de la semaine des Droits de l’Homme, et proposera au public un temps fort artistique de reflexion et débat citoyen sur la notion des « Murs », « qui nous entourent, nous emprisonnent, nous enferment sur nous-mêmes, ceux qu’on abat et qu’on dépasse aussi, pour trouver, rencontrer l’Autre et le miracle de l’altérité ».

Au menu : projection du film « Nous avons bu la même eau » en présence du réalisateur franco-arménien Serge Avedikian (génocide armémien) ; débat avec le cinéaste et Léonora Miano (Goncourt des lycéens 2006), Nathaly Coualy (comédienne), Rost (artiste et président de l’association 
Banlieues Actives).

A Beyrouth, Le Clézio, Khoury-Ghata et la langue française

Jean-Marie Gustave Le Clézio : « Il y a de l’ambiguïté dans la question de la francophonie », a commencé par relever cet écrivain français natif de l’île Maurice et élevé dans la double culture française et anglaise.

« Une ambiguïté que j’ai ressentie lorsque je me suis posé la question de la langue d’écriture, à mes débuts. J’ai ainsi écrit un polar en anglais, à 20 ans, que j’ai tenté de faire éditer sans succès. Soit mon intrigue policière ne fonctionnait pas, soit mon anglais n’était pas très bon. Je me suis alors tourné vers le français, comme vers une sorte d’empyrée, un monde qui n’était pas la réalité, peuplé d’astres qui étaient les grands éléments de la littérature française, les Rabelais, Voltaire, Rousseau, Victor Hugo, Baudelaire… Le bonheur d’écrire en français que je pouvais ressentir était alors assez proche de ce que pouvait ressentir un auteur africain, maghrébin, vietnamien ou d’Amérique centrale s’ils s’adressaient à la langue française. C’était le bonheur de partager un trésor, celui de la littérature française. Je crois que, là, cessait l’ambiguïté qui est celle d’assimiler la langue française à un déguisement du colonialisme. »

Pour le Prix Nobel, « les écrivains de la francophonie disent, aujourd’hui, des choses nouvelles et fortes et inventent, pour le dire, une nouvelle langue qui se joint à ce trésor commun ».
Plutôt que de bonheur d’écrire dans la langue de Hugo, Vénus Khoury-Ghata a évoqué « la lutte et l’empoignade » avec la langue française, qui, à l’opposé de l’arabe, n’exprime pas toujours, selon elle, la profusion ou la sensualité des choses et des sentiments. « La langue française a, comme les femmes, maigri avec le temps. Elle n’est plus cette langue de Rabelais, charnelle et pleine de jus, de rondeurs », a affirmé avec sa véhémence enjouée habituelle la poétesse libanaise d’expression française.

Lire la suite de l’article de Zéna Zalzal sur L’Orient-Le jour, 24/10/09.

Le quartier-monde de Koffi Kwahulé

Cette idée d’appeler la Goutte d’Or, un quartier-monde, sonne juste.

A l’origine, une rencontre entre un auteur et un théâtre. Un auteur dont la plume musicale confronte l’Homme à son animalité. Un théâtre animé par le souffle d’un quartier-monde. L’écriture respire alors au rythme de la Goutte d’Or : Koffi Kwahulé vit en résidence au Lavoir Moderne Parisien et écrit sur le thème de la Joie avec les acteurs de ce quartier.
Anima Kwahulé est le titre de ces deux mois de programmation (à partir du 5 avril) où se mêlent spectacles, concerts, lectures, colloque, expositions dans des chantiers d’écriture-jazz.
Si la programmation Anima Kwahulé est centrée sur l’écriture de Koffi, elle invite également à découvrir un essaim d’artistes engageants – écrivains, acteurs, musiciens – dont les impros et les textes entrent en résonance. D’où une carte blanche à Denis Lavant et Monique Blin sous le parrainage de Gabriel Garran. (Extrait du site du Lavoir moderne parisien,  » quartier-monde  » de Paris).

On y reviendra forcément.

Hienghène, oral austral et littéraire

 

Du 30 octobre au 4 novembre prochains, à l’orée de l’été austral, on ne parlera pas seulement des prix littéraires. Le 3e Salon International du Livre Océanien (SILO 2007, http://www.silo2007.com/) sera l’occasion, l’une des rares dans la région de créer un immense événement festif, intellectuel et populaire autour du livre.

La bibliothèque Bernheim de Nouméa l’organise pour le compte du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie autour du thème « Paroles ». Les organisteurs entendent mettre l’accent sur les performances, contes, slam. 

Il est quelquefois difficile de faire exister à terre le Pacifique Sud. Sa dimension archipélique n’est pas toujours perçue comme une chance. Et pourtant, la gravité de cette terre de la Province Nord était toute indiquée pour installer pendant quelques jours une manifestation littéraire à dimension océanienne.

Hienghène est le lieu d’un Centre culturel fondateur de la politique culturelle du pays, au prise avec la naissance de l’histoire moderne du Caillou en 1853, comme de son histoire tragique contemporaine. La mémoire locale garde le souvenir vivace du massacre de dix militants indépendantistes en 1984. Jean-Marie Tjibaou est né à Tiendanite, tribu distante de 17 km du centre communal de Hienghène. Signe de son passé meurtri, le nom même de « Hienghène » signifie dans la langue fwaî (l’une des langues kanak parlées dans cette aire coutumièe Hoot Ma Whaap) : « pleurer en marchant ».

Parmi les écrivains invités, outre les Calédoniens (Kurtovitch, Ohlen, Berger, Gope, Jacques, Barbançon), signalons un plateau de choix autour de John Maxwell Coetzee, le prix Nobel sud-africain, Albert Wendt, d’origine samoane, Marcel Meltherorong, du Vanuatu, Dany Laferrière, du Québec, les Polynésiens Jean-Marc Tera’ituatini Pambrun, Flora Devatine, Chantal Spitz, et plusieurs écrivains australiens, été austral oblige.

 

 

Un écrivain africain en Indonésie

Un rêve d'albatros Kangni Alem est un écrivain né au Togo, résident girondin un peu girond, en voyage en Indonésie, invité pour une Biennale littéraire. Il raconte ses pérégrinations dans son blog – référencé ci-contre – avec une sensibilité et une curiosité insatiables. Ses rencontres et notations valent le détour. Elles vous font voyager au fil du texte.

Les blogs aiment les écritures brèves, la relation faite par Kangni Alem est longue, mais on ne s’en lasse pas… A méditer, à l’image de cette réflexion, au cœur du texte, au cœur de Jakarta : « Dans cette situation de vie précaire, les artistes et les écrivains sont des illusionnistes parfaits : ils sont pauvres, souvent, mais mènent une vie de voyages qu’un vrai pauvre ne pourra jamais s’offrir. »

Glissant et Chamoiseau appellent à protester contre le « mur-ministère » de l’immigration, de l’intégration, etc.

Linton Kwesi Johnson   Edouard Glissant
 Glissant.jpg

C’était ce soir à la Serpentine Gallery de Londres, une rencontre avec Edouard Glissant, le poète martiniquais et Linton Kwesi Johnson, poète britannique d’origine jamaïcaine, considéré comme le père de la poèsie dub. L’occasion pour l’auteur d’une Nouvelle région du monde (Gallimard), titre de l’un de ses derniers essais qui a servi de thème à la soirée, d’évoquer pour la première fois en public un texte coécrit avec Patrick Chamoiseau : « Les murs, Approche des hasards et de la nécessité de l’idée d’identité ». Dans cette critique placée sous l’égide de l’Institut du Tout-monde et qui sera publiée à la mi-septembre, Chamoiseau et Glissant s’élèvent contre la création d’un ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Le texte est divisé en sept chapitres : Identité nationale ; Faire-Monde ; Mur et Relation ; L’imaginaire libre ; Mondialité ; De la repentance ; L’appel. 

Une nouvelle région du monde 

Extraits relatifs au dit ministère : « Ainsi en plein 21ème siècle, une grande démocratie, une vieille République, terre dite des « Droits de l’Homme », rassemble dans l‘intitulé d’un ministère appelé en premier lieu à la répression, les termes : immigration, intégration, identité nationale, co-développement. Dans ce précipité, les termes s‘entrechoquent, s’annulent, se condamnent, et ne laissent en finale que le hoquet d’une régression. La France trahit par là une part non codifiable de son identité, un des aspects fondamentaux, l’autre en est le colonialisme, de son rapport au monde : l’exaltation de la liberté pour tous (…) Mais la folie serait de croire inverser par des diktats le mouvement des immigrations. Dans le mot « immigration » il y a comme un souffle vivifiant. L’idée d’« intégration » est une verticale orgueilleuse qui réclame la désintégration préalable de ce qui vient vers nous, et donc l’appauvrissement de soi. Tout comme l’idée de tolérer les différences qui se dresse sur ses ergots pour évaluer l’entour et qui ne se défait pas de sa prétention altière. Le co-développement ne saurait être un prétexte destiné à apaiser d’éventuels comparses économiques afin de pouvoir expulser à objectifs pré-chiffrés, humilier chez soi en toute quiétude. Le co-développement ne vaut que par cette vérité simple : nous sommes sur la même yole (…) « Et dans sa conclusion (« L’appel ») :  » Nous demandons que toute les forces humaines, d’Afrique, d’Asie, des Amériques, d’Europe, que tous les peuples sans États, tous les « Républicains », tous les tenants des « Droits de l’Homme  », que tous les artistes, toute autorité citoyenne ou de bonne volonté, élèvent par toutes les formes possibles, une protestation contre ce mur-ministère qui tente de nous accommoder au pire, de nous habituer à l’insupportable, de nous faire fréquenter, en silence, jusqu’au risque de la complicité, l’inadmissible. Tout le contraire de la beauté. » 

Extraits relatifs à l’identité (notion citée 39 fois) et au « mur » (cité 9 fois) : Identité nationale, identité racine et identité relation…  » La notion même d’identité a longtemps servi de muraille : faire le compte de ce qui est à soi, le distinguer de ce qui tient de l’Autre, qu’on érige alors en menace illisible, empreinte de barbarie. Le mur identitaire a donné les éternelles confrontations de peuples, les empires, les expansions coloniales, la Traite des nègres, les atrocités de l’esclavage américain et tous les génocides. Le côté mur de l’identité a existé, existe encore, dans toutes les cultures, tous les peuples, mais c’est en Occident qu’il s’est avéré le plus dévastateur sous l’amplification des sciences et des technologies. Le monde a quand même fait Tout-Monde. Les cultures, les civilisations et les peuples se sont quand même rencontrés, fracassés, mutuellement embellis et fécondés, souvent sans le savoir (…) « Extrait sur la repentance : » Ce n’est pas l’immigration qui menace ou appauvrit, c’est la raideur du mur et la clôture de soi. C’est pourquoi nous nous sommes levés pour que les Histoires nationales s’ouvrent aux réalités du monde. Pour que les mémoires nationales verticales puissent s’enivrer du partage des mémoires. Pour que la fierté nationale puisse s’alimenter à la reconnaissance des ombres comme des lumières. C’est pourquoi nous disons aussi que la repentance ne peut pas se demander mais qu’elle peut se recevoir et s’entendre.  »

Ouessant délie les langues

Existe-il une île où l’on récompense les littératures en langue française, langue malgache, langue shetlandic des îles Shetlands, et langues kanak fwaî et pijé de Hienghène ?

Beau temps sur l’archipel des livres… et sur les langues… Ouessant à la mi-journée vient d’annoncer sous le soleil le palmarès des prix du livre insulaire 2007… Un palmarès très polyglotte… à l’heure où l’on nous confirme la création d’une résidence d’auteurs sise dans le phare du Créac’h et la naissance d’une revue L’Archipel des lettres…

 Grand Prix des îles du Ponant : Jean-Yves Quellec, Passe de la Chimère, Un moine à l’île de Quéménès, Publications de Saint-André, Cahier de Clerlande n°11, 2006 . Inspiré par Saint-John Perse, Quellec cite Amers : « La Mer mouvante et qui chemine au glissement de ses grands muscles errants, la Mer gluante au glissement de plèvre, et toute à son afflux de mer, s’en vint à nous sur ses anneaux de python noir … »

 

Mention spéciale : Jean-Joseph Rabearivelo, Presque-Songes / Sari-Nofy,  co-édition Sépia (France), Tsipika (Madagascar), 2006. Recueil de poèmes bilingue. 

Prix Fiction : Hugo Hamilton, Le marin de Dublin, Phébus, 2007 

  Prix Beaux livres : Jean-Pierre Alaux, Voyage au bout des phares, photographies de Philippe Candelon, illustrations de Jean-Michel Charpentier, Elytis, 2006 

Prix Sciences : Alain Gauthier, Des roches, des paysages et des hommes, Géologie de la Corse, Albiana, 2006    Prix Essai : Yves-Béalo Gony, Thewe men jila : la monnaie kanak en Nouvelle-Calédonie, Expressions-Province Nord, Nouméa, 2006 

Prix Poésie : Christine De Luca, Mondes parallèles, poèmes traduits de l’anglais et du shetlandic par Jean-Paul Blot, Fédérop, 2007.