« Eza nini ? » demande la foule devant la performance de Julie Djikey

Djikey YJulie Djikey au tout récent festival Ravy de Yaoundé (Cameroun). DR

Julie Djikey, performeuse de rue des capitales d’Afrique. Membre du Collectif Kisalu Nkia Mbote (Kinshasa), elle était invitée récemment au festival RAVY (Rencontres d’arts visuels de Yaoundé). Djikey est son propre permis de créer. Elle fend la foule, qui devient son public béant, puis final de compte s’interroge : la bagnole, qu’est qu’elle pollue en nous ? Et nous rappelle aussi un bon moment aux Ateliers Sahm (Brazzaville, septembre 2013) où nous avions examiné au filtre de la critique cette création, Ozonization.

Voici la performance filmée dans les rues de Kinshasa et la critique de Sigismond Kamanda Ntumba Mulombo, par ailleurs sculpteur à Brazzaville :

 

Ozonisation : une performance mise à nu
Allusion est faite à l’ozone, la couche protectrice de l’atmosphère terrestre et ancienne appellation d’un quartier de Kinshasa, lieu de la performance de Julie Djikey. Corps enduit d’une mixture d’huile de moteur et de la cendre de pneus brûlés. Lunettes solaires. « Soutien-gorge » en boîtes de conserve. Réservoir de véhicule porté en bandoulière. Corps en exergue. Identité dissimulée.
Muette, Julie « conduit » un véhicule tout terrain, en réalité un jouet, assemblage hétéroclite d’objets récupérés. Ni tout à fait nue, ni réellement folle, elle met à nu la folie des personnes sensées. L’Homo sapiens dilapide son héritage, l’environnement. Loin d’Al Gore, auteur d’Une vérité qui dérange, elle exhibe ses atouts : son propre corps, telles les Femenes, ces militantes féministes aux seins nus.  Prise de risque assumée : la femme, cet obscur objet du désir,  selon un film de Luis Buňuel, suscite voyeurisme et curiosité. Spectacle assuré.
Le Kinois s’interroge : « Eza nini ? » (Qu’est-ce que c’est ?). Subtile implication dans cette expression minimaliste convoquant l’ici et l’ailleurs, l’éphémère et l’intemporel, le traditionnel et le contemporain. Naguère, au Kasaï, la femme adultère repentie, faisait amende, Tshibawu, en arpentant nue le village. Dans l’ethnie mongo, au terme d’une longue réclusion, la primipare, Wala, paradait enduite de ngola, pigments végétaux. La patiente atteinte de maladie psychosomatique, Zebola, procédait mêmement. Julie s’inscrirait-elle dans cette lignée ?

Sigismond Kamanda  Ntumba Mulombo

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