Annoncé à Saint-Denis-de-La-Réunion, la troisième édition du Grand Prix du roman Métis récompense Tierno Monénembo pour Le terroriste noir (Seuil). Le jury est présidé par Mohammed Aïssaoui. Les deux précédents lauréats ont été Maryse Condé en 2010 et Lyonel Trouillot en 2011. Tierno Monénembo a été prix Renaudot en 2008 pour Le Roi de Kahel. Sa littérature explore une mémoire commune entre Guinée, son pays natal, où il vit, et la France.
Le mot de l’éditeur :
Tout commence en lisière de la forêt des Vosges, un jour de 1940, quand un père et son fils partis cueillir des champignons tombent par hasard sur un « pauvre nègre » endormi au pied des arbres. Conduit au village, ce jeune Guinéen adopté en France à l’âge de 13 ans, à la fois austère et charmeur, y fera sensation. Il saura enflammer les cœurs, s’attirer des protections. Mais ce n’est qu’un début : en 1942, il entre en contact avec la Résistance et crée un des premiers maquis de la région. Lancés sur ses traces, les Allemands l’appelleront « le terroriste noir ».
Qui a trahi Addi Bâ ? Une de ses nombreuses amantes ? Un collabo professionnel ? Ou tout simplement la rivalité opposant deux familles aux haines séculaires ? À travers cette figure fascinante, c’est tout un pan méconnu de notre histoire qui défile : ceux que l’on appelait les tirailleurs sénégalais. C’est aussi la vie quotidienne de la population des Vosges, évoquée par Tierno Monénembo avec une verve irrésistible… comme s’il s’agissait d’un village africain.
Voir le site d’Etienne Guillermond : Addi Bâ Mamadou, héros méconnu de la résistance.
Cinq ans après, Nathacha Appanah est récompensée du Prix littéraire 2012 de la Fondation France Israël pour son roman Le dernier frère, déjà prix du roman Fnac 2007 (Papalagui, 27/08/2007).
« Nathacha Appanah revient sur un aspect peu connu de la diaspora juive à travers l’histoire d’amitié de deux jeunes garçons. De sa plume bouleversante, l’auteur explore les espoirs naïfs de la jeunesse, tout en menant une réflexion sur l’injustice et la fragilité de la vie. », précise le communiqué de la Fondation.
« La couche pirogue en folie court à jadis
case navire ivre de fumeuses incandescences
elle perd le nord au long cours d’une odyssée de toile
qu’à l’envi balbutie l’enivrée
soumise au change de zombis enfants d’Hypnos rebelle
conflagrations d’hystérie marchande
mutineries carrousses et reniements sans façons
désespoirs mélasses et lamentations de pacotille
blues nègre qui prend le vent du sud profond. »
Avant de partir en résidence d’écriture aux États-Unis, l’éditeur et écrivain mauricien Barleen Pyamootoo [Bénarès (1999) et Le Tour de Babylone (2002), deux romans chez L’Olivier] a accordé un entretien au Mauricien (27.08.12). Extrait :
« Aujourd’hui le monde a changé, on peut vivre dans le plus petit village du monde et voir son texte être publié. En ce moment il y a Bertrand de Robillard qui vit ici et qui est publié en France. Il y a aussi Alain Gordon Gentil, Shenaz Patel, Carl de Souza, Akeel Gopee. Les données ont complètement changé, notamment avec les jeunes qui sont dans l’écriture-monde. Ils ont dépassé le colonialisme. Ils ont dépassé le post-colonialisme. Ils sont dans quelque chose de très moderne. Leur monde n’est pas nécessairement celui de Maurice. Françoise Lionnet l’a dit dans le cadre de la préparation de son livre « Cosmopolitique créole pour l’océan Indien » [voir Papalagui, 11.08.12].
Qu’est-ce que vous comprenez par écriture-monde ? Est-ce que vous estimez que les Mauriciens sont trop nombrilistes ?
Pas du tout. En littérature on dit que ce qu’il y a de plus universel, c’est le trou du cul du monde, c’est-à-dire, le village le plus retiré comme dans « Cent ans de solitude » de Gabriel Garcia Marquez. C’est « Une maison pour M. Biswas » de V.S. Naipaul c’est-à-dire dans un endroit complètement retiré qui est véritablement universel. Ce n’est pas New York, ce n’est pas Paris. Ce sont les quartiers de Dublin comme dans James Joyce. Ce que je suis en train de dire c’est qu’on peut être insulaire, on peut vivre dans le village le plus retiré de Maurice ou dans le quartier le plus défavorisé de l’île, ce qu’on écrit, ce qu’on pense n’en tend pas moins à l’universel. On n’est pas universel parce qu’on vit à Paris ou à New York, on l’est parce qu’on porte une condition humaine en soi, ou l’humanité tout simplement. »
« Ayant beaucoup travaillé sur la créolisation, j’ai constaté à un moment donné que les concepts de créolisation et de cosmopolitisme recouvraient beaucoup de dynamiques similaires. Mais on employait le terme cosmopolite pour parler des élites qui voyagent, qui ont les moyens d’être très éduquées, d’avoir une vision du monde assez complexe et intellectuelle, et une capacité d’évoluer dans des milieux extrêmement différents, de s’adapter et de ne pas être cloisonnées dans des compartimentages nationaux ou chauvinistes. Depuis Kant, le sujet cosmopolite se dit citoyen du monde. Mais finalement le cosmopolitisme n’est-il pas une forme de créolisation des élites ? (…)
Je me suis lancée dans cette idée de cosmopolitique créole – et non pas cosmopolitisme – pour souligner l’importance de la politique, du milieu démocratique ou pas, dans lequel les gens évoluent. »
Le su et l’incertain. Cosmopolitiques créoles de l’océan Indien, Françoise Lionnet, professeure de littérature française, francophone et comparée à UCLA (Los Angeles) . Entretien dans Le Mauricien, 10.08.12
« Il aura fallu plus de 25 ans depuis le tout premier roman paru aux Comores en 1985 pour que cet archipel francophone et arabisant ose publier un roman en langue locale, le comorien, un parler fortement imagé proche du swahili.
Autobiographique, le roman signé Mohamed Nabhane retrace l’histoire d’une enfance déracinée et fait revivre le garçon de 11 ans qu’il a été dans les années 1960, parti étudier en Egypte, avec son père, un frère et un cousin.
Mtsamdu Kashkazi, kusi Misri signifie en shikomori (langue des Comores) « Mutsamudu, saison des pluies et saison sèche en Egypte ». Mutsamudu est la capitale d’Anjouan.
Paru la même année que la première traduction du Coran en comorien, en 2011, le roman s’est vendu à un millier d’exemplaires, une performance aux Comores, pays de l’Océan indien comptant 735 000 habitants et moins peuplé que Marseille.
Un deuxième tirage est en cours, ainsi qu’une traduction en français. »
La chronique du jour (France Ô) a réuni des écrivains qui aiment se coltiner le réel, que ce réel traverse la société d’aujourd’hui ou que ce réel reflète l’Histoire. Prenons trois auteurs et trois formes littéraires différentes, le roman au sens où l’entend la littérature générale, la bande dessinée et le polar. Ces trois genres traduisent la richesse d’un réel inépuisable comme source de fiction.
Le colloque consacré à l’archéologie de l’esclavage, a réuni des spécialistes durant trois jours au musée du Quai Branly : « L’archéologie de la période coloniale joue un rôle décisif pour documenter les conditions de vie des esclaves, leurs habitats, les rites d’inhumation, l’état sanitaire des défunts, leur âge, leur sexe. »
Or, le dernier roman de Gisèle Pineau, qui porte le joli titre de Cent vies et des poussières (Mercure de France) s’appuie sur un épisode douloureux de la Guadeloupe : un massacre de nègres marrons. Cette faute originelle est l’une des composantes romanesques du livre.
L’auteur de Morne Câpresse va plus loin en installant une communauté d’aujourd’hui sur les lieux-mêmes du massacre. En bout de chaîne : une femme en mal d’enfants qui a pour seule envie d’avoir des bébés, quitte à délaisser ces enfants grandis, vivant d’illusions, comblant le vide de son existence par le plein de bébés. Sur ce terreau, se développe la misère sociale et affective, bifurquent les mauvaises pistes pour une jeunesse déboussolée, s’égarent dans la voie de la sur-consommation les citoyens d’aujourd’hui.
Gisèle Pineau est une écorchée vive de la littérature guadeloupéenne. Elle nous interpelle : les enfants des illustres marrons vivent dans un ghetto social. La question de la responsabilité collective est posée par l’auteur, qui vit aujourd’hui à Marie-Galante : que sont devenus les enfants des nègres marrons ? Ce thème de la jeunesse en impasse était aussi traité par l’écrivain martiniquais Alfred Alexandre l’an dernier avec Les villes assassines et par le cinéaste Jean-Claude Flamand Barny en 2004 avec Neg’marron.
Une bande dessinée nous donne l’occasion de nous intéresser à la date du 8 mai qui est commémorée à la fois en France et en Algérie, dans un chassé-croisé de mémoires : l’Armistice dans un cas, le rappel d’un massacre dans l’autre cas.
Car la date de l’Armistice, c’est-à-dire de la capitulation de l’Allemagne nazie et la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe est aussi la date d’un massacre à Sétif en Algérie, thème d’une bande dessinée signée Azouz Begag et Djillali Defali, Leçons coloniales (Delcourt).
La BD décrit l’installation d’une institutrice qui essaiera en vain d’ouvrir l’école aux autochtones musulmans et les préparatifs clandestins d’une manifestation d’opposants politiques. Les qui voulaient profiter de l’armistice pour mettre en avant leurs revendications d’indépendance et réclamer la libération de Messali Hadj, leader du Parti populaire algérien (PPA).
Bilan : un mort à Sétif puis des émeutes qui font une centaine de morts parmi les Européens puis des représailles qui vont causer la mort de plusieurs dizaines milliers de personnes.
3e page historique, 3e forme littéraire, le polar historique avec Le choix des désordres de Pierre D’Ovidio (éditions 10-18) qui s’attache à un autre massacre colonial, celui de Madagascar en 1947.
Voir l’exposition des photos de Pierrot Men à Paris. Ces insurgés, l’inspecteur Maurice Clavault va les croiser lors de son enquête sur la disparition d’un colon. Un polar qui vaut pour la description de l’atmosphère de survie dans la France d’après-guerre et sur la genèse d’une insurrection qui s’est soldée elle-aussi par plusieurs dizaines de milliers de morts en 47 et 48.
En Chute libre, le dernier roman du Mauricien Carl de Souza, est le fruit de six années de travail. C’est un livre magnifique sur un champion de badminton, sa vie déchue et les années qu’il traverse dont les moments clés de la décolonisation du pays.
L’énorme spirale de vent, le grand vortex décapite les îles du Grand Océan et entraîne avec lui tous les soupirs de mer… Les langueurs de nacre mauve et d’embruns soufrés puisées à la surface plane du néant se coagulent en solfatares puissants qui cinglent et secouent, toutes voiles dehors * cela vient des confins, du large nulle part où des îlots ignorés, à peu près sans nom tourbillonnent soudain sur le vide des flots puis cela déferle en un immense arc bandé chevelure blanche de sorcière en furie, colossale gifle sur les fragiles sols qui semble encore plus vouloir éparpiller * le cyclone force et faiblesse de ces terres !
[ANTANANARIVO, Madagascar (AP) — Le cyclone Giovanna a fait 16 morts et 65 blessés à Madagascar, a-t-on appris mercredi auprès des autorités.
Six personnes ont notamment été tuées dans l’effondrement d’un bâtiment à Alaotra Mangoro (est), selon Richard Ramandeamanana, un responsable gouvernemental dans cette région.
Le cyclone Giovanna a touché terre vers 1h du matin mardi 14 février à Brickaville, située à 250 km à l’est d’Antananarivo, s’accompagnant de fortes pluies et de vents violents. Certains quartiers à Antananarivo et ailleurs ont été inondés. Le gros de la tempête était passé mardi après-midi. AP]