Vies-boomerangs

A lire : l’enquête d’Anne Diatkine dans Libération (6/03/10) sur les « revenants », les sans-papiers qui reviennent en France… sans-papiers.

Ainsi le témoignage d’Olivier Vythilingum, d’origine mauricienne, qui a réussi rassembler les 5 000 euros du passeur « qui a ses entrées partout dans le monde ».

Aujourd’hui « ce qui l’obsède, c’est l’ennui, ce pur passage du temps que rien ne vient troubler. Il ne lit pas, il attend. Il attend quoi ? Il ne sait plus. Il attrape parfois quelques rayons de lumière sur le seuil de l’immeuble, se carapate quand il voit un policier, travaillote quand il peut sur des chantiers (…) Il a rencontré une femme, sans-papiers également, une petite fille vient de naître. »

L’article rappelle les errances transfrontières du roman, prix Goncourt 2009, de Marie Ndiaye, Trois femmes puissantes (Galliamard) ou le livre de Kossi Efoui, justement intitulé Solo d’un revenant (Seuil). Lui se passe entièrement en Afrique, mais « le passé ne passe pas », dit l’auteur.

En psychologie, on parle « d’effet boomerang » pour ce qui produit un effet contraire à l’effet recherché. Esprons que ces sans-papiers, dont les écrivains et les journalistes sont plus à même de raconter les vagabondages mondialisés que la statistique, ne préfigurent pas les vies-boomerangs de demain.

Schwarz-Bart, marranes et marrons

Avec André Schwarz-Bart, le miroir Juif / Noir prend des couleurs, « figure de passeur étonnant » pour Kathleen Gyssels, qui organise un séminaire, ouvert au public, à l’université d’Anvers, le 29 avril 2010, sous le titre de « André et Simone Schwarz-Bart, diasporas entretissées et écritures connectées : l’oeuvre romanesque de deux auteurs marranes et marrons ».

A lire sur le site de l’Institut d’études juives de l’université d’Anvers :

Mort en 2006 dans un silence assez troublant, ce « Juif de nulle part » (Kaufmann 2008) demeure toutefois une figure de passeur étonnant : entre-tissant de manière originale, voire ingénue, des liens entre la diaspora juive et diaspora noire, il incarne le «maillon» entre communautés dispersées et minorités opprimées. Avant l’âge des « postcolonial studies », il œuvre non pour le « conflit des mémoires », mais pour les interstices textuels et les interactions entre des communautés réduites en esclavage dans dans systèmes totalitaires et des univers concentrationnaires.

Ce qui m’a touché, dès le début, chez les Antillais, ce qui m’a fait véritablement les regarder comme des frères… c’est le mot ‘esclavage’. (…) Ce mot me touchait en tant que descendant lointain d’un peuple né en esclavage et qui en émergea voici trois mille ans. (Schwarz-Bart, Pourquoi j’ai écrit La Mulâtresse Solitude», Le Figaro littéraire, 26 janvier 1967, pages 1, 8-9). 

Dieuswalwe Azémard, quel nom pour un héros de polar !

Lus dans Le Devoir, en attendant de lire le roman, à l’occasion du salon du livre de Montréal, où plusieurs écrivains haïtiens son invités, les propos de Gary Victor, auteur de Saison de porcs (Mémoire d’encrier).

Extrait de l’interview par Caroline Montpetit :

C’est un policier. Il vit dans un monde corrompu jusqu’à la moelle. Et il assiste, impuissant, à sa déchéance. En entrevue, l’écrivain haïtien Gary Victor explique qu’il ne partage pas le pessimisme de Dieuswalwe Azémard, le personnage principal de son dernier roman, un roman policier mêlé de fantastique et de réalisme, Saison de porcs, paru aux éditions Mémoire d’encrier. Mais comme lui, il tente de rester droit au milieu de la corruption dans la société haïtienne d’aujourd’hui. Gary Victor est l’un des invités d’honneur du Salon du livre de Montréal.

«C’est difficile de vivre différemment sur la terre d’Haïti, c’est comme pour le personnage de mon livre», dit-il.

Ce personnage donc, Dieuswalwe Azémard, «traîne son honnêteté comme un boulet à ses pieds […]. Il vit dans un lieu où il n’y a pas d’éthique, il n’y a pas de principe, dans une fiction permanente, où ce qu’il voit le laisse ébahi […]. Souvent, il aimerait faire comme les autres. Il n’est pas fier de son honnêteté. […] En Haiti, celui qui est honnête est un peu considéré comme un raté, parce qu’il n’est pas riche. C’est difficile d’être honnête et d’être riche, surtout chez nous», dit-il.

etc.

Le thème de l’intégrité/corruption, traité également dans le dernier roman de Lyonel Trouillot, Yanvalou pour Charlie (Actes Sud).

Trop de murs restent debout (UNESCO)

A l’occasion du 20ème anniversaire de la chute du mur de Berlin, la Directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova, a invité les dirigeants du monde à poursuivre sans répit la quête en faveur des libertés, des droits de l’homme et de la diversité culturelle :

« La chute du mur de Berlin, il y a vingt ans, a constitué un événement d’une importance historique considérable pour la paix du monde et le progrès de la démocratie », a déclaré Irina Bokova.

L’indéniable progrès accompli ne doit pas être tenu pour acquit, a mis en garde la Directrice générale. « Aujourd’hui, nous vivons dans un monde globalisé mais trop de murs restent debout », a-t-elle déclaré. « La mission de l’UNESCO est d’en finir avec ces murs, où qu’ils soient et quelle que soit la forme qu’ils prennent ».

« Si la mondialisation peut être une force libératrice, elle risque aussi de créer un monde plus uniforme, nivelant l’incroyable diversité qui est la véritable source de la créativité humaine, du développement économique et social, et d’ouvrir la voie à de nouvelles formes de répression, d’exclusion et de pauvreté ».

Source : communiqué.

 

 

Trois femmes puissantes, le roman des hommes (Nimrod)

« Trois femmes puissantes n’est pas tant l’éloge des femmes fortes que l’exposition, dans une forme de décalage savant – et, cependant, concerté de bout en bout -, de l’ambiguïté qui régit les rapports humains. À bien y voir, c’est plutôt le roman des hommes, car les figures féminines y étant pour l’essentiel des figures de dominées, elles sont acculées à la résistance, qui est un agir minimal. C’est en cela que la peinture de l’Afrique y est réussie. Marie NDiaye, pour sa première excursion sur le continent de son père, a su restituer l’universel de la condition dominée. L’Afrique, on le sait, en est le parfait exemple. Ce roman trompera bien des attentes béâtement féministes. »Extrait de « Marie Ndiaye, cette femme Phase critique 18″ par Nimrod, Africultures.

A Beyrouth, Le Clézio, Khoury-Ghata et la langue française

Jean-Marie Gustave Le Clézio : « Il y a de l’ambiguïté dans la question de la francophonie », a commencé par relever cet écrivain français natif de l’île Maurice et élevé dans la double culture française et anglaise.

« Une ambiguïté que j’ai ressentie lorsque je me suis posé la question de la langue d’écriture, à mes débuts. J’ai ainsi écrit un polar en anglais, à 20 ans, que j’ai tenté de faire éditer sans succès. Soit mon intrigue policière ne fonctionnait pas, soit mon anglais n’était pas très bon. Je me suis alors tourné vers le français, comme vers une sorte d’empyrée, un monde qui n’était pas la réalité, peuplé d’astres qui étaient les grands éléments de la littérature française, les Rabelais, Voltaire, Rousseau, Victor Hugo, Baudelaire… Le bonheur d’écrire en français que je pouvais ressentir était alors assez proche de ce que pouvait ressentir un auteur africain, maghrébin, vietnamien ou d’Amérique centrale s’ils s’adressaient à la langue française. C’était le bonheur de partager un trésor, celui de la littérature française. Je crois que, là, cessait l’ambiguïté qui est celle d’assimiler la langue française à un déguisement du colonialisme. »

Pour le Prix Nobel, « les écrivains de la francophonie disent, aujourd’hui, des choses nouvelles et fortes et inventent, pour le dire, une nouvelle langue qui se joint à ce trésor commun ».
Plutôt que de bonheur d’écrire dans la langue de Hugo, Vénus Khoury-Ghata a évoqué « la lutte et l’empoignade » avec la langue française, qui, à l’opposé de l’arabe, n’exprime pas toujours, selon elle, la profusion ou la sensualité des choses et des sentiments. « La langue française a, comme les femmes, maigri avec le temps. Elle n’est plus cette langue de Rabelais, charnelle et pleine de jus, de rondeurs », a affirmé avec sa véhémence enjouée habituelle la poétesse libanaise d’expression française.

Lire la suite de l’article de Zéna Zalzal sur L’Orient-Le jour, 24/10/09.

Traumatismes de l’histoire, mémoire et éducation

Joli programme au Collège international de philosophie aujourd’hui à 18h30 :  » devoir ou travail de mémoire, émergence des témoins et des victimes, identité nationale, identités minoritaires, reconnaissance des souffrances et réparations, « victimisme » et « repentance », luttes contre racisme, antisémitisme et discriminations, éducation à la citoyenneté, etc. »

C’est au menu de huit séminaires que nous propose Sophie Ernst salle J16, Université Paris 6-Pierre et Marie Curie, 4 place Jussieu, 75005 Paris (puis les 25 novembre, 16 décembre et poursuite au second semestre).

Ce séminaire est organisé dans le cadre de la convention avec l’INRP, Lyon (Institut national de recherche pédagogique) et avec le soutien de l’Université Paris 6-Pierre et Marie Curie.

Il est présenté ainsi sur le site du Collège international de philosophie :

« La mémoire des traumatismes de l’histoire (Shoah, colonisation, communisme réel, traites négrières…) occupe une place singulière dans les dispositifs éducatifs et civiques, comme si nous attendions de nos commémorations négatives qu’elles puissent refonder une morale fondamentale et supprimer les risques de perversion politique. Il s’agit d’examiner, dans ses contradictions et fragilités, cet ensemble composite tel qu’il s’est imposé dans le débat public et les pratiques sociales : devoir ou travail de mémoire, émergence des témoins et des victimes, identité nationale, identités minoritaires, reconnaissance des souffrances et réparations, « victimisme » et « repentance », luttes contre racisme, antisémitisme et discriminations, éducation à la citoyenneté, etc.
De quels enjeux de fond les questions mémorielles sont-elles l’effet et le symptôme ? L’appel à la mémoire est toujours traversé d’affects et s’efforce d’agir sur autrui, dans une tentative jamais certaine d’atteindre son but : qu’il émane du pouvoir politique ou de divers groupes sociaux, il se fait injonction, exhortation, revendication, intimidation, supplication, résolution… Il crée un nous, de périmètre incertain, qui englobe parfois l’universel, qui parfois fragmente, créant un « Nous et vous », « Nous et eux », et paradoxalement réveille la hantise du « Nous contre vous », « Nous sans eux ». Les mémoires blessées commandent des morales incertaines et régissent des identités fragiles – même si le ton péremptoire des controverses donne le change.Que devient notre capacité à imaginer l’avenir, quand la formule de l’idéal se rétracte sur une injonction négative, tournée vers le passé : « ne pas recommencer les fautes du passé » ? L’imaginaire fixé sur « ce qu’il aurait fallu faire » ou « ce qu’il aurait fallu éviter » peut-il faire face aux défis du présent ?
Quel univers moral et politique cherchons-nous à constituer, dans ce rapport au temps inédit ? Une approche philosophique attentive à la variété concrète des discours et des pratiques peut permettre d’éclairer ces configurations nouvelles. »

Vu d’Umlazi… (Durban)

 » Umlazi est le plus grand township de la province du Kwazulu Natal, il est situé près de la ville portuaire de Durban. C’est aussi le second plus grand township en Afrique du sud après Soweto. Une population approchant le million d’habitants y vit aujourd’hui. A Umlazi, on trouve des pauvres mais aussi des gens riches voire très très riches. Phumulani Dube, 30 ans, fait parti de ceux qui ont réussi. Il a grandit dans ce township et est aujourd’hui ce qu’on appelle un « black diamond »  »

La suite à découvrir sur le blog vu d’Afrique du Sud d’Asmaa Botmi… Chroniques d’Afrique.