Frantz Fanon : « Je n’aime pas les gens qui s’économisent. »

A signaler l’édition poche (600 pages quand même) de l’indispensable Frantz Fanon, une vie, par David Macey, aux éditions La Découverte (parution le 14/11 après la première édition grand format en 2011). C’est LA biographie sur Fanon, traduite par Christophe Jaquet et Marc Saint-Upéry, avec son chapitre sur Les Damnés de la terre, actuellement adapté au théâtre du Tarmac, à Paris, par Jacques Allaire.

Extrait p. 486 (Sartre n’a pas encore préfacé Les Damnés de la terre) :

« La conversation avec Fanon fut entamée lors du déjeuner et se poursuivit jusqu’à 2 heures du matin, à tel point que Simone de Beauvoir commença à s’inquiéter et signala de façon aussi polie que possible que Sartre devait dormir un peu. Fanon fut scandalisé et confia à Lanzmann : « Je n’aime pas les gens qui s’économisent. » Ils restèrent donc debout jusqu’à 8 heures du matin. Sur un ton plus conciliant, il ajouta qu’il paierait volontiers 20 000 francs pour pouvoir converser avec Sartre du matin au soir pendant quinze jours. De fait leurs échanges durèrent trois jours et ils se rencontrèrent de nouveau dix jours plus tard lorsque l’écrivain antillais repassa par Rome pour prendre l’avion en direction de Tunis. »

Vient de paraître : Césaire, Perse, Glissant par Chamoiseau

Le mot de l’éditeur : « Aimé Césaire. Saint-John Perse. Édouard Glissant. Trois des plus grands poètes de tous les siècles. Pourtant, il nous est difficile d’envisager une entité pareille. Dans l’ordinaire perception, on les distingue, on les oppose, on les distingue en les opposant. (…) L’homme de l’Afrique et de la Négritude. L’homme de l’universel conquérant, orgueilleux et hautain. L’homme des chaos imprévisibles du Tout-Monde. (…) Dès lors, il nous faut tenter de deviner leur inévitable relation, ces « liaisons magnétiques » qui les rassemble sans les confondre, et qui nourrissent, et leurs mouvements particuliers et leurs musiques secrètes. »

Césaire, Perse, Glissant, les liaisons magnétiques, par Patrick Chamoiseau, éditions Philippe Rey.

Voir le site Édouard Glissant.

[Centenaire Césaire] « Une Tempête » au Centre culturel Tjibaou de Nouméa

Début novembre, selon que vous serez en Martinique ou en Nouvelle-Calédonie, vous aurez le choix entre deux pièces de Césaire, proposées pour son centenaire. A Fort-de-France, le TNP de Villeurbanne met en scène et joue Une saison au Congo [Papalagui, 15/10/2013], à Nouméa, Pacifique et Compagnie met en scène et joue Une Tempête au Centre culturel Tjibaou, du 31 octobre au 03 novembre et du 07 au 10 novembre 2013.

Présentation par la compagnie Pacifique et Compagnie :

« Un navire sombre dans les eaux furieuses d’une tempête infernale. Depuis l’île où il a été exilé à la suite d’un funeste complot, le duc et magicien Prospero contemple le naufrage… et voit débarquer ses ennemis d’autrefois. La vengeance est proche !… Mais son esclave Caliban se révolte, et rien ne sera plus comme avant… Aimé Césaire a adapté pour un théâtre nègre « La Tempête » de Shakespeare.

Ce monument du théâtre est revisité par une écriture anticolonialiste. Exilé de force sur une île, Prospero devient le maître tyrannique de l’esclave Caliban et du docile Ariel. Les rouages de la domination coloniale sont décortiqués au fil de la confrontation des personnages, enfermés sur ce bout de terre sans horizon. »

« L’insulte faite au poète », Césaire dans son pays

On ne fait pas n’importe quoi avec les œuvres. Mais certains font n’importe quoi avec. Il y a peu, une performance artistique à Paris massacrait Glissant [Papalagui, 6/10/13]. Aujourd’hui, il s’agit de l’exposition Césaire à l’Espace Aimé Césaire de l’aéroport international du Lamentin (Martinique). Le photographe martiniquais Jean-Luc de Laguarigue s’élève contre « l’insulte faite au poète » :

« Outre l’agencement ridicule de cette salle, qui mélange pêle-mêle fauteuils et plantes (probablement dans une volonté de créer une illusion d’intimité), quelques phrases extraites du Cahier et divers portraits dont la réalisation est proche du néant artistique, on ne sait plus très bien si l’on contemple une triviale réalisation d’écolier, ou bien la tragique matérialisation d’un sous-développement culturel endémique, ou encore l’incurie de ceux qui ont autorisé cet ensemble disparate et vulgaire, éclaboussant de toute sa médiocrité. »

Lire sa philippique sur Gens de pays.

La troupe du TNP se déplace en Martinique avec Une saison au Congo

C’est un événement : une semaine après la fin des représentations, le TNP de Villeurbanne  met en scène et joue Une saison au Congo à Fort-de-France, en Martinique, les 2 et 3 novembre 2013. « Il me semblait normal dans le cadre d’une célébration de présenter la pièce de Césaire dans la ville qu’il a administrée », se réjouit le metteur en scène Christian Schiaretti, directeur du Théâtre national populaire. C’était aussi la volonté du président du conseil régional, Serge Letchimy. »

La pièce avait été boudée par le théâtre français après sa création par Jean-Marie Serreau dans les années 60. Une saison au Congo a été écrite par Aimé Césaire autour de la figure charismatique et martyre de Lumumba. Elle traite de l’Afrique, de la décolonisation, et du rôle de l’Occident, dans un registre politique et poétique. Une décennie après Discours sur le colonialisme, Césaire choisit de consacrer une pièce de théâtre à la question coloniale, mais aussi à la solitude de l’homme au pouvoir dans un pays neuf (démarche analogue sur Haïti, dans La Tragédie du roi Christophe).

Lumumba est interprété par Marc Zinga qui lui donne une belle justesse de ton et de rythme, tant dans un bar à bières que face à des militaires qu’il réussit à convaincre par la seule puissance du verbe. Un Lumumba ceint d’une impressionnante cohorte de comédiens, la plupart noirs originaires du Congo, du Burkina Faso et d’Europe.

La présence du collectif Béneeré de comédiens burkinabés donne un supplément d’âme à une pièce belle dans sa démesure. Pour la comédienne et metteure en scène Mbile Yaya Bitang, de la compagnie camerounaise Anoora, « Ce n’est seulement jouer le spectacle qui nous intéresse, c’est aussi l’idée qu’elle véhicule à une génération d’Africains : elle nous pousse à mieux connaître notre histoire à nous, et comment passer outre les sectarisations, les communautarismes, les individualismes, les réflexes ethniques, etc. »

En Martinique, la distribution des comédiens sera la même que dans l’Hexagone excepté les figurants du chœur, recrutés sur place. L’ambition de l’homme de théâtre Christian Schiaretti (Molière du metteur en scène 2009) est « d’être à la hauteur du poète, de sa langue et de son projet théâtral. L’implication personnelle de Césaire dans son texte sur Lumumba sera mieux perçue en Martinique [que dans l’Hexagone]. Nous devons être à la hauteur de la langue de Césaire, dans sa sensibilité trempée dans les Caraïbes, dans sa poésie de luxuriance. »

Après la Martinique, la troupe du TNP jouera treize représentations à Sceaux (Hauts-de-Seine), au théâtre Les Gémeaux, du 8 au 24 novembre,

Voir le reportage sur la création au TNT de Villeurbanne, le 14 mai dernier dans Papalagui.

et :

« Indépendance cha-cha, la tragédie de Lumumba », Les Inrockuptibles, 14/10/13
« Césaire ressuscité », Le Nouvel Observateur, 31/05/13
« Une saison au Congo : le grand opéra de l’Afrique », Slate Afrique,  23/05/13

Le DVD de la création, enregistrée au printemps, est disponible, avec bonus et interviews tournés par Christian Tortel, Leïla Zellouma, Bernard Blondeel, Gilles Mazaniello. Distribution COPAT.

Glissant massacré dans une performance qui nous laisse K.O.

En cette Nuit blanche 2013, la Maison de la poésie, de Paris, est plongée dans le noir pour une soirée intitulée pompeusement « Words of Edouard Glissant ». Il nous a été promis, selon le programme, que : « À partir de multiples sources sonores, entretiens, débats publics, colloques, émissions de radio et de télévision auxquels Édouard Glissant a participé de 1950 à 2009, la performance sonore et visuelle de Doctor L restituera sur la scène de la Maison de la Poésie le caractère profondément vivant et oral de l’écriture de l’auteur. La pensée du tremblement se mêlera aux créations sonores et visuelles de Doctor L, en présence, sur scène, du musicien nigerian Kiala Nzavotunga. Une production de l’Institut du Tout-monde et de l’Agence à Paris, avec le soutien du Fonds de Dotation agnès b. »

Sur un écran, une vue générale de Saint-Pierre (Martinique), sous la menace d’un volcan. L’image est traitée, vieillie, tachée d’une frise rouge sur sa base. Derrière l’écran, en fond de scène, sous une fumée pulsée, deux personnes debout. Un DJ (Doctor L alias Liam Farrell) fixe l’écran sur son revers, en surplomb. L’autre est au pupitre (Kiala Nzavotunga). Une petite lumière éclaire un papier.
Une musique de bruit et de fureur se propage jusque sous nos pieds, par ses vibrations lourdes, et nous, pauvres spectateurs, sommes pris dans la nasse des sons, grandes vagues de basses synthétiques, musique électro, genre hybride aux sonorités épaisses. Kiala Nzavotunga entame : « J’appelle créolisation, des contacts de cultures en un lieu donné du monde… » à peine entendu. Esprit de Glissant, où es-tu ?
Pendant une heure au moins [j’ai quitté la salle avant de succomber lamentablement, lorsqu’il ne restait plus que quelques spectateurs clairsemés] l’écran passe les mêmes séquences répétées jusqu’à saturation : un pitt ou combat de coqs ; un damier, c’est-à-dire une danse de combat née de l’esclavage ; des coupures de presse  sur le « manifeste de l’OJAM », l’ Organisation de la jeunesse anticolonialiste de la Martinique, mouvement anti-colonial de 1962, avec ce slogan en banderole «La Martinique aux Martiniquais»; des Algériens contrôlés dans une rue de Paris, sans doute la même année, à moins que ce soit un soir d’octobre 1961 ; le président De Gaulle juché sur sa DS cabriolet lors d’une visite à Fort-de-France, accompagné par une bande son qui pousse un « cocorico » appuyé et grotesque ; des gravures sur la martyrologie des plantations, avec toujours ces frises rouge sang.
Pourquoi cette accumulation répétitive de figures de combat datées de l’esclavage et des années 60 anti-coloniales ? Pourquoi une photo de Glissant jeune est devenue matériau à malaxer, scindé en deux images verticales se chevauchant ?
En fond sonore, les extraits d’un entretien de Pierre Desgraupes qui interroge Édouard Glissant à propos de son premier roman La Lézarde, prix Renaudot (émission de télévision Lectures pour tous). La vidéo-mix ne nous dit pas que nous sommes le 3 décembre 1958. Même les questions sont passées en boucle, répétées à l’infini, voire… ralenties : « Écrivez-vous parce que vous êtes Antillais ? Pourquoi écrivez-vous en français ? Vous ne pensez-pas qu’une littérature de langue antillaise aurait les mêmes chances qu’une littérature de langue française ? On a dit que votre livre était un roman poétique, est-ce que vous pensez que c’est vrai ? »
Ce mixage est un saccage. Un abîme de savoirs, de démarches, des questionnements de Glissant tout au long de sa vie, une poétique s’est abîmée dans la confusion d’une pseudo création vidéo, hypnotisée par un seul temps, comme un clou fixerait une pensée plaquée au mur du temps, au cœur des années 60, déployant sa cadence et sa cacophonie arrogante comme exercice de style, mais quel style ? Au lieu de Relation, s’expose l’entre-soi, au lieu de la pensée du tremblement se répand une vibration outrancière, au lieu du Tout-monde opère la cave moisie d’un registre factice. Comme si la pensée de Glissant s’était figée, arrêtée, fossilisée à une antillanité une fois pour toute. Or, elle a évolué, s’est transformée et nous a transformé dans une vision du monde en expansion, en beauté, en Relation.
L’écoute devient vite harassante, la forme agace, le fond est un tissu troué d’icônes clichés, le public s’est commué en un chapelet de corps debout qui fuient, esquivent un ensemble d’images, de sons et de paroles triturés comme matériau quelconque, mais toujours inlassablement répétés, alors que la pensée de Glissant était en mouvement permanent, en circulation incessante, en tremblement… Chez le poète pas de lecture univoque mais plurielle.

Et quand l’écran affiche cette fenêtre typique d’un Mac (qui pilote le vidéo-projecteur) à la dérive : « Prière de brancher le cordon d’alimentation de l’ordinateur », et que la fenêtre en question reste ainsi exhibée comme entrailles d’un opéré pendant plusieurs longues minutes qui ajoutent à l’accablement général, que le DJ a laissé choir de sa table de mixage un quelconque instrument de torture, et bien là on est comme liquéfié… et l’on prend la fuite.
Reste la consolation d’un livret distribué à l’entrée de la Maison de la poésie : « Utopie de la ville et du musée. L’espace et le temps », extraits choisis de conversations de Glissant (1928-2011) avec Hans Ulrich Obrist, critique d’art né en 1968, historien et commissaire d’exposition influent. Cruelle ironie après cette « performance » (éprouvante) de temps suspendu, arrêté, figé : la réflexion (stimulante) de Glissant porte sur un projet de Musée martiniquais des arts et des Amériques (M2A2), un « musée archipélique » (aujourd’hui avorté) et singulièrement sur « la représentation du temps dans les musées ». À cette performance vidéo fixiste « Words of Edouard Glissant », l’intéressé lui-même semble répondre que le temps ce n’est pas rien, et plus encore : le temps des Amériques est cyclique et multiple.

Citons Glissant (enfin !) :
« Pendant longtemps l’histoire de la Martinique se résumait à la liste de ses gouverneurs, comme s’il n’y avait rien d’autre que cela. Nous avons eu, en quelque sorte, une perte de la mémoire historique. Mais pour lutter contre ce phénomène, nous avons été obligés – en particulier dans mon cas, dans mon œuvre littéraire – de « sauter de roche en roche dans ce temps incertain ». Par conséquent, nous n’avons pas une vision linéaire du temps, d’un temps qui s’écoule. C’est pourquoi je dis souvent que nous n’aurions pas pu écrire À la recherche du temps perdu de Proust, cette énorme architecture, bien construite, bien pyramidale, qui part ainsi et qui aboutit au présent. Je dis que notre temps, nous ne l’avons pas perdu, parce que nous ne l’avons jamais eu. Les peuples du Brésil, de la Caraïbe, des îles, et même les peuples latino-américains, ont été spoliés de leur temps. Et par conséquent, nous sommes obligés de le reconstituer de manière chaotique, en allant d’ici à là, en « sautant » de cette manière. C’est un temps qui n’est plus linéaire. »  

Des extraits publiés en novembre 2002 dans la belle revue d’Agnès B. pilotée par Christopher Yggdre, et qui porte le nom de… Point d’ironie. Ces propos de Glissant nous rappelle un superbe chaos-opéra de janvier 2007 (interprété improvisé justement dans la galerie d’Agnès B., rue Dieu, à Paris, [cf. Papalagui, 20/01/07]) où quelque deux cents personnes captivées avaient assisté à la lecture par Glissant lui-même de ses poèmes, assis à 78 ans au milieu de la scène, vêtu d’une chemise blanche et d’un gilet noir, accompagné en musique et chants par Bernard Lubat, « artiste-œuvrier-tôlier », et ses chanteurs et musiciens : Beñat Achiary, Fawzi Berger, Nathalie-Dalilà Boitaud, Isabelle Loubère, Fabrice Vieira. C’était tout à fait réussi cet enchevêtrement de poèmes, vocalises, musiques, lectures à plusieurs voix, plusieurs langues, enchevêtrement qui donnait une image sonore de la beauté du chaos. Juste avant, nous avions pu écouter en français et en arabe, Abdelawahab Meddeb, et en français et en islandais Thor Vilhjalmsson.

C’était donc ça, cette performance chaos d’une Nuit blanche 2013, à la Maison de la poésie, cette perte de temps colossale dans son grand ratage temporel : faire advenir la nostalgie de l’homme de 2007, d’une pensée en mouvement qui avait le talent de nous faire percevoir le chaos du monde dans sa beauté.

Mots schibboleth du Congo

C’est au Congo que mon stock de mots schibboleth s’est accru sensiblement.
[Dans la Bible, « Schibboleth » est un  mot utilisé par les gens de Galaad pour reconnaître ceux d’Ephraïm, qui prononçaient sibbōlet, et qu’ils égorgeaient aussitôt (Juges 12, 6). » TLF]
Dans le registre des mots tests pour coupeurs de routes, de mots « tu-dis-juste-ou-tu-passes-à-la-trappe », on connaissait le tristissime mot espagnol « perejil », en français « persil », mot de reconnaissance de la dictature Trujillo en République Dominicaine en 1937. « Perejil » contient les sons associés en r roulé et j guttural, difficiles à prononcer pour les Haïtiens immigrés, créolophones et francophones. Bilan : entre 10 000 et 20 000 Haïtiens furent victimes de massacres de masse.

À Brazzaville, sur les bords du Djoué, des schibboleth moins fatals apparemment sont la spécialité de ce militaire rencontré lors d’une patrouille, sur les rives du Djoué, affluent du Congo, dont les flots tumultueux viennent grossir les rouleaux du fleuve frontière.

L’homme au béret noir dispose de tout un arsenal de signes pour reconnaître si vous êtes d’ici ou d’en face (Kinshasa). Une hésitation, une démarche, un accent ? Parmi les plus cocasses, le recours aux belgicismes « septante » et « nonante ». Cet héritage colonial de la langue marque à coup sûr un Kinois, en possible resquille. Militaire les appelle « Zaïrois », car il y a Congolais et… Congolais.
Curieuse démonstration… car vu la force du Djoué à cet endroit quand il se jette dans le Congo, aucun risque à trouver un passe-frontière assez téméraire pour le traverser ici.

Un autre schibboleth, m’apprend Jean-Euloge, distingue les Congolais des deux bords. Inclure dans son lingala le mot français « lait » vous identifie résident de Brazza ; si vous dîtes « miliki » (de milk)… vous venez de Kin. CQFD.

Par le passé, le mot lingala « Muĝéti », qui désigne une espèce d’arbuste, était utilisé par les coupeurs de route des années de troubles (1992 et 1998) pour signe de reconnaissance des Sudistes. Les Nordistes, eux, ne passaient pas. Un jour, un groupe sudiste arrête un vieux et lui demande quel est le nom de l’arbuste qu’ils lui montrent. Tel Œdipe résolvant l’énigme du Sphinx, le vieux répond par une question : « Si tu me dis quel est le nom de ses fruits, je te donne le nom de l’arbuste. » Cette histoire de coupeurs de routes coupés dans leur élan et rendus à leur ignorance a fait le tour du Congo.

Jean-Euloge me rajoute un mot schibboleth, un mot coupeur de routes, le mot « koto » (coude, genou), qui selon les différents accents entre la capitale et Pointe-Noire révèle votre région d’origine.

Oxgène Césaire sur terre et dans les airs

Après leur rencontre en Martinique, en avril 1941, André Breton écrivit d’Aimé Césaire dans Martinique, charmeuse de serpents p. 97 : « La langue d’Aimé Césaire, belle comme l’oxygène naissant ».

Cette belle parole sert de prétexte à un « parcours santé Aimé Césaire » à Fort-de-France, dans l’ancien camp militaire de Balata. Les promeneurs peuvent déambuler entre des pancartes qui citent le poète tout au long des 2 km de la balade, comme le rapporte le quotidien France-Antilles.

Une flânerie terrestre qui pourrait nous inciter à revoir l’excellent film de Gilles Élie-Dit-Cosaque, réalisateur qui commit en 2008 Zétwal où un jeune Martiniquais décide de réaliser « le happening le plus génial de l’histoire : marcher sur la Lune grâce à une fusée propulsée par l’énergie poétique  (…) « Se mettre debout, s’élancer vers le ciel » : il avait pris Césaire au mot et pris ses mots pour carburant. » (Télérama, 23/12/08).

Lire Dominique Berthet, André Breton, L’éloge de la rencontre ; Antilles, Amérique, Océanie, HC éditions, 2008.