Malgré la déferlante de la rentrée littéraire nationale, la littérature d’outre-mer version 2007-2008 a de quoi pavoiser, petit ou grand le pavois, c’est selon.
D’abord, il y a eu l’ondoiement et son frisson, venu de l’océan Indien, avec les deux romancières franco-mauriciennes, Nathacha Appanah (Le Dernier frère, L’Olivier) et Ananda Devi (Indian Tango, Gallimard). Toutes deux ont pris place dans les premières listes des grands prix.
D’outre-mer, arrive en ce moment la deuxième vague. Elle coïncide en partie avec Lire en fête (19 au 21/10), et ses déclinaisons spécifiques, le salon du livre de l’outre-mer, de la Plume noire, et un nouveau rendez-vous, Banlieue’plum.
Début septembre, Ananda Devi réussit à faire de l’Inde un presque banal décor, où se débattent les encastés de tout type (femme, voyageuse, écrivain, étudiant, religieux, intouchable).
Nathacha Appanah a quitté la collection Continents noirs de Gallimard pour rejoindre L’Olivier. Prix RFO du livre pour Les Rochers de Poudre d’Or, elle remporte avec Le Dernier frère l’un des grand prix de la rentrée, le prix du roman FNAC, l’un des prix de libraires et de lecteurs. Son roman évoque une Recherche (du temps perdu) pour la réminiscence insulaire. En même temps, et avec moins d’écho, le spécialiste de Proust, auteur de la saga en quatre parties-romans L’œuvre des mers, le Saint-Pierrais Eugène Nicole publie Alaska (toujours chez L’Olivier).
La vague de fond, ce sont les » gran grek » (intellectuels en créole martiniquais), très présents en cet automne littéraire. Ensemble, Edouard Glissant et Patrick Chamoiseau ont trouvé un accueil dynamique chez les éditions Galaade, avec Quand les murs tombent, sous-titré L’identité nationale hors-la-loi ?, pamphlet contre le ministère de l’immigration et de l’identité nationale. Un texte d’intervention diffusé à 10 000 exemplaires. Il va au-delà de l’actuel débat pour/contre l’ADN (cf. le rassemblement de ce dimanche au Zénith de Paris) pour questionner l’identité.
Séparément, l’un comme l’autre publie une fiction, qui à au moins deux points communs avec Les Murs : l’identité-relation et… la beauté. Chamoiseau avec Un dimanche au cachot (Gallimard) nous donne un livre magnifique de densité littéraire et de portée historique. On attend le tout dernier Glissant pour la fin du mois : La terre magnétique : les errances de Rapa Nui, l’île de Pâques (Le Seuil, collection peuples de l’eau). Une démarche qui avait inspiré pour la même collection Le Clézio l’an dernier avec Raga, approche du continent invisible, mais situé non à Rapa Nui mais au Vanuatu.
Quant à Raphaël Confiant, que l’on avait laissé se débattant dans la presse avec les affres de ses propos sur les » Innommables » [c’est-à-proprement-dire : les Juifs], il revient avec deux livres. Un roman, chapitre géant de sa Comédie créole : Case à Chine (éd. Mercure de France). Et la version papier de son Dictionnaire du créole martiniquais (Bwetamo kreyol matnik), fruit de quinze années de travail (éd. Ibis rouge).
Et le poète Monchoachi nous donne rendez-vous également pour cette rentrée.
L’exigence littéraire martiniquaise va-t-elle occulter l’alentour caraïbe, à l’instar du holp-up littéraire opéré en 2006 dans les lettres franco-africaines avec le Renaudot décerné à Mémoires de Porc-épic d’Alain Mabanckou, qui du coup laissa au second plan le reste de l’édition africaine (excepté Leonora Miano et Contours du jour qui vient chez Plon), reste qui n’est pas rien ?
Mentionnons Suzanne Dracius, L’autre qui danse (Le Rocher) et Roland Brival, L’ensauvagé (Ramsay).
A côté des gran grek martiniquais, la Guadeloupe peut compter cette année sur une nouvelle vague, représentée par Alain Foix. Cet auteur prolifique et proéiforme a publié pas moins de quatre livres en 2007. Le tout dernier associe deux de ses activités, parmi d’autres, la philosophie et la danse : Je danse donc je suis (Gallimard jeunesse, collection Giboulée).
N’oublions pas Gisèle Pineau qui prête sa plume à un ouvrage de 400 cartes postales anciennes consacrées à l’archipel (HC éditions), à paraître cette semaine : Guadeloupe d’antan : la Guadeloupe à travers la carte postale ancienne.
Et d’Haïti, nous est venu pour cette rentrée un court roman, très intimiste, de Lyonel Trouillot, L’amour avant que j’oublie (Actes Sud). Les éditions Vents d’ailleurs poursuivent l’édition de deux auteurs haïtiens de la jeune génération, Gary Victor et Kettly Mars, dont on attend impatiemment le prochain livre pour novembre….
Eloigné de l’édition nationale, le Pacifique a essayé en vain d’exister dans cette rentrée. Saluons néanmoins le travail incessant porté par d’autres vents, d’Au Vent des îles (Tahiti), marqué par deux titres : Le Roi absent, roman de Moetaï Brotherson et La Domination des femmes à Tahiti, sous-titré Des violences envers les femmes au discours du matriarcat, un essai de Patrick Clerc.









