« Mot », premier poème du recueil Corps perdu, gravures de Pablo Picasso, Paris, Éditions Fragrance, 1950, réédition RMN Grand Palais-HC éditions, 2011.
Extrait :
Parmi moi
de moi-même
à moi-même
hors de toute constellation
en mes mains serré seulement
le rare hoquet d’un ultime spasme délirant
(…)
vibre mot
j’aurai chance hors du labyrinthe
plus long plus large vibre
en ondes de plus en plus serrées
.
en lasso où me prendre
en corde où me pendre
en arc-en-ciel
en ciel en arc
et que me clouent toutes les flèches
et leur curare le plus amer
au beau poteau-mitan de très fraîches étoiles
vibre
vibre essence même de l’ombre
en aile en gosier c’est à force de périr
.
le mot nègre
sorti tout armé du hurlement
d’une fleur vénéneuse
.
le mot nègre
tout pouacre de parasites
le mot nègre
tout plein de brigands qui rôdent
de mères qui crient
d’enfants qui pleurent
le mot nègre
un grésillement de chairs qui brûlent
âcre
et de corne
le mot nègre
comme le soleil qui saigne de la griffe sur le
trottoir des nuages
le mot nègre
comme le dernier rire vêlé de l’innocence
.
entre les crocs du tigre
et comme le soleil est un claquement de balles
et comme le mot nuit un taffetas qu’on déchire
le mot nègre
.
dru savez-vous
du tonnerre d’un été
.
que s’arrogent
des libertés incrédules
Lecture de « Mot » par Césaire :