Dans la chronique Culture n°8 (France Ô, 19/11/11, 18h30) :
1. le livre Aveugles de Sophie Calle (Actes Sud) ; 2. le documentaire The Black Power Mixtape de Göran Olsson ; 3. le festival Africolor.
1. Sophie Calle est l’auteur d’un livre sur la « vision » qu’ont les aveugles de la beauté ou de la couleur, intitulé simplement Aveugles, publié par Actes Sud.

Dans ce livre, des aveugles « regardent » le lecteur dans le vertige de l’absence, souvent photographiés de face, accompagnés d’une photo qui représente ce qu’ils évoquent.
Bachir Kerroumi, qui l’a aidée pour une partie de ses rencontres, est photographié ici debout, en profil, face à une toile monochrome. Un texte accompagne cette situation, un très beau texte où la « vision » se développe en beauté :

(c) Sophie Calle
« Au début, je voyais beaucoup de rouge, de marron, raconte-t-il au Journal du dimanche. Après, j’ai eu une période bleue. Maintenant, cela tend vers le gris (…) Je lui ai décrit ce que je ‘voyais’. Ce n’est pas monochrome. Mon oeil gauche ‘voit’ du marron, un peu de gris. C’est scintillant, lumineux, avec un fond rose. L’oeil droit ‘voit’ toujours du noir, du gris. Cela change tout le temps… comme une couleur vivante. »
Ce livre est terriblement humain, tendu par l’obsédante question de Sophie Calle (« Quelles couleurs voyez-vous ? », « Quelle est votre image de la beauté ? »). Aveugles s’inscrit dans les thèmes qui lui importent, au premier titre ici, le manque, inséparable de la beauté, de son idée, dans cette magnifique démarche entre l’art et son usage :
« Le travail de Sophie Calle cherche à créer des passerelles entre l’art et la vie. Sous la forme d’installations, de photographies, de récits, de vidéos et de films, l’artiste construit des situations associant, selon la formule de Christine Macel, « une image et une narration, autour d’un jeu ou d’un rituel autobiographique, qui tente de conjurer l’angoisse de l’absence, tout en créant une relation à l’autre contrôlée par l’artiste. » (blog de Salomé Wael)
Aveugles, de Sophie Calle, est un livre bilingue, en clair et en braille (éditions Actes Sud).
Bachir Kerroumi est l’auteur du roman, Le Voile rouge (Gallimard, 2009). Voir Papalagui, 13/09/09 : « Admiration aveugle ».
2. The Black Power Mixtape de Göran Olsson est une compilation des reportages de journalistes suédois sur l’évolution du mouvement Black Power de 1967 à 1975. Le noir est celui de la cause d’une communauté, dont les composantes s’expriment dans des registres différents, de la non-violence de Stokely Carmichael, l’un des co-auteurs avec Charles V. Hamilton du livre Black Power (1967) jusqu’au révolutionnaire Black Panther Party (1966), en passant par le Mouvement des Droits civiques.
On retiendra quelques pépites de témoignages dans un ensemble décousu, dont un très bel entretien avec Angela Davis en prison et le rapport à la violence des Black Panthers, la comparaison par Martin Luther King du militarisme au Viet-nam et du racisme et ce libraire
« Je leur ai dit qu’être noir c’est quelque chose de beau, mais que ce n’est pas un pouvoir. Le pouvoir c’est le savoir. » clame Lewis Michaux, alias « The Professor », libraire dans l’épicentre de la littérature noire américaine, que l’on voit en début de bande-annonce du film :
3. Le festival Africolor, 23 édition, est à un tournant, avant le passage de témoin de son directeur-fondateur Philippe Conrath (Le Monde) :
« Lors de sa création, le but d’Africolor était de rapprocher les publics communautaires de l’ensemble du public de l’Ile-de-France, d’amener et de faire découvrir des artistes du continent africain, de l’océan Indien et des Caraïbes. Maintenant, « c’est aussi passer le témoin à des musiciens d’ici, qui ont de plus en plus envie de construire des ponts avec les musiciens de « là-bas » et de créer de nouveaux répertoires avec des artistes africains, car ils vont ainsi s’emparer, eux aussi, de cette question. »

Symbole aussi de cette nouvelle orientation, l’affiche du 3 décembre 2011, où joueront ensemble le Jacky Molard Quartet et le Founé Diarra Trio, associant la Bretagne et Bamako. C’est un label Innacor, expression qui en langue gallo de Bretagne signifie « Y’en a encore ! » :
par innacorrecords