La nuit remue
dit le fantôme du poète
esprit du vent
Catégorie / Haïku
des œufs de fourmis rouges
Que faire
des œufs de fourmis rouges
un haïku
ماذا نفعل
ببيض نمل النار
إنه هايكو
laissez-moi
Laissez-moi
mes horizons chimériques
ce sont les miens
دعوني
آفاقي المتوهمة
إنها لي
impossible
Impossible
d’attendre l’aube
la vie presse
من المستحيل
انتظار الفجر
الحياة تسرع
thé du matin
Dans le thé du matin
un doux liseré d’écume
une bulle est prisonnière
في شاي الصباح
شريط لطيف من زَبَد
فقاعة سجينة
rêve
La chrysalide
se rêve en papillon
qui rêve le monde
الخادرة
تحلم بنفسها كفراشة
تحلم العالمَ
huis clos
Dans son huis clos
songe la chrysalide
comment sortir ?
في دارها المغلقة
تظنّ الخادرة
كيف أخرج ؟
Même malade…
Même malade
je mets du vernis à ongles —
le printemps est à ma porte !
春隣病めるときにも爪染めて
Se prononce : haru tonari yameru toki ni tsume somete
mot de saison : haru tonari, le printemps est proche
Même malade
je mets du vernis à ongles —
le printemps est à ma porte !
Dernier haïku du recueil de Mayuzumi Madoka, Haïkus du temps présent, présentés, choisis et traduits par Corinne Atlan, éditions Philippe Picquier, 2012
Mayuzumi Madoka se souvient : « J’ai écrit ce haïku il y a une dizaine d’années, alors que je me battais depuis plus de six mois contre une grave maladie. Même alitée, je m’efforçais de rester joyeuse et coquette, pour ne pas laisser le mal prendre le dessus… À l’hôpital, j’avais toujours un petit miroir sur ma table de chevet, pour pouvoir me maquiller si nécessaire. J’ai guéri par miracle alors que les médecins me tenaient pour incurable et, depuis, je savoure chaque jour qui passe avec un sentiment de gratitude.
Le printemps finit toujours par succéder à l’hiver. »
Haïku : Sôseki à l’ouvrage 草枕
Dans Oreiller d’herbe, Sôseki (1867-1916) détaille comment créer un haïku, alors que pour une halte réparatrice, une vieille dame lui a offert l’hospitalité d’un instant.
« Comme c’est le seul chemin dans cette montagne printanière, qu’on arrive ou qu’on parte, il faut bien passé par ici. Les cinq ou six chevaux que j’ai vus plus tôt sont aussi passés devant la vieille – qui a dû se dire pour elle-même : « Tiens, qui peut bien venir par ici ? » – avant de descendre de la montagne ou de grimper plus haut. À peine a-t-elle murmuré que déjà ils ont disparu. Un printemps puis un autre sur le chemin tranquille et solitaire, passé et présent, dans ce hameau jonché de pétales de fleurs de cerisiers au point que le pied ne peut se poser sans les fouler, depuis combien d’années cette vieille femme compte-t-elle des chevaux qui passent, combien d’années ont passé sur ses cheveux devenus blancs ?
Chanson du cocher
Passent les printemps
Sur les cheveux toujours plus blancs
ai-je noté à la page suivante, mais ce n’est pas suffisant pour achever mon impression, et je me dis qu’il doit y avoir moyen de trouver autre chose, tout en contemplant la pointe de mon crayon. J’hésite. Passe pour les « cheveux blancs », je peux introduire une césure après « combien d’années », donner pour titre « Le champ du palefrenier » et ajouter un mot de saison pour évoquer le printemps…
Tandis que je m’efforçais d’arriver à un ensemble de dix-sept syllabes :
« Ah, bonjour ! »
D’une grosse voix, un cocher en chair et en os s’était arrêté devant la boutique. »
Sôseki, Oreiller d’herbe ou le Voyage poétique, Philippe Picquier, 2015, roman traduit du japonais par Elisabeth Suetsugu, p. 36. Ed. originale 草枕 [Kusamakura], 1906.
orange
Soudain un orange ardent
chevauche l’immeuble sans joie
soleil couchant