http://www.dailymotion.com/swf/video/xe5oen?additionalInfos=0Gilbert Peyre – L’Interview
envoyé par le_cent_quatre. – Futurs lauréats du Sundance.
Dernière représentation de Cupidon ce soir au 104 (104 rue d’Aubervilliers, Paris 19e). Hier, dans la salle bondée, les spectateurs ont eu tout leur champ de vision occupé par un castelet géant. Comment traduire autrement ce qui emplit l’œil et le sature ? Un théâtre de marionnettes ogresque, dans la pénombre, dont les détails restent encore indiscernables. Le titre lui-même, inspiré de Brassens, laisse auguré d’un spectacle improbable : Cupidon, propriétaire de l’immeuble sur l’enfer et le paradis.
Nous sommes dans du théâtre d’objets (de nos jours les spectateurs improvisés doivent se faire une idée rapide de ce qui leur est proposé, tant l’offre théâtrale prend toutes sortes de formes et de propositions créatives, quelquefois alambiquées).
Confirmation nous est donnée par l’entrée en scène côté jardin d’un premier objet ? robot ? animalcule ? qui traverse tout l’espace visuel, laissant toujours le fond de scène, énormité mystérieuse, peut-être monstrueuse, dans l’obscur. Un deuxième automate, un lapin blanc, fend l’espace, très rectiligne dans son mouvement.
Cette traversée déclenche la parole d’une fillette qui s’extasie devant le passage du lapin blanc. Avec la parole vient la lumière sur le castelet goliath. L’évidence d’une Alice au pays des merveilles est vite démentie par les nouvelles questions que se pose le spectateur enchanté, tant le ravissement le dispute à l’étonnement. Cette Alice est-elle réelle ou androïde ? Une actrice enfant se cache-t-elle derrière cette parole ? Ou Gilbert Peyre, « plasticien électromécanomanique » (comme il est présenté dans l’interview ci-dessus, extrait du site du 104) nous a-t-il concocté un vrai robot imitant à la perfection une comédienne ?
Les ambivalences ludiques composent en une pièce montée millimétrée la délicieuse performance de cet ensemble inouï.
La jeune princesse (dite la Mariée) demande à un petit monsieur sur son trône hydraulique : « Voulez-vous jouer avec moi ? ». Bientôt, elle entonnera la comptine « Une souris verte… » (Corinne Martin, étonnante). Ni Alice ni conte… puis viendront les paroles d’un comédien tronc qui se repaît d’une langue crue sur fond de musique lyrique (remarquable Jean-Yves Tual : voir son blog).
Comme Gilbert Peyre le raconte dans l’entretien vidéo pour le 104 (ci-dessus), le tout forme un opéra, mot que certains hommes de l’art lui ont reproché. Il faut dire (il le dit simplement) qu’il est autodidacte, et que lui l’opéra il le sent en vertu de ses résonances d’art lyrique.
Langue verte et chant lyrique, acteurs immobiles (circonscrits en un cercle pour elle, sur un rail transverse pour lui) ; conte pour enfants et grivoiserie joviale ; étonnante animation des objets hétéroclites du fond et justesse du jeu des deux comédiens-troncs ; bande sonore tantôt synchrone, tantôt savamment désynchronisée à la fin… tout se tisse comme un tricot mental (on comprend tout le profit que Jean-Pierre Jeunet a aimé en tirer pour Micmacs à tire-larigot), dans cette « réécriture polissonne du mythe d’Adam et Ève », comme le résume élégamment le site 20h59.com).
Grand moment cette approche de séduction entre un pantalon et un corsage-jupe suspendus, dans des va-et-vient tellement vraisemblables que l’attention de public est suspendue… Comme si le va-et-vient n’avait jamais été aussi bien illustré.
C’est comme un cabinet de curiosités moins motivé par la collectionnite aiguë de son concepteur que vers le spectateur en mode partagé. Les automates de l’autodidacte facétieux et plasticien électromécanomanique Gilbert Peyre nous offrent un univers gentiment borderline, comme une récréation de l’esprit, jusqu’alors ankylosé par les blockbusters industriels type Shrek (1,2,3). Le spectacle vivant n’a jamais mieux mérité son appellation.
Le résumé de Cupidon est consultable sur le site du 104.
Armelle Héliot en pense du bien, sur son blog, Le Grand théâtre du monde : « Cela brinqueballe et cela grince. La première fois que nous avions vu un spectacle de Gilbert Peyre nous avions écrit qu’il « met en branle » des objets, des êtres, des fantasmes, des images, des histoires. Ici aussi, dans ce nouvel opus… ».
Régis de Closets aussi, sur Bakchich : « Baroque, inclassable et jouissif… »
Et si vous n’en avez pas assez, consultez le site même de Gilbert Peyre, c’est plein de vidéos affriolantes… Et prenez un billet pour Bochum en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, dont le festival Fidena programme Cupidon, les 10 et 11 septembre 2010. Pour l’avenir, on espère les programmateurs français aussi chaleureureux que ceux de la Biennale des arts de la marionnette à Pantin en 2009, ou du 104.
Distribution et production :
Cupidon, Propriétaire de l’Immeuble situé sur l’Enfer et le Paradis
sculpturOpéra de Gilbert Peyre
Résidence au CENTQUATRE à Paris du 15 juillet au 6 août 2010 – Répétitions gratuites ouvertes au public de 16h à 17h : 15 au 17, 21 au 24, 28 juillet
6 représentations : 29 au 31 juillet 20h, 1er août 18h, 05-06 août 20h
Conception, sculptures, mise en scène et scénographie : Gilbert Peyre
Comédien : Jean-Yves Tual (Cupidon) ;
Comédiennes : Corinne Martin (La Mariée) ; Morgane Olivier (La Gouvernante)
Soprano : Lydie Morales
Voix : Achille Orsoni, Corinne Martin, Gwénola de Luze, Olga Nikolaeva
Texte : Yves Garnier et divers textes d’après Le Cantique des cantiques
Musique: « Mes béatitudes » (extraits) de Gérard Pesson ; « Mi par d’udir ancora » d’Enrico Caruso ; « Temps arrêté » de Raphaël Beau
Conseiller technicien, assistant scénographie : Vikonte de Bartholin
Ingénieur électronicien : Robert Breton
Electronicien :Marc Gaide
Ingénieur du son : Fabien Caron
Mise en lumière : Flore Marvaud
Costumes : Morgane Olivier
Manipulateurs console : Marc Gaide, Juliette Zanon
Photographe : Suzane Brun
Participants construction : Anne Pinguet, Virginie Chevrier, Claude Orsoni
Techniciens montage : Yann Lelarge, Claude Cottet
Traduction anglaise : Nelly Orsoni
Stagiaire : Elsa Mroziewicz
Production Compagnie P.P. DREAM/Laurence Alfieri
Coproduction Achille Orsoni – LE CENTQUATRE
Avec le soutien de Loupi Electronique et Robert Breton ; le Théâtre de la Marionnette à Paris ; le Théâtre de la Commune – CDN d’Aubervilliers ; la Ville de Pantin ; Paris quartier d’été
Merci à Gérard Pesson ; Emmanuelle Sagnier (Ensemble Cairn) ; Au CENTQUATRE : à Constance de Corbière (Secrétaire Générale) et Julie Sanerot, Valérie Perriot-Morlac, Claudia Petagna, Gilles Carle, Ronan Le Guern, Josselin Ligné, Anna Castro ; Au Festival Fidena : à Annette Dabs (Directrice), Anke Meyer (Assistante) ; Luc Petit (Régisseur Général, Direction du Développement Culturel de Pantin) ; Carole Fierz (Paris Quartier d’été)