L’écrivain haïtien Lyonel Trouillot est lauréat du Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde pour son roman « Parabole du failli » (Actes Sud).

L’écrivain haïtien Lyonel Trouillot est lauréat du Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde pour son roman « Parabole du failli » (Actes Sud).


Qu’est-ce qu’un prix littéraire ? C’est un « toit », a répondu le dramaturge Koffi Kwahulé, heureux et fier de recevoir le Prix Édouard Glissant. L’auteur des pièces de théâtre Big Shoot, Misterioso-119, La Mélancolie des barbares, P’tite souillure, du roman Babyface a reçu cette récompense le 6 décembre à la Maison d’Amérique latine des mains de la présidente de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, Danielle Tartakowsky.

Cette métaphore d’un Prix littéraire comme « toit »… voilà de quoi donner à penser. Ce n’est pas le toi du village planétaire où, à défaut de se connaître, on se fréquente en foule furieuse qui flue en mondialisation goulue. « Mondialité », préférait Glissant.

Non, ce « toit » est bien celui du partage, d’une famille de pensée, d’un « lieu commun » aimait à dire le poète, en une formule détournée à la fois provocante et littérale, car au pied de la lettre – citons-le ici avec Traité du Tout-monde (1997), p. 23 – : « une des traces de cette Poétique [de la Relation] passe par le lieu commun. Combien de personnes en même temps, sous des auspices contraires ou convergents, pensent les mêmes choses, posent les mêmes questions. Tout est dans tout, sans s’y confondre par force. Vous supposez une idée, ils la reprennent goulûment, elle est à eux. Ils la proclament. Ils s’en réclament. C’est ce qui désigne le lieu commun. Il rameute mieux qu’aucun système d’idées, nos imaginaires. »

Dans l’euphorie d’un discours improvisé, l’auteur de Jaz, à l’écriture travaillée par cette musique justement (Misterioso est un album du pianiste de jazz Thelonious Monk) l’a dit tout net, dans une parole qui donne justement à penser : « Les vrais penseurs sont des créateurs de marges ; avec la pensée de Coltrane, avec la pensée de Glissant, on peut essayer l’inédit. »
Cela fait longtemps que Glissant nourrit notre questionnement du monde et rameute les imaginaires. Voir son recueil La Terre le feu l’eau et les vents : une anthologie de la poésie du Tout-monde (Galaade, 2010)… où l’on écrit et parle en de nombreuses langues, 14 ans après son essai Introduction à une poétique du Divers. Et Kwahulé est un cas.
Au nom du jury du Prix Glissant, le philosophe François Noudelmann a rappelé à son propos : « Le jazz joue un rôle décisif dans ses pièces et ses récits, sous forme d’orchestres, de blues ou de scat, de rythmes qui définissent ses personnages. Les sujets de ses œuvres ne sont pourtant pas de simples divertissements : la guerre et la mise à mort, les viols et l’exil donnent le ton d’un déchirement intime et collectif. »
Après Vassilis Alexakis (Grèce/France), le premier lauréat du Prix Glissant en 2003, et jusqu’à Michaël Ferrier (France/Maurice/Japon) en 2012, associé à la photographe Anabell Guerrero (Vénézuela/France), et aujourd’hui pour ce 11e Prix, Koffi Kwahulé (Côte d’Ivoire/France), l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis en partenariat avec l’Institut du Tout-Monde et la Maison de l’Amérique Latine donne écho une fois l’an à la pensée d’Édouard Glissant, et donne repère – et repaire – au Tout-Monde.
Une question de sens. Clin dœil ? (Danielle Tartakowsky a dirigé à Paris 8 l’Ecole doctorale « Pratique et théorie du sens » jusqu’en 2010). Nous avons rencontré à plusieurs reprises Kwahulé au festival d’Avignon, souvent à La Chapelle du Verbe incarné (il en est le « cardinal » selon ses hôtes, premier auteur de la première pièce jouée dans ce lieu des théâtres d’outre-mer, avec Village fou ou Les Déconnards, créée en juillet 1998, voir présentation Africultures, mai 1999).
Dix ans plus tard, nous rencontrons Kwahulé à la Goutte d’Or, à Paris : « A l’origine, une rencontre entre un auteur et un théâtre. Un auteur dont la plume musicale confronte l’Homme à son animalité. Un théâtre animé par le souffle d’un quartier-monde. L’écriture respire alors au rythme de la Goutte d’Or : Koffi Kwahulé vit en résidence au Lavoir Moderne Parisien.» [Papalagui, 29/03/2008]
Kwahulé avait donné un Big Shoot de haute volée, avec un Denis Lavant magistral. [Papalagui, 06/04/2008] L’auteur évoquait ainsi son geste créateur : « L’ambition est celle-ci : faire se rencontrer dans l’écriture Coltrane et Monk. Deux sons, deux respirations. Big Shoot est née de ces deux respirations, bien qu’il n’y ait dans la pièce aucune référence directe au jazz. Monk disait aux musiciens qui voulaient l’accompagner : » Non, non, jouez, moi je vous suis. » Mes deux personnages ont ce rapport-là, l’un dit à l’autre : » Joue, je t’accompagne. » Tout est parti de cette phrase de Monk, qui est en principe le leader et qui dit à l’autre : « Je te suis. » »]
Autre clin d’œil ? pour Glissant le jazz était une marque de la mondialité : « Le jazz est un créole et c’est pour ça que cette musique est devenu valable universellement tandis que la chanson de mariage irlandaise aussi belle soit-elle ne l’est pas pour le monde entier. » [Mondomix, recueilli deux ans avant sa mort, le 03/02/2011]. [Quoique, là on n’est pas sûr d’être d’accord : dans Titanic, apparaît le groupe Gaelic Storm – né en Californie un an plus tôt – avec ce titre An Irish Party in Third Class, devenue une musique irlandaise mondialisée.]
Chez Kwahulé, la va-et-vient (Tours et détours d’Édouard Glissant, titre un article de Raphaël Lauro dans Esprit de juillet 2013) prend des allures formelles. Ainsi le précisait Virginie Soubrier, doctorante [Papalagui, 09/09/2009] : « L’écriture de Kwahulé est (…) une écriture déambulatoire qui contraint celui qui voudrait en témoigner à une reconstruction a posteriori. Mais, en dehors de ces extravagances de la fable, construites le plus souvent par les mises en abîme, qui brouillent sa linéarité, la font digresser et instaurent ainsi un ton d’écoute. »
Et Kwahulé, on l’écoute quand il lance : « Les vrais penseurs sont des créateurs de marges ; avec la pensée de Coltrane et de Glissant, on peut essayer l’inédit. »
Du coup, on a presque oublié les deux lauréats de la bourse Édouard Glissant. Anis Fariji pour son projet de thèse sur « la modernité dans la musique d’art arabe contemporain » et Gonzalo Yanez Quiroga qui envisage une thèse sur « le divers en exil, la relation et la rencontre confidentielle, l’oralité, les décolonisations poétiques et nouvelles articulations du commun » (tiens, tiens !). Quiroga est en cours de traduction en espagnol du Discours antillais, d’Édouard Glissant (Pour les traductions, voir Île en île).
LIENS :
Site personnel de Koffi Kwahulé.
Fiche K.K. sur le site des Francophonies en Limousin.
Chez Koffi, lors de sa résidence à Villepinte (Une forme de toit, non ?).
Site officiel d’Édouard Glissant.
Anis Fariji, Esquisse d’une physionomie formelle de la période dite de « synthèse » chez Saed Haddad, Université Paris 8, Département de Musique.
PROCHAINEMENT, on assistera au théâtre de Koffi Kwahulé :
– à Lausanne, Misterioso-119 ;
– à Toulouse, La Mélancolie des barbares, reprise en 2014.
À Paris Photo, la photographe brésilienne Rosângela Rennó a été récompensée du Prix du livre de l’année, organisé avec la Fondation Aperture, pour A01 [COD.19.1.1.43] — A27 [S | COD.23], titre code, numéro d’enquête de police sur un vol resté impuni : la disparition et la mutilation de 751 photos, et 195 autres documents dans le département d’iconographie de la Fondation de la Bibliothèque Nationale du Brésil lors d’une grève des employés en 2005.
Ce vol spectaculaire s’est déroulé sans effraction, mais avec d’évidentes complicités internes et un choix judicieux des oeuvres dérobées. Leur remplacement par des archives d’autres photographies a retardé la découverte de ce délit à grande échelle contre la mémoire d’un pays, ces photos étant inscrites au registre Mémoire du monde par l’UNESCO.

Dans une table ronde de la « Plateforme » de Paris photo, vendredi 15 novembre, Rosângela Rennó a dénoncé cet « effacement et cette amnésie historique », dénonciation qui prend la forme d’un livre remarquable, justement primé, qui représente le dos des photos retrouvées mutilées. La photographe joue sur le paradoxe : ne pas montrer la photo mutilée mais son dos, son verso, soulignant ainsi l’absence et le regret d’une mémoire trafiquée, dérobée. Les auteurs du forfait n’ont pas été identifiés mais les soupçons s’orientent vers des professionnels de la photo, qui connaissent le prix du patrimoine. Car la mémoire a un prix. Ce qui a fait dire à Rosângela Rennó à Paris Photo, et ce qui constitue un autre paradoxe : « C’est le marché de l’art de la photo qui a suscité ces cambriolages. »
On devine par exemple en transparence la trace fantomatique des croiseurs de la marine brésilienne au XIXe siècle, photos dont l’auteur, le Français Marc Ferrez, est par ailleurs représenté dans l’espace de l’Institut Moreira Salles, qui propose l’exposition « Regard sur les villes », et les trois grandes cités, Rio, Sao Paulo et Brasilia. Un ensemble édifiant sur les villes, la nature et leur frontière, notamment dans les photomontages en trompe-l’œil de Caio Reisewitz. Ici Casa Canoas (maison d’Oscar Niemeyer) :

Sur le travail de Rosângela Rennó, voir le blog Lunettes rouges.
À Ouessant, au Salon du livre insulaire, deux prix à noter :
Iles grecques, mon amour, de Philippe Lutz (Mediapop éditions) est récompensé du Grand Prix des îles du Ponant 2013 ;
Ne lâche pas ma main de Michel Bussi (Presses de la Cité) reçoit le Prix roman policier (recommandé par Papalagui, 01/04/13).
Sur les dix sélectionnés, cinq ont été choisis par un jury composé de dix jeunes lecteurs français, âgés de 15 à 20 ans :
Emmanuelle Bayamack-Tam, Si tout n’a pas péri avec mon innocence, P.O.L
Jean-Luc Coatalem, Nouilles froides à Pyongyang, Grasset
Hubert Haddad, Le peintre d’éventail, Zulma
Aïssa Lacheb-Boukachache, Scènes de la vie carcérale, Au Diable Vauvert
Michelle Tourneur, La beauté m’assassine, Fayard.
Décision, lors d’Étonnants voyageurs, le 18 mai 2013.

(c) Stephen Vanfleteren
Congo, une histoire (Actes Sud), de David Van Reybrouck, l’un des meilleurs livres de l’année 2012, déjà plusieurs fois primé, est récompensé par le Prix Aujourd’hui, doté cette année de 45 000 euros par François Pinault, ancien président du groupe PPR (qui sera bientôt rebaptisé Kering) et grand collectionneur d’art, qui a décidé lundi de porter sa dotation de 25 000 à 45 000 euros. Selon l’AFP, « Grâce à ce nouveau prix, l’auteur pourrait éventuellement trouver un moyen de le distribuer au Congo. »
Christophe Bataille et Rithy Panh avaient reçu le prix en 2012 pour L’élimination (Grasset).

Voir le reportage chez David Van Reybrouck, dans Papalagui, 31/12/12.
Les membres du comité de parrainage du prix Ouest-France-Etonnants voyageurs ont pré-sélectionné, le 6 mars, les dix romans finalistes. Dix jeunes ont été choisis dans toute la France pour composer le jury final. Ils se retrouveront le 13 avril pour débattre des livres et en garder cinq. Ils choisiront leur lauréat pendant le festival à Saint-Malo, le 19 mai.
Les dix livres pré-sélectionnés :
Emmanuelle Bayamack-Tam, Si tout n’a pas péri avec mon innocence, P.O.L
Clément Caliari, Gibier, Gallimard
Frédéric Ciriez, Mélo, Verticales
Jean-Luc Coatalem, Nouilles froides à Pyongyang, Grasset
Didier Desbrugères, La Biographie, Gaïa
Hubert Haddad, Le peintre d’éventail, Zulma
Aïssa Lacheb-Boukachache, Scènes de la vie carcérale, Au Diable Vauvert
Olivier Sebban, Roi mon père, Le Seuil
Kim Thuy, Man, Liana Levi
Michelle Tourneur, La beauté m’assassine, Fayard
Le comité de parrainage :
Hervé Bertho, Michel Le Bris, Mélani Le Bris, Jean Lallouet, Sami Tchak, Léonora Miano, Sorj Chalandon, Alain Dugrand, Yahia Belaskri, Maylis de Kerangal, Jean Rouaud, Carole Martinez, Alain Mabanckou, Jean-Marie Blas de Roblès.
Les dix membres du jury final :
Théophile CALLOC’H, 16 ans (Ploëmel), Lise CHEREAU, 16 ans (Saint-Mathurin-sur-Loire), Margaux HIREL, 16 ans (Lannion), Louise LEMEE, 16 ans (Fougères), Juliette LEROUX, 18 ans (Escoville), Nathan LEVEQUE, 16 ans (Yves), Marie NOBELLA, 17 ans (Menil-Jean), Rose PATARD, 16 ans (Cherbourg), Caroline RABIN, 20 ans (Parthenay-de-Bretagne), Mariam SERHAN, 18 ans (Nantes).
Le 13ème Prix Carbet des Lycéens (de Guyane, Martinique et Guadeloupe) récompense l’auteur guadeloupéen Franck Salin pour son livre L’homme pas Dieu (éd. Écriture), signé Frankito.
C’est l’histoire d’un professeur de physique au sens propre comme au figuré, accusé d’un triple meurtre, qui tente de prouver son innocence.
Le jury du 8e Prix du livre France Culture – Télérama a pré-sélectionné les dix romans et récits suivants :
Vie et mort de Paul Gény de Philippe Artières (éd. du Seuil)
Une vie brève de Michèle Audin (éd. Gallimard)
Mélo de Frédéric Ciriez (éd. Verticales)
Le chat de Schrödinger de Philippe Forest (éd. Gallimard)
Les nuits de Vladivostock de Christian Garcin (éd. Stock)
Roma/Roman de Philippe de la Genardière (éd. Actes Sud)
Aux frontières de la soif de Kettly Mars (éd. Mercure de France)
Un notaire peu ordinaire de Yves Ravey (éd. de Minuit)
Alias Ali de Frédéric Roux (éd. Fayard)
Le roman d’Adèle de Julie Wolkenstein (éd. P.O.L.)
Alain Julien Rudefoucauld (Le dernier contingent, éd. Tristram) a été lauréat en 2012.
Critère de pré-sélection : une œuvre littéraire écrite en langue française et publiée en janvier, février ou mars. Doté de 5 000 euros, le prix sera remis au Cinéma du Panthéon, le mardi 19 mars à 20h00.
Le jury de l’édition 2013 du Prix est composé, pour Télérama, de Michel Abescat, Nathalie Crom, Christine Ferniot, Gilles Heuré, Marine Landrot et Fabienne Pascaud, et, pour France Culture, de Caroline Broué, Arnaud Laporte, Olivier Poivre d’Arvor, Augustin Trapenard, Sandrine Treiner et Alain Veinstein.
Rendez-vous le 21 mars à 19h au salon du livre de Paris pour connaître le lauréat du prix Essai France Télévisions 2013, que vingt-et-un lecteurs choisiront parmi les six sélectionnés :
Présidé par Olivier Barrot, le jury de sélection du prix Essai France Télévisions 2013 est composé de Laure Adler, Monique Atlan, François Busnel, Franz-Olivier Giesbert, Laurent Goumarre, Pierre-Yves Grenu, Olivia de Lamberterie, Philippe Lefait, Gora Patel, Frédéric Taddeï et Christian Tortel.
L’an dernier, le prix avait été attribué à Rithy Panh, avec Christophe Bataille, pour L’élimination (Grasset).