Badin ? Badalov réunit Ottoman et Ottowoman…

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Dans son exposition For the wall, for the world, au Palais de Tokyo (Paris), Babi Badalov, artiste azerbaïdjanais réfugié politique à Paris, nous présente son « journal intime de la vie quotidienne » : « J’écris peut-être de la poésie mais je ne me suis jamais considéré comme un poète. Ce que je fais consiste surtout pour moi en une succession d’erreurs grammaticales. » Ces erreurs sont en écho à « la confusion d’une vie nomade » où Babi Badalov opère par glissements de mots et de langues. Badalov conçoit cette installation comme un hommage au « multiculturalisme parisien ». Jusqu’au 11/09/2016.

Quelle Abeille a piqué Araki ?

arakiExposition Araki Nobuyoshi, Musée Guimet (Paris) jusqu’au 5 septembre 2016

« Ne t’est-il jamais arrivé de découvrir quelque chose de très beau, et, soudain, de souffrir très fort, et si vite que tu t’en aperçois à peine, parce que ce fragment de beauté que tu contemples, tu devrais le partager avec quelqu’un et qu’il n’y a que l’absence ? » Jacques Abeille, Les jardins statuaires, p. 365

Ce romancier surréaliste a écrit Les jardins statuaires comme premier épisode (de plusieurs centaines de pages quand même) du Cycle des contrées dont le ressort est une « attente des barbares », et où le thème de la création est considéré comme préexistant au créateur (l’œuvre contient son propre dessein, le créateur ne fait que l’accompagner).

Lire l’interview de Jacques Abeille dans Le Nouvel Observateur, 19/11/2011 et consulter le site des éditions Le Tripode

Esthétique de la galère par temps de grandes migrations

border crossing

L’empilement de valises de Tammam Azzam, artiste syrien en résidence à Vancouver, évoque immédiatement les totems géants des Amérindiens de la côte ouest du Canada. Ces sculptures de hauts lignages sont des pôles identitaires et généalogiques, racontant symboliquement la vie passée des Amérindiens de la Colombie britannique.

vancouver bc totem poles

Depuis son exil de Syrie, Tammam Azzam est connu pour les images géantes du Baiser, de Klimt, sur fond d’immeubles criblés d’impacts dans son pays natal (voir Papalagui, 08/06/15). C’est un artiste dont la matière première est le symbole.

klimt
Aujourd’hui, il a choisi de nommer son œuvre « Border crossing » ou « maaabar » en arabe (passage, traversée).
Comment ne pas voir dans le geste génial de l’empilement de ces valises plaines de fleurs l’érection de lignages multifamiliaux entre migrants à travers ce XXIe siècle ?

Gatti

On connaissait – jusqu’à la saturation visuelle – les images clichés des grappes humaines accrochées sur les dunes du Sahara aux ridelles d’un camion ou entassées dans des coquilles de noix chargées comme des grenades en Méditerranée ou dans l’archipel des Comores.

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Avec Tammam Azzam, les grandes migrations deviennent des objets esthétiques, la grande aspiration des Temps modernes, un désir plus fort que tous les périls.

Consulter le site de la galerie Ayyam qui représente Tammam Azzam.

Des papillons, les ailes du désir

Fort d’Aubervilliers
J’ai rencontré
Une enfant, une liseuse
Des papillons plein les yeux
Elle était sur un mur…
Un mur qui se dépliait
Comme un livre leporello
Tout en accordéon de notes rouges
Se déployant dans l’alentour
Tout autour de la Terre
Bleue comme une orange
Sautillant de lignes en murs
Image rêvée
Désir d’envol
Sur des ailes de papillon.

Fort d’Aubervilliers
J’ai rencontré
Une enfant, une liseuse
Des papillons plein les yeux
Elle était sur un mur…

read dream jeff aerosolCréation au Fort d’Aubervilliers par Jef Aérosol (juillet 2014). (c) Photo Jean-Paul Etchegaray.

… Un mur qui se dépliait
Comme un livre leporello
Tout en accordéon de notes rouges
Se déployant dans l’alentour
Tout autour de la Terre
Bleue comme une orange
Sautillant de lignes en murs…

… Image rêvée
Désir d’envol…

écrit Lamartine en 1823 dans son poème Le papillon, publié Dans les Nouvelles méditations poétiques :

Naître avec le printemps, mourir avec les roses,
Sur l’aile du zéphyr nager dans un ciel pur,
Balancé sur le sein des fleurs à peine écloses,
S’enivrer de parfums, de lumière et d’azur,
Secouant, jeune encor, la poudre de ses ailes,
S’envoler comme un souffle aux voûtes éternelles,
Voilà du papillon le destin enchanté !
Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose,
Et sans se satisfaire, effleurant toute chose,
Retourne enfin au ciel chercher la volupté !

… Sur des ailes de papillon.

ou d’un ange qui tombe amoureux d’une trapéziste comme dans Les ailes du désir, film de Wim Wenders (1987)

 

Jorge Pineda, des Antilles à la Fiac

La FIAC, ou Foire d’art contemporain, c’est au Grand-Palais et Hors les murs jusqu’au 26 octobre 2014. Justement, sur les Berges de la Seine, dans le cadre de Slick attitude, dévolu aux artistes émergents, rencontre avec Jorge Pineda, de la République dominicaine.

La musique est extraite de l’album Dominican Republic Merengue (Haïti, Cuba, Îles Vierges, Bahamas, New-York 1949-1962), direction artistique Bruno Blum, édité par Frémeaux & Associés.

L’image de l’Autre, au Louvre

L’image de l’Autre, par Victor I. Stoichita, est un cycle de conférences et projections au Louvre, du 18 septembre au 16 octobre 2014. C’est aussi par le même auteur un livre au titre explicite : L’image de l’Autre, Noirs, Juifs, Musulmans et « Gitans » dans l’art occidental des Temps modernes (1453-1789), co-édité par Hazan et le musée du Louvre.

Le cycle est présenté ainsi :  » Le questionnement qui traverse ce cycle de conférences n’est pas directement l’Autre, mais le regard qu’on a posé sur lui. Approcher la rencontre sous l’angle du visible n’est pas une tâche facile, car l’Autre ne s’expose pas de bon gré au regard du Même. Face aux soustractions et aux dérobades de l’Autre, il a fallu, afin de pouvoir le représenter, le «dé-couvrir », le construire et parfois l’inventer. Questionner l’image de l’altérité à l’époque de la cristallisation du « canon visuel occidental » signifie reconsidérer les données majeures de ce canon : perspective, récit pictural, composition, culte des proportions du corps humain, de la beauté, de l’harmonie chromatique et de l’éclairage. Quelle est la place de l’Autre dans cet idéal ? Quels seront les enjeux de la cohabitation de la Norme avec l’émergence de l’Autre ? L’Autre, c’est sûr, se construit en marge. Mais de quelle manière et pour qui ? »

La lecture, un rêve éveillé ?

Après la visite de l’exposition rétrospective de Bill Viola au Grand Palais, lors de l’ultime journée et de sa séquence finale, intitulée « Dreamers », montrant des rêveurs dans leur lit d’eau les recouvrant complètement comme s’ils étaient lovés dans leur liquide amniotique, puis apercevant dans le métro et sa touffeur d’été une lectrice assise alors que d’autres voyageurs restaient debout, de nombreux touristes serrés et en sueur, elle, paisible et absorbée par sa lecture, les yeux ouverts, absolument pas agités de soubresauts, le regard calme, dans une quiétude absolue, je pense aussitôt – c’est là sa chance et sa vertu – que la lecture est un rêve éveillé.

« Eza nini ? » demande la foule devant la performance de Julie Djikey

Djikey YJulie Djikey au tout récent festival Ravy de Yaoundé (Cameroun). DR

Julie Djikey, performeuse de rue des capitales d’Afrique. Membre du Collectif Kisalu Nkia Mbote (Kinshasa), elle était invitée récemment au festival RAVY (Rencontres d’arts visuels de Yaoundé). Djikey est son propre permis de créer. Elle fend la foule, qui devient son public béant, puis final de compte s’interroge : la bagnole, qu’est qu’elle pollue en nous ? Et nous rappelle aussi un bon moment aux Ateliers Sahm (Brazzaville, septembre 2013) où nous avions examiné au filtre de la critique cette création, Ozonization.

Voici la performance filmée dans les rues de Kinshasa et la critique de Sigismond Kamanda Ntumba Mulombo, par ailleurs sculpteur à Brazzaville :

 

Ozonisation : une performance mise à nu
Allusion est faite à l’ozone, la couche protectrice de l’atmosphère terrestre et ancienne appellation d’un quartier de Kinshasa, lieu de la performance de Julie Djikey. Corps enduit d’une mixture d’huile de moteur et de la cendre de pneus brûlés. Lunettes solaires. « Soutien-gorge » en boîtes de conserve. Réservoir de véhicule porté en bandoulière. Corps en exergue. Identité dissimulée.
Muette, Julie « conduit » un véhicule tout terrain, en réalité un jouet, assemblage hétéroclite d’objets récupérés. Ni tout à fait nue, ni réellement folle, elle met à nu la folie des personnes sensées. L’Homo sapiens dilapide son héritage, l’environnement. Loin d’Al Gore, auteur d’Une vérité qui dérange, elle exhibe ses atouts : son propre corps, telles les Femenes, ces militantes féministes aux seins nus.  Prise de risque assumée : la femme, cet obscur objet du désir,  selon un film de Luis Buňuel, suscite voyeurisme et curiosité. Spectacle assuré.
Le Kinois s’interroge : « Eza nini ? » (Qu’est-ce que c’est ?). Subtile implication dans cette expression minimaliste convoquant l’ici et l’ailleurs, l’éphémère et l’intemporel, le traditionnel et le contemporain. Naguère, au Kasaï, la femme adultère repentie, faisait amende, Tshibawu, en arpentant nue le village. Dans l’ethnie mongo, au terme d’une longue réclusion, la primipare, Wala, paradait enduite de ngola, pigments végétaux. La patiente atteinte de maladie psychosomatique, Zebola, procédait mêmement. Julie s’inscrirait-elle dans cette lignée ?

Sigismond Kamanda  Ntumba Mulombo