A Paris, un quai du métro République, ligne 8 direction Balard.
Près d’une poubelle un homme est assis. Il est entouré d’un amoncellement de sacs énormes et de valises pleines.
Il a deux livres posés à côté. Posés sur des journaux.
L’homme a la tête enfouie dans son manteau qui le masque entièrement aux yeux du monde. Dessous s’agitent quelques mouvements qu’on devine.
Sur le quai la foule attend la rame sans possibilité de fuite. Un mur sépare les deux voies. Sur cette paroi très proche (on la touche des yeux) une publicité pour une marque de vêtements.
L’image montre un éléphant adulte tenant dans sa trompe un paquet cadeau suspendu par un bolduc. Un bébé éléphant tend la trompe vers sa mère.
Pour les besoins de la publicité les éléphants sont placés debout dans la neige. Quelle drôle d’idée.
La légende dit : « Le très grand Noël ».
La rame de métro arrive mais délivre-t-elle vraiment cette foule prisonnière entre une publicité ratée, cette injure, et l’homme dans sa très grande misère qui ne cessera de nous hanter ? Une foule et chacun pris dans un étau.
Il y a ainsi des hommes assis, immobiles, au visage dissimulé dont l’existence s’impose à tous. Leur présence radicale fixe une image qui nous arrête tel un caillot dans une artère et empêche toute véritable circulation, toute fluidité, toute vie réelle.