Nuée de guilis
bébé tombe en pâmoison
au seuil du sommeil
Auteur / Papalagui
Cascade

Cascade fumante
d’un doux amour incendiaire
au soleil couchant
Halte!Haïku n°13
Poursuivie
la luciole s’abrite
dans un rayon de lune
Ce haïku d’Ôshima Ryôta, poète japonais du XVIIIe siècle (trad. C. Atlan et Z. Bianu), nous accompagnera lors d’une balade-haïku nocturne en forêt de Fontainebleau, vendredi 13 juin, à partir de 21h. Avec Florian Targa.
C’est l’une des balades à venir, présentée dans Halte!Haïku nº13, dont une Balade-haïku nature, avec Clotilde Rouanet, près de Sens (Yonne), et autres rubriques, ateliers, florilèges, etc.

Dans les rubriques, voyage en atelier d’écriture avec Hubert Haddad, à l’occasion de la réédition de son Nouveau magasin d’écriture (Zulma) et retour sur deux balades-haïkus, en forêt de Saint-Germain-en-Laye et près de Passy (Yonne) [photo ⬆️].

Pour les détails, consulter Halte!Haïku, mensuel des balades-haïkus :

Fontaine
Fontaine publique
un père mimi débarbouille
une frimousse bambine

Buon compleanno Italia ! 🎉
Aujourd’hui, c’est jour férié en Italie, Festa Della Liberazione (Fete de la liberation) qui commémore la fin du régime fasciste de Mussolini et la fin de l’occupation nazie du pays.
« Le 25 avril 1945 a lieu l’insurrection générale des partisans antifascistes. Le Duce est exécuté par des partisans le 28 avril 1945, ainsi que sa compagne Clara Petacci. Hitler le suivra dans la mort deux jours plus tard. Les troupes allemandes encore présentes en Italie capitulent face aux Alliés le 2 mai 1945. » (source : revue Herodote)

« Des gens en fête dans Les rues de Milan, le 25 avril 1945 » © Farabola
Sur la photo, le panneau fait référence aux « martyrs de Loreto », rappel de l’exécution par les nazis, à Milan, place Loreto, le 10 août 1944, de quinze résistants antifascistes sur le trottoir. Leurs corps seront exposés au public en guise d’avertissement.
Au Japon, le théâtre est gratuit pour les fantômes
« Ce que c’est qu’un pin, apprends-le du pin » (matsu no koto wa matsu ni narahe 松のことは松に習へ), ce beau précepte de Bashô, je l’ai lu la première fois dans un article érudit d’Augustin Berque.
J’en ai retrouvé une version théâtrale dans la pièce de Simon Gauchet, L’Expérience de l’arbre, créée en 2019, hier à la MC93 de Bobigny. On peut voir des extraits dans ce film tourné au Théâtre national de Bretagne.

Trois personnages dialoguent autour de la question du théâtre, du public, de son art déclamatoire, une mise en abyme, elle-même truffée d’histoires et d’anecdotes : un acteur de nô, art sacré au Japon (interprété tantôt avec humour tantôt avec gravité par Hiroaki Ogasawara), un homme de théâtre français (Simon Gauchet, émouvant ou ironiquement docte, dans son propre rôle) et… un arbre, Matsu, le pin en japonais, personnage à part entière, qui progressivement envahira le plateau.
C’est jouissif et chatoyant, drôle et profond, en résonance au Théâtre et son double d’Antonin Artaud comme à la fable Le Chêne et le Roseau de Jean de La Fontaine.
C’est une ode composite à la transmission entre les générations dans chacun des pays comme à l’échange entre l’Orient et l’Occident. Entre un théâtre hyper-codé (le nô) et un théâtre en quête incessante de formes nouvelles. C’est aussi du théâtre bilingue français japonais. Une forme de conférence croisée où l’on oublierait de s’ennuyer.
C’est un éventail où l’acteur de Nô range à la fin du spectacle tout un monde.
On y entend la musique du vent dans les pins, les cerisiers, les saules, comme la musique de Joaquim Pavy qui, sur scène, enrichit le dialogue grâce à sa guitare.
C’est l’omniprésence de l’arbre rescapé puis finalement mort après la catastrophe de Fukushima et son tsunami, lorsque « là-bas, la vague avance avec une douceur sans pitié » : « Je suis le vestige d’un souvenir que tous veulent oublier. »
Un spectacle où l’on apprend, qu’au Japon, le théâtre est gratuit pour les fantômes.
Quel genre de bête transformerait sa vie en mots ? (Adrienne Rich)
What kind of beast would turn its life into words?
What atonement is this all about?
– and yet, writing words like these, I’m also living.
Is all this close to the wolverines’ howled signals,
that modulated cantata of the wild?
or, when away from you I try to create you in words,
am I simply using you, like a river or a war?
And how have I used rivers, how have I used wars
to escape writing of the worst thing of all –
not the crimes of others, not even our own death,
but the failure to want our freedom passionately enough
so that blighted elms, sick rivers, massacres would seem
mere emblems of that desecration of ourselves?

Traduction française
Quel genre de bête transformerait sa vie en mots ?
De quelle expiation s’agit-il ?
– et pourtant, quand j’écris des mots comme ceux-là, je vis aussi.
Tout ça a-t-il à voir avec le signal crié des carcajous,
cette cantate modulée de la nature ?
ou, quand loin de toi j’essaie de te recréer en mots,
est-ce que je t’utilise simplement, comme une rivière ou une guerre ?
Et comment ai-je utilisé les rivières, comment ai-je utilisé les guerres
pour éviter d’écrire sur la pire chose au monde –
non pas les crimes des autres, ni même notre propre mort,
mais notre incapacité à vouloir notre liberté avec suffisamment de passion
pour que les ormes contaminés, les rivières malades, les massacres
semblent
de simples emblèmes de cette profanation de nous-mêmes ?
Adrienne Rich, Le Rêve étrange d’un langage commun, The Dream of a Common Language, édition bilingue, traduit de l’anglais par Shira Abramovich et Lénaïg Cariou, coll. Des écrits pour la parole, édition de L’Arche, décembre 2024.
Extrait de la 4e de couv. :
« Poétesse, activiste, essayiste et enseignante, Adrienne Rich (1929- 2012) est une figure tutélaire de la poésie états-unienne. Ses écrits, dont son essai « La contrainte à l’hétérosexualité et l’existence lesbienne », ont marqué le féminisme de son époque. En 1974, elle reçut le National Book Award qu’elle accepta à condition de le partager avec Audre Lorde et Alice Walker, « au nom de toutes les femmes » ; en 1997, elle refusa la National Medal for the Arts pour marquer son opposition à la politique du président Bill Clinton : l’art, dit-elle alors, « ne veut rien dire s’il ne sert qu’à décorer la table du pouvoir qui le tient en otage ».
Lénaïg Cariou, l’une des deux traductrices est l’invitée de l’émission de France Culture « La poésie d’Adrienne Rich, en vers et contre tous « .
D’après The New Yorker, « elle avait toujours une longueur d’avance » (« The Long Awakening of Adrienne Rich », The New Yorker, 23/12/2020).
« Halte ! Haïku » n°12
Halte ! Haïku, « Fantaisie sur les balades-haïkus paraissant quand il est temps », publie ce 1er mars sa 12e édition.
Au menu : un éloge du haïku par un poète papou ; un poème « le dit du haïku » ; un extrait de Galaxie Chaos-Babel, livre spirale de Frankétienne, artiste et poète haïtien, disparu récemment ; un écho de deux revues de haïkus, L’Ours dansant et L’Estran ; une citation d’Emil Coran sur « l’infime » ; le mot (japonais) du mois : 山笑う (yama warau), qui désigne la floraison des montagnes au printemps ; et quelques autres friandises, signées Jacques Prévert, Patrick Chamoiseau, Mireille Gansel, Géraldine Moreau-Geoffrey, Birima Ba, lauréat d’un concours de haïku au Sénégal.
Consulter :

Pablo Neruda, la fonction du poète
Alors que l’enquête sur la mort du poète chilien a été réouverte, ainsi que la justice chilienne l’a ordonnée il y a un an (a-t-il été empoisonné en 1973 au lendemain du putsch du général Augusto Pinochet contre le président socialiste Salvador Allende, ami du poète ?), il n’est pas inutile de relire ces quelques lignes qu’il consacrait à la fonction du poète, au printemps 1960. Des lignes empreintes du souffle de la Révolution cubaine, notamment.
y éstos son los oficios del poeta,
del aviador y del picapedrero:
debemos hacer algo en esta tierra
porque en este planeta nos parieron
y hay que arreglar las cosas de los hombres
porque no somos pájaros ni perros.
Y bien, si cuando ataco lo que odio,
o cuando canto a todos los que quiero,
la poesía quiere abandonar
las esperanzas de mi manifiesto,
yo sigo con las tablas de mi ley
acumulando estrellas y armamentos
y en el duro deber americano
no me importa una rosa más o menos:
tengo un pacto de amor con la hermosura:
tengo un pacto de sangre con mi pueblo.
Extrait de Pablo Neruda (1904-1973), Chanson de geste, Canción de gesta, 1960, traduit de l’espagnol (Chili) par Pablo Urquiza, bilingue, Abra Pampa éditions et Le Temps des Cerises, 2017.
voici la fonction du poète,
de l’aviateur et du casseur de pierres :
nous devons faire quelque chose sur cette terre
car on nous a conçus sur cette planète
et il faut arranger les choses des hommes
car nous ne sommes ni des chiens ni des oiseaux.
Alors, si quand j’attaque ce que je hais
ou quand je chante tous ceux que j’aime,
la poésie veut abandonner
les espoirs de mon manifeste,
je continue avec les tables de ma loi,
ramassant étoiles et armements
et dans le dur devoir américain
peu m’importe une rose de plus ou de moins :
j’ai un pacte d’amour avec la beauté :
j’ai un pacte de sang avec mon peuple.
Extrait de l’avant-propos par Pablo Neruda :
Ojalá que mi poesía sirva a mis hermanos del Caribe, en estos menesteres de honor. En América entera, nos queda mucho que lavar y quemar.
Mucho debemos construir.
Que cada uno aporte lo suyo con sacrificio y alegría.
Tanto sufrieron nuestros pueblos que muy poco les habremos dado cuando se lo hayamos dado todo
Pourvu que ma poésie servent à mes frères des Caraïbes, dans ce besoin d’honneur. Dans l’Amérique entière, il nous reste beaucoup à laver et à brûler.
Nous devons beaucoup construire.
Que chacun donne de sa personne avec sacrifice et joie.
Nos peuples ont tellement souffert que lorsque nous leur donnerons tout ce sera encore peu.
Pablo Neruda, A bord du paquebot Louis Lumière entre l’Amérique et l’Europe, le 12 avril 1960
Ce poème pourrait alimenter l’éternel dilemme entre poésie engagée versus divertissement. Selon les intellectuels engagés, un terme tombé en désuétude au XXIe siècle, l’utile (politiquement) s’opposerait au futile, divertissement et autres passe-temps. Selon les tenants d’une société du spectacle contemporaine, le divertissement serait prioritaire. Ainsi le directeur de Disney, Bob Iger, avait déjà déclaré en 2014 : « Les créateurs ont perdu de vue ce que devait être leur objectif numéro un. Nous devons d’abord divertir. Il ne s’agit pas d’envoyer des messages. » Ecouter/lire cette chronique de France Culture, du 17/02/2025.
Sur un autre front, celui des footballeurs de classe internationale, accusés, avec leurs fréquents et longs déplacements en avion, de carboner un maximum la planète, le divertissement du grand spectacle, dans les stades et sur le petit écran, devrait les exempter de toute responsabilité environnementale. Comme si, là aussi, une politique de sobriété était l’empêcheur de jouer en rond au ballon : « Le message implicite du sport roi semble être qu’il peut s’exonérer de ses responsabilités environnementales et consommer toujours plus de ressources au motif qu’il divertit ou fait rêver. » , écrit le journaliste Jérôme Latta, dans sa chronique du Monde du 17 février 2025.
Or, à bien le lire, le poème de Neruda n’est pas qu’un éloge de l’engagement et un manifeste politique. C’est aussi une ode à la beauté, dont on retiendra ce qui nous parait essentiel « peu m’importe une rose de plus ou de moins : j’ai un pacte d’amour avec la beauté ».
Étonnant, le grec !
Dans la langue écrite, l’étonnement est marqué par un point d’exclamation (!). Et bien, la langue grecque est étonnante : le point d’interrogation lui-même est marqué par un point-virgule ; tiens ! tiens !
Ainsi, « Bonjour, comment t’appelles-tu ? », s’écrit : « καλημέρα, πώς σε λένε ; » (ελληνικα στο π και φ 1, p. 19)
Mais l’étonnement grec est tout aussi exclamatif (!). Ouf !
