Surgies d’un surf
d’images
elles s’imposent
à l’œil bref
comme des pythies macabres
ces photos de cadavres d’enfants
sur un sol de ciment
balafrés, défigurés
ensanglantés, sarinisés
côte à côte
alignés
comme bûches d’allumettes
ces vies minuscules
des guerres de Syrie
Pour les voyeurs du Net
la mort Facebook
est Un chien andalou
film muet, image incipit
à l’œil fendu par un rasoir
gros plan surréel
Quelle réalité augmentée ?
quel virtuel de sang ?
cette bacchanale d’images
en réseaux sociaux
Quand l’Enfer des bibliothèques
enfermait l’interdit
la mort Facebook
s’impose à tous
comme l’image de notre néant
Facebook notre four banal
qui alimente
nos inconscients moyenâgeux
éloignés de ce sol de ciment
aux corps d’enfants
brindilles
la mort Facebook
est un boomerang
que nous renvoie
la Syrie
Qui photographie ? Qui envoie ? Qui voit ?
Jamais oubliée
cette persistance rétinienne
d’une Syrie,
pays rêvé, pays réel
de notre destin
méditerranéen
Encore une mer à traverser
dit le poète Depestre
Mais quel chemin emprunté ?
alors que tout surgit et surprend
La mort Facebook
est le gouffre mis en abyme
de notre imaginaire
asocial
Pas de chemin,
pas d’imaginaire
C’est notre effroi
notre solitude grandiloquente
glas lugubre
le boomerang des images
surgies d’un enfer
alors que vogue la plume
– c’est l’écume mortelle
des vies arrachées –
qui bave sur
un petit carnet
dérisoire.
Quelle cartographie de la pensée
se dessine là ?
Quel est ce Triomphe de la mort ?
Chaque image est notre Guernica
La nostalgie consume
nos belles images
villes d’avant
ruelles d’avant
odeurs d’avant
ciels d’avant
alors que se consume notre âme impossible
à réjouir
et l’œil qui erre dans une
nostalgie au parfum de rêve
le quotidien est le cauchemar
d’un œil crevé
par ce surgissement d’images
aux petits corps suppliciés
sur le ciment d’une ville de Syrie.