À quelques jours d’une Rencontre internationale d’art contemporain, organisée aux Ateliers Sahm de Brazzaville, du 25 août au 30 septembre 2013, et avant de s’embarquer le 4 septembre, donc dans 32 jours, retour sur Dieudonné Niangouna, à l’occasion de l’édition de sa pièce Shéda parmi un ensemble de textes, intitulé Songe, chez Carnets-livres, une édition façon bogolan et wax…
C’est un livre… oui c’est bien un livre. Un livre fabriqué à la main, « maquette, façonnage et reliure Francine Chatelain et Daniel Besace ». On dirait un livre d’artiste au prix d’un livre commercial. Sa couverture est faite de « tissu Bogolan du Mali, tissé à la main, teintes naturelles et du Wax acheté à Barbès ». Chacun est donc unique. Pas de titre sur le tissu, seul un bandeau de papier annonce le titre et cet avertissement : « Mon théâtre est le drame du de ce qu’on veut du théâtre africain ».
Mon exemplaire porte le numéro 037/400. En 3e de couverture, les éditions Carnets-Livres ont apposé un tampon avec la date de fabrication écrite au feutre rouge : 08/07/13. Acheté par un temps de festival, librairie La Mémoire du monde, 36 rue Carnot, Avignon.
Ce livre signé Dieudonné Niangouna a pour titre Songe. On y trouve : Shéda, Un Rêve au-delà ; M’appel Mohamed Ali ; Le rêve de la maison dans la maison.
L’éditeur est un peu fada, non parce qu’il laisse quelques défauts de fabrication (une page 163 au texte imprimé en miroir, comme une carte à jouer). Non, il est fada de son auteur. Daniel Besace écrit une post-face pleine d’amitié pour Niangouna et des comédiens compatriotes. A ses débuts dans l’édition, il « s’est familiarisé avec le congolais (…) cette pensée à étage, cette pensée fusée et arbre, qui n’a rien à voir avec le développement rectiligne du monde, et où prédomine l’intuition de la formule, les raccourcis poétiques, les enchevêtrements elliptiques… »
Songe est le quatrième livre de Dieudonné Niangouna qu’il édite après Trace, Souvenirs des années de guerre, Mantsina sur Scène. Songe est présenté comme « une partition de pensée. Vous vous asseyez face au livre, vous éteignez tout, la radio, la télé, le portable, la lumière et vous allumez votre conscience, prêt à être envahi par une symphonie déchirante et émouvante. »
La couverture de « Souvenirs des années de guerre » →
Le texte Un Rêve au-delà est précédé par un échange de lettres entre l’éditeur et son auteur. Besace avoue son « incompréhension » et semble en plein désarroi : « Qui suis-je pour publier ces textes ? Qui-suis pour ne pas les publier ? »
Réponse de Niangouna : « C’est un conte de ma grand-mère (…) raconté aux jeunes garçons en dernière phase de leurs initiations au Kinguinzila, le théâtre de guérison ; sous la direction d’un maître initiateur les garçons vont apprendre la science de la nature, la parole, le courage, la mort, la force du pardon, les métiers de la main, le mystique, la relation au sacré et au profane. (…) Les échoués deviennent renégats, fous, idiots du village, errants, bannis. Pour ceux qui réussissent leur ultime épreuve demeure: « Un rêve au-delà » ».
Extrait Un Rêve au-delà p. 162 :
Oyé ! Notre impuissance : Oyé ! Oyé ! Soutiens !
Je ne veux pas être un donneur de leçon. Et pourtant je le suis. Merde ! Puis-je sortir de moi-même ! Et je ne peux autrement que moi-même. Merde ! Je ne peux vous parler qu’en étant moi-même. Merde ! Et je suis dégueulasse comme tout « moi-même ». Merde 8 Mais c’est beau. Pourtant ça me fait chier, merde, et c’est bien là la raison de la merde. Dégueulasse en étant moi-même. Avec mon égo démesuré, mes emportées qui vous bouffent l’oxygène, mes agneaux, mes sautes d’humeurs à répétions, et qui se prennent pour quelque chose de pensé, merde, mes frustrations imbéciles, mon nombrilisme, mon regard dans mon bide, merde, mon cœur têtu, mes pensées qui ne vont qu’à moi-même, mon écoute qui écoute mon cœur battre et jamais le cœur des autres, merde !
Et pour le plaisir, citons ce proverbe Kongo, en langue lari : Wa bâ gûna wé na messo (On ne trompe que celui qui regarde) p. 127
Et pour rappel, ces 2′ sur la Générale de Shéda, Carrière de Boulbon, au festival d’Avignon, le 6 juillet 2013 :
bonjour
ah, je n’avais point vu que vous aviez écrit un article sur notre travail
je vous enverrai bien la revue qu’on vient de faire et qui est encore plus folle
avec aussi un texte de Dido
merci
fada, ça me plait bien, c’est un bel adjectif de provence
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On y trouve en effet deux grands thèmes que l’on retrouvera dans bon nombre de ses films ultérieurs : le thème du double, sous toutes ses formes, et le thème du voyeurisme. On peut y ajouter bien entendu l’hommage appuyé à Hitchcock, les références au maître du suspense sont ici très nombreuses
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