Vœux pour 2023

En un mot comme en cent : BONNE ANNÉE ! 🎉

que l’on dit au Japon : 良いお年をお迎えください en le prononçant avec plein de « O » et de douceurs : yoï otoshi o omukae kudassaï, et que l’on accompagnera d’un haïku de Gotô Yahan (1895-1976), dans une traduction d’Alain Kervern (lire son magnifique recueil Haïkus des cinq saisons, Géorama Éditions) :

Que du rêve de l’An Neuf
puisse l’éventail
largement s’ouvrir

Aux amis de langue arabe, du Maghreb, d’Égypte, de Syrie, du Liban, d’Irak, du Yémen, du Golfe, je dis : كل عام وانتم بخير (prononcé : kul ‘ām wa ‘antum bikheir) en compagnie de Nouri Al Jarrah, poète syrien de Londres, auteur d’Une barque pour Lesbos (2016) (lire Le sourire du dormeur, son anthologie poétique traduite par Antoine Jockey pour les éditions Sindbad Actes Sud, de Farouk Mardam Bey) :

J’ai aperçu l’éclair venant de l’Orient
Et subrepticement il a illuminé
L’Occident
J’ai vu le soleil immergé
Dans son sang
La mer agitée
Et l’éclat du passé pillé à l’intérieur des livres.

Aux amis ouïghours, je souhaite : يېڭى يىل مۇبارەك (prononcé : yëngi yil mubarek), avec cet extrait de la poésie de Lutpulla Mutpellip (1922-1945), traduite par Dilnur Reyhan, dans l’anthologie Littérature ouïghoure, Éditions Jentayu :

Peu importe ce que les années offrent de barbe
Moi aussi, je serai mûr dans leurs bras.
Il y a la marque de mes œuvres, de mes poèmes,
Dans le cou de chaque année qui fuit devant moi.

Aux amis haïtiens, aux amis d’Haïti et des Caraïbes, je dis, avec Guy Régis Jr. : « Onè respè 2023 » (Honneur et respect). 🦋

Ô Syriens damnés…

« أيها السوريون الهلاكيون، (…) انهضوا في كل لغة وكل كتاب وكل أجل وكل خيالٍ، واضطربوا في كل ترابٍ، وانهضوا كما ينهض البرق في الأشجار. »

« Ô Syriens damnés, (…) levez-vous dans chaque langue, chaque livre, chaque moment fatal, chaque imaginaire, et vibrez dans chaque terre. Levez-vous comme l’éclair se lève dans les arbres. »

Traduit en français par Antoine Jockey dans l’anthologie de Nouri Al-Jarrah, Le Sourire du dormeur, qui vient de paraître chez Sindbad Actes Sud.

page extraite de l’anthologie de Nouri Al-Jarrah, Le Sourire du dormeur, traduite en français par Antoine Jockey, éditions Sindbad Actes Sud, 2022

Déwé Gorodé, la disparition d’une intellectuelle kanak

© photo Eric Aubry, Nouméa, 2004

Déwé Gorodé s’est éteinte ce 14 août 2022 à l’âge de 73 ans des suites d’une longue maladie à l’hôpital de Poindimié (Nouvelle-Calédonie). Figure politique indépendantiste kanak de Nouvelle-Calédonie et femme de lettres (romans, nouvelles, poésie, aphorismes), une œuvre écrite essentiellement en français, quelquefois en langue paicî, elle incarnait ce double engagement, féminin et féministe, politique et littéraire, pour son pays.

Première femme kanak titulaire d’un diplôme universitaire national (une licence de lettres modernes), elle a été membre du gouvernement de Nouvelle-Calédonie et sa Vice-présidente à deux reprises.

À lire l’article Le Monde avec l’AFP.

À lire sa biographie littéraire sur le site Île en île.

Une rencontre à Sète, lors d’un festival de poésie avec Déwé Gorodé et Imasango, co-autrices du recueil de poésie « Se donner le pays, paroles jumelles » (ed. Bruno Doucey), sur le site FranceInfo:culture

Parmi les premières réactions à sa disparition :

Roch Wamytan, président du congrès de Nouvelle-Calédonie a salué « un parcours exceptionnel » :

« Deux dossiers lui tiennent à cœur : l’enseignement des langues kanak et les signes identitaires. Sa volonté de faire connaître la culture et les traditions kanak, pour les faire connaître au monde, a poussé Déwé Gorodey, conteuse traditionnelle, à écrire de nombreux poèmes, contes et nouvelles, romans et pièce de théâtre. »

Philippe Gomès, ancien président du Gouvernement de Nouvelle-Calédonie : 

« C’était une femme passionnante, une femme de conviction,une femme d’autorité aussi.

Combien en ai je vu battre en retraite quand Déwé prenait la parole pour affirmer ses positions sur tel ou tel sujet….Et il en était de même dans les différents cénacles indépendantistes. »

Maison du livre de Nouvelle-Calédonie :

« Femme de lettre engagée dans la culture, les arts et particulièrement le livre et la lecture. »

Gilbert Bladinières, éditions Madrépores, Nouméa :

« Avec la disparition de Madame Déwé Gorodé, la Nouvelle-Calédonie perd sa plus grande figure culturelle. 

En Nouvelle-Calédonie, elle laisse le souvenir d’une femme vraie, engagée pour ses convictions, ouverte à la multiculturalité et à son affirmation artistique et culturelle dans le bassin Pacifique. »

Éditions Bruno Doucey, Paris :

« Cette militante, qui n’abandonna jamais le combat pour la culture et la défense de son peuple, était porteuse de fraternité et d’espérance. » 

Un extrait de Utê Mûrûnû, petite fleur de cocotier, nouvelles, éditions Grain de sable, Edipop, 1994, p. 21 :

« Ces voix de la terre, enseignait donc ma grand-mère Utê Mûrûnû, n’étaient autres que celles de la mère, celles de la femme. Et elles s’adressaient, en premier lieu, à nous les femmes qui, mieux que personne, pouvions les comprendre. Porteuses de semences, nous étions lardées d’interdits, marquées de tabous comme autant de pierres pour obstruer la vie. Ornières de plaisir, nous devenions des Eva mordues par le serpent inventé par les prêtres de la nouvelle religion. Adi, perles noires du mariage coutumier, nous étions échangées comme autant de poteries scellant une alliance entre deux guerres. Voies et pistes interclaniques, nous survivions tant bien que mal à nos enfances et à nos pubertés trop souvent violées par des vieillards en état de lubricité. Prestige, virilité, guerre, des concepts mâles pour la grande case des hommes bâtie sur le dos large des femmes ! Partage, solidarité, humilité, paroles féminines conçues, nourries, portées dans nos entrailles de femmes battues ! « Auu ! Tu le sais déjà, petite soeur, ce monde érigé sur notre ventre, nos bras, notre tête, cet univers parasitant notre corps, n’est qu’un leurre qui nous force à la soumission. Mais il est tout aussi vrai, petite mère, que tous les hommes ne sont que nos fils ! Et si nous n’avons pas demandé à venir au monde, si nous n’avons pas choisi de naître femmes, nous n’avons qu’une vie, ici et maintenant, alors tentons au moins de la vivre au lieu de la subir ! Marchons sur les traces de Kaapo, notre princesse de légende kanake, qui ouvrit bien des brèches à ses risques et périls, qui se fraya tant de chemins contre vents et marées ! Soyons toutes des Kaapo ! »

Ukraine, pays réel, poésie rêvée

Bribes de poésie ukrainienne entendues lors d’une soirée proposée par le collectif Mriya à la librairie-galerie Eva Pritsky, Paris XXe.

Suis-je aussi attelée à la charrue du temps ?

(…)

Dans un manteau de pluie, je me tiens transparente.

(…)

Sur mon épaule, tu dessineras un papillon noir.

(…)

Moi-même, sans mythe, nue et vide.

(…)

La patience arme ton esprit.

(…)

Fleuris mon âme, ne te lamente pas.

MRIYA (« rêve » en ukrainien) est un collectif d’artistes ukrainiens, russes et français, fondé sur quatre principes :

* Soutien à la population et à la résistance ukrainiennes.

* Soutien aux artistes ukrainien.ne.s, à leur travail et sa diffusion.

* Soutien aux membres de la société civile russe qui s’opposent à la guerre et à la politique du régime de Poutine.

* Soutien aux réfugié.e.s de guerre et aux réfugié.e.s politiques sans distinction de nationalité.

source : page Facebook du collectif Mriya : https://www.facebook.com/106204318705457/posts/111418774850678/

Наша поезія – це зброя (notre poésie est une arme)

« Nous savons avec certitude

que les guerres sont finies

et que la poésie ne l’est pas. »

Oleksandr Tkachenko, ministre de la culture ukrainien, présentant le portail « Poésie du libre », qui invite la population à prendre la plume

Source : Le Monde, 20 mars 2022, Live, 17h55. Lien : Guerre en Ukraine : un « front pratiquement figé », une situation humanitaire qui s’aggrave

Le compte twitter de Oleksandr Tkachenko donne le lien du portail « Poésie du libre » : https://warpoetry.mkip.gov.ua/

Le Monde : « Chaque poème, chaque ligne, chaque mot fait déjà partie de l’histoire ukrainienne. Après notre victoire, les générations futures doivent se souvenir de ce que nous avons traversé et être inspirées par le courage et la lutte héroïque. Rejoignez le patrimoine culturel et ajoutez vos œuvres, car nous savons avec certitude que les guerres sont finies et que la poésie ne l’est pas. »

Le Monde semble avoir utiliser un traducteur automatique mais sans traduire le titre de la page d’accueil du site qui collecte les poèmes :

Наша поезія – це зброя, що надихає тих, хто тримає зброю справжню.

Кожен вірш, кожен рядок, кожне слово – це вже частина Української історії. Після нашої перемоги, майбутні покоління мають пам’ятати крізь що ми пройшли та надихнутись відвагою і героїчною боротьбою. Долучайтеся до культурної спадщини й додавайте свої твори, адже ми точно знаємо, що війни закінчуються, а поезія – ні.

en français (trad. automate Google) :

Notre poésie est une arme qui inspire ceux qui détiennent de vraies armes.

Chaque poème, chaque ligne, chaque mot fait déjà partie de l’histoire ukrainienne. Après notre victoire, les générations futures doivent se souvenir de ce que nous avons traversé et être inspirées par le courage et la lutte héroïque. Rejoignez le patrimoine culturel et ajoutez vos œuvres, car nous savons avec certitude que les guerres sont finies et que la poésie ne l’est pas.

Centenaire Kerouac, né le 12 mars 1922

Fou j’ai écrit des rideaux

de

poésie en feu

[28 octobre 1954]

traduction Bernard Agostini

Aujourd’hui, centenaire de la naissance du jazz poet, Jack Kerouac, né le 12 mars 1922 à Lowell (Massachusetts), mort à l’âge de 47 ans, le 21 octobre 1969 à St. Petersburg (Floride).

Mad wrote curtains

of

poetry on fire

[October 28, 1954]

Jack Kerouac, Le livre des haïku, édition bilingue, La Table ronde, réédité pour ce centenaire, le 24/03.

Les œuvres les plus connues de Kerouac, Sur la route (considéré comme le manifeste de la Beat Generation), Les Clochards célestes, Big Sur ou Le Vagabond solitaire, racontent de manière romancée ses voyages à travers les États-Unis. Le genre cinématographique du road movie est directement influencé par ses techniques et par son mode de narration.

Nombreuses émissions à écouter sur France-Culture. Dans Sans oser le demander, Mathieu Garrigou-Lagrange a réuni Josée Kamoun, traductrice et Damien Aube, critique littéraire et d’art à Transfuge, mensuel qui consacre son numéro de mars au jazz poet.

A noter aussi la nouvelle édition de Poèmes dispersés, de Jack Kerouac, traduction Philippe Mikriamos, éditions Seghers.

Ce recueil publié pour la première fois chez Seghers en 1976 entend offrir « une vision complète de son œuvre poétique ».

 » Cette jolie ville blanche

De l’autre côté du pays

Ne me sera plus

Disponible

J’ai vu le firmament bouger

Ai dit  » C’est la fin « 

Parce que j’étais fatigué

De tous ces présages

Et dès que vous aurez besoin

de moi

Appelez

Je serai à l’autre

bout

Attendant

contre le mur final « 

Extrait de  » San Francisco Blues « 

« Même si l’auteur de Sur la route n’est pas toujours célébré pour sa poésie, à l’inverse de son complice Allen Ginsberg, celle-ci représente une part essentielle de son œuvre.

Pendant de son écriture romanesque, la poésie de Kerouac met en avant les aspects les plus caractéristiques de son écriture : là, plus encore peut-être que partout ailleurs, il cherche à se libérer de tous les carcans, faisant confiance à la spontanéité de sa plume, multipliant les libres associations, les mots-valise, les onomatopées, la recherche du rythme et de la sonorité pure… tout en créant de superbes métaphores.

 » On écrit tout ce qui vous vient à l’esprit comme ça vous vient, dit Kerouac, la poésie retourne à son origine, à l’enfant barde, véritablement orale… « 

Ce recueil, publié pour la première fois aux Etats-Unis en 1971, sous le titre Scattered Poems réunit des textes écrits dans les années 50 et 60 et qui avaient paru dans des publications éphémères et underground.

Drôles, grossiers, émouvants, désordonnés, bruts, énigmatiques, ludiques, à fleur de peau, ils s’attaquent vigoureusement à l’american way of life et explorent les failles et les traces de folie causées par l’absurdité et la violence de la vie dans la société capitaliste. Ils parlent aussi de liberté, de beauté et d’évasion.

Ils sont une formidable porte d’accès l’univers poétique de Kerouac. »

Jacques Abeille en son nuage de pierre

L’écrivain Jacques Abeille est mort le 23 janvier 2022, à l’âge de 80 ans. Il laisse une œuvre considérable où le rêve le dispute à un imaginaire flamboyant. Son Cycle des contrées réédité par les éditions Le Tripode après une vie éditoriale chaotique est marqué par un roman majeur Les jardins statuaires.

Dans cette fable épopée un voyageur découvre une contrée où les jardiniers font pousser des statues. Ou plutôt, ils les élèvent comme des organismes vivants mus par leur propre logique interne. C’est un livre prodigieux d’imagination où le style développe une phrase d’une grande beauté, le lecteur y est pris comme dans un lasso géant pendant plusieurs centaines de pages…

Extrait des Jardins statuaires (Folio, p. 129-130) :

— Aucune statue, me dit le doyen, ne voit le jour sans caresses.

Je fis une autre observation encore.

— On dirait que vos statues n’ont pas de socle.

— En effet, elles n’en n’ont pas. Lorsque nous les plantons, elles ont des racines comme toutes les statues. Une statue sans racines, cela n’existe pas. Mais les nôtres ont ceci de particulier qu’elles passent leur croissance à résorber leurs racines. Et nous savons qu’elles ont atteint leur pleine maturité quand plus rien ne les rattache au sol.

Il parut réfléchir un instant aux propos qu’il allait prononcer et continua :

— Il est arrivé qu’en se polissant par-dessous, la pierre parvienne d’elle-même à si bien réduire tout ce qui pourrait la rattacher au sol qu’elle s’envole.

— Comment ? m’exclamai-je.

— C’est la vérité pure. La forme nuageuse atteint si bien la perfection qu’elle se confond en elle et que l’on voit soudain s’élever dans les courants ascendants de l’air chaud un nuage de pierre qui va rejoindre les vapeurs célestes.

— Et, ajouta mon guide, lorsque ces nuages parviennent à une certaine hauteur dans le ciel, le gel les fait éclater. Ils choient donc en fragments lumineux que le frottement de leur chute consume et réduit en poudre. Cette pluie très douce tombe, portée par le vent, sur d’autres domaines. Elle se mêle au terreau des plates-bandes comme un levain merveilleux. Les statues, cette saison-là, sont vaporeuses.

Je les regardais à tour de rôle l’un et l’autre, mon guide et le doyen. Ils semblaient penser avec beaucoup de rigueur et d’attention à ce qu’ils venaient de dire et j’aurais pu croire que, de leurs yeux levés, ils suivaient au loin l’évolution de l’un des nuages dont ils venaient de me parler.

Pour étonnante que paraisse cette histoire, je n’ai jamais osé douter de sa véracité ; je sais trop bien qu’il est dans la nature de la pierre de se détacher du sol. Et, plus tard, je me rendis compte que c’était là une façon encore d’entendre la sentence laconique : « Si on brise la statue, on ne trouve rien ; elle est si pleine qu’elle n’a pas d’intérieur. »

La Journée : اليوم

‎⁦‪#18decembre‬⁩

‎Journée mondiale de la langue arabe

اليوم العالمي للغة العربية

Nuit de lune froide

rêves ouatés sous la couette

chambard d’étoiles

ليلة البدر البارد

أحلام ضبابية تحت اللحاف

انفجار من النجوم

« Le thème de la Journée mondiale de la langue arabe de cette année, « La langue arabe, un pont entre les civilisations », est un appel à réaffirmer le rôle clé de la langue arabe dans le rapprochement des peuples à travers la culture, la science, la littérature et bien plus encore. » (UNESCO)