Grâce à Le Clézio, Haïti entre pour la première fois au Louvre

Une statuette grecque du IIIe millénaire avant JC, des peintures historiques, des gravures révolutionnaires, des objets vaudou d’Haïti et des tableaux tel Le Serment des ancêtres en cours de restauration, des nattes du Vanuatu, des ex-voto mexicains, ce n’est pas un inventaire à la Prévert, mais un musée imaginé par Jean-Marie G. Le Clézio, grand invité du Louvre pendant trois mois pour un cycle de conférences, de rencontres et une exposition « Les musées sont des mondes », du 3 novembre 2011 au 6 février 2012 (voir la programmation).

A l’aune de Malraux et d’André Breton, Le Clézio écrit dans le livre catalogue son opposition à la « hiérarchie des cultures », en invitant le visiteur à « faire un pas de côté » pour regarder l’artisanat autant que l’art.

Un rôle d’iconoclaste qui convient à ce « fantaisiste » comme le reconnaît joliment le titre de son dernier livre, Histoire du pied et autres fantaisies (Gallimard). Grâce à Le Clézio, Haïti entre pour la première fois au Louvre. Le parcours qu’il propose commence par Haïti, dont les œuvres d’Hector Hyppolite  [lire l’article d’André Breton] et se poursuit par l’Afrique, le Mexique et le Vanuatu. Le pied étant cette partie du corps « souvent négligée » qui nous mène à l’aventure, à travers le monde, dans le métro, dans un musée…

Choc esthétique

Volonté manifeste de faire se correspondre l’ancien et le contemporain, ce qui est considéré comme de l’art premier et l’art à base de récupération. Autre très belle performance muséographique par celui qui ne prétend pas avoir de compétence particulière dans ce domaine : la présence de deux superbes automobiles low-riders avec leurs propriétaires, des familles de Chicanos de Los Angeles, emblèmes d’une culture urbaine métissée, objets roulant customisés, capitonnés, bichonnés, magnifiés, qui à eux seuls vont attirer quantité de curieux… Cette « Orgullo mexicano » trois fois primée dans un concours de beauté pourrait rendre jaloux quelques conservateurs ! Un véritable choc esthétique.

Leonardo Padura, l’optimiste (Foire du livre de La Havane)

« Il est clair que suivre le modèle soviétique à la lettre dans les années 70 nous a conduit à des excès, ce qui bien sûr n’ont pas été, de près ou  de loin ceux du stalinisme, mais qui ont voir avec les difficultés économiques et sociales que nous subissons encore.
Padura estime que la publication de son dernier livre à Cuba « montre que les choses changent«  sur l’île assiste à des réformes économiques en cours a marqué une obligation d’être optimiste. » (Qué.es, quotidien madrilène du 20/02/11 citant l’agence EFE.)

À propos de L’homme qui aimait les chiens, de Leonardo Padura, dont la présentation vient d’avoir lieu à la Foire du livre de La Havane, lire Papalagui du 4/02/11.

Le Mexique, une littérature au-delà des contingences (suite)

Les députés mexicains, tous partis confondus, ont demandé le maintien de l’Année du Mexique en France, à l’issue d’une discussion sur l’affaire Florence Cassez, la Française condamnée à soixante ans de prison pour enlèvements.

« Nous exhortons les gouvernements du Mexique et de France à examiner la possibilité de préserver la réalisation des activités programmées pour l’Année du Mexique en France », a dit la députée Maria de Jesus Aguirre, du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, opposition), en faisant état d’un accord entre tous les partis. (source : Le Monde)

Carlos Fuentes, écrivain : « Les relations culturelles » entre deux pays « sont une chose », les « relations politiques, judiciaires et diplomatiques en sont une autre » déclare t-il. L’auteur se rendra aux évènements auxquels il est invité, bien qu’il soit en profond désaccord avec la politisation de l’évènement, déclarant souhaiter contribuer à faire perdurer « ce programme enraciné dans la grande amitié franco-mexicaine ».  (source : El Universal.mx)

Voir le documentaire Écrivains mexicains (13′)

2011, année du Mexique en France

L’opération a été lancée le 3 février en annonçant 350 événements dont 250 culturels. Dans sa sélection, Le Monde cite une collection de masques de jade mayas à la Pinacothèque de Paris (à partir du 25 février) et, cet automne, une rétrospective du peintre Rufino Tamayo au Petit Palais. Les oeuvres de Frida Kahlo et Diego Rivera seront à l’Orangerie et l’art mexicain du XIXe siècle au Musée d’Orsay.

Avant de feuilleter la bibliothèque mexicaine, visionnons ce documentaire in situ, où Carlos Fuentes, Paco Ignacio Taïbo II, Martin Solarès, Guadalupe Nettel y otros nous font découvrir la littérature de leur pays :

http://culturebox.france3.fr/player.swf?video=27961Découvrez Carlos Fuentes, Martin Solares, rencontre avec des écrivains mexicains sur Culturebox !

Consulter le site de l’Année du Mexique en France.

Relevons avec Livres-Hebdo dans le domaine littéraire quelques manifestations :

– A Paris, le roman noir mexicain a rendez-vous à la Maison de l’Amérique latine du 23 au 25 mars. À noter la Nuit du cinéma noir mexicain le 26 mars.
– A la Bibliothèque nationale de France de Paris, remarquons l’intérêt pour José Emilio Pacheco et Octavio Paz, prix Nobel de littérature.
– Le festival Paris en toutes lettres du 5 au 8 mai aura comme invité d’honneur Carlos Fuentes, également protagoniste de la Fête du livre d’Aix les 13 et 16 octobre.
– Un colloque international à la Sorbonne, les 20 et 21 octobre, célèbrera les 40 ans de la publication chez Gallimard du texte Renga, poème coécrit par Octavio Paz, Jacques Roubaud, Edoardo Sanguineti et Charles Tomlinson.
– Du 30 novembre au 5 décembre, durant le Salon du livre et de la presse de jeunesse de Montreuil, un stand sera dédié à une librairie regroupant des titres en langue originale et des traductions, des expositions d’illustrations, des ateliers… avec une mise en relation des éditeurs français et mexicains. 

Padura, à lire en français, en espagnol, en russe…

Cuba serait-il en plein révisionnisme historique ? Un signe : le tout dernier livre du grand romancier Leonardo Padura, qui vit à La Havane et qui déroule sur 671 pages une histoire jusqu’alors taboue sera imprimé dans sa version cubaine sur du papier fourni par le gouvernement ! « L’homme qui aimait les chiens » est un roman envoutant, fruit de cinq années de travail… les portraits croisés de Trotski, ennemi éternel de Staline, et de son assassin Ramon Mercader, une histoire dont le dépositaire est un Cubain qui vit à la fin du XXe siècle. Un livre qui raconte trois révolutions, bolchévique, espagnole et cubaine par la vie de trois personnages. Rencontre à Paris de Leonardo Padura.

Guadalajara récompense Margo Glantz… et Folies d’encre

« Bashevis Singer dit, quelque part : « Les Juifs ne consignent pas leur histoire, ils n’ont pas le sens de la chronologie. C’est comme s’ils savaient de manière instinctive que le temps et l’espace dont une simple illusion. » Cette sensation d’un temps long, gélatineux, contracté et prêt à se réduire en un thème aux multiples variations et cadences, s’accorde à la vie de mes parents et aux conversations répétées d’où soudain sort une étincelle. Elle illumine un fait décalé de la chronologie idéale que l’histoire veut nous faire avaler. Le temps est un espace calligraphié se répétant perpétuellement, dans les constantes litanies avec lesquelles le juif religieux mesure sa vie. »

Margo Glantz, Les Généalogies, Éditions Folies d’encre, p. 29.

« Trois jours après l’attribution du prestigieux prix Cervantes à l’Espagnole Ana Maria Matute, 84 ans, c’est une autre femme, la Mexicaine Margo Glantz, qui a reçu le prix de la Foire internationale du livre de Guadalajara, au Mexique, doté de 150 000 dollars (114 000 euros). Romancière, essayiste et universitaire, Margo Glantz est âgée de 80 ans. Dans les Généalogies, l’un de ses rares ouvrages disponibles en français, elle part à la recherche de ses origines juives ukrainiennes et s’interroge avec humour sur l’identité mexicaine. Principal salon du livre en langue espagnole dans le monde, la Foire de Guadalajara attend 600 000 visiteurs d’ici au 5 décembre. Parmi les 500 auteurs invités, le prix Nobel français J.-M. G. Le Clézio, qui y a déclaré, samedi, en conférence de presse : « La littérature n’est pas faite pour guérir mais pour donner des maux de tête. » Libération, 29/11/10.

« La répétition est une des formes poétiques les plus simples. Je l’ai toujours vécue. On emploie aussi l’énumération, qui est le signe dominant de mon enfance. Nous traversions des rues et des maisons, je ne m’en souviens presque plus. Nous avons vécu dans la rue Amsterdam, au coin de la rue Michoacan, et dans la rue Axtlico, à l’angle de la rue Juanacatlan (désormais rebaptisée, par cette violence contre les noms qui altère notre vies) mes parents ont connu la rue des Capuchinos avant qu’elle ne reçoive le nom long et désormais obsolète de Venustiano Carranza. »

Les Généalogies, p. 149.

Margo Glantz, qui est francophone, était l’invitée du Salon du livre de Paris, en mars 2009 :

http://www.dailymotion.com/swf/video/x8ofxc_margo-glantz_creation?additionalInfos=0Margo Glantz
envoyé par slal.

(À noter que ce seul ouvrage de Margo Glantz édité en français l’est pas Folies d’encre, qui n’est donc pas qu’une librairie, fût-elle des plus accueillantes, mais aussi une maison d’édition.)