Au Congo, une critique d’art ou une critique d’art africaniste ?

De quelle culture est-on quand on regarde un œuvre d’art ? Question magnifique pour une  superbe séance aujourd’hui aux Ateliers Sahm de Brazzaville. Le thème : l’exposition Ron Mueck à la Fondation Cartier pour l’art contemporain. L’intérêt : neuf œuvres seulement, certaines monumentales, d’autres lilliputiennes, toutes hyperréalistes. Trouble garanti tant le spectateur est constamment sur la brèche, entre réel/surréel, vivant/inanimé, matériau/sujet.


Après le diaporama des reproductions des sculptures de l’artiste australien, lecture de la présentation par le commissaire de l’exposition puis visionnage du petit film (2’21) sur « La femme aux fagots » (« Woman with sticks »), commentée par le cinéaste américain David Lynch, l’artiste japonaise Erina Matsui, le photographe français Gautier Deblonde, le marchand d’art britannique Anthony d’Offay. Enfin, écoute de l’émission de critique La Dispute, de France-Culture, enregistrée le 1er mai dernier.


Dans le petit film consacré à « La femme aux fagots », les mots de l’artiste japonaise Erina Matsui déclenchent une vague de questions chez les apprentis critiques congolais et camerounais. Elle dit : « J’imagine qu’elle construit un barrage comme un castor. Je pense que c’est un castor qui s’est transformé en humaine car au Japon le raton-laveur peut se transformer en être humain. C’est ce que j’imagine. C’est l’esprit japonais. » Et l’esprit africain, qu’imagine-t-il ? se demandent les critiques de l’atelier…

Landry : « Voit-on une œuvre au prisme de notre culture ? Ou bien : quelle culture choisit-on de taire quand on regarde une œuvre ? Dois-je la regarder comme une œuvre du monde ? Dois-je avoir un postulat africaniste ? Me couper du monde ? »
Job : « Faut aller au-delà… »
Sigismond : Il faut être capable de mettre l’œuvre dans son contexte. La voir selon sa culture, ce n’est pas réducteur.
Ruth : la voir dans un contexte européen, c’est s’ouvrir ? dans un contexte africain, c’est se fermer au monde ? Que faut-il faire ?
Landry : On est dans le faux. Y a-t-il une lecture universelle ? [Je dirais « univoque »] Y a-t-il une lecture large ? [Je dirais « élargie »]. En critique, chacun peu apporter sa part.
Sigismond : Plutôt qu’une possibilité, envisageons un éventail de possibilités. Dans la critique du film de Van Gogh de la série « L’Art en question », Erwan Bomstein-Erb a sillonné plusieurs pistes pour analyser La Nuit étoilée, ce qui lui permet d’appréhender plusieurs aspects de l’œuvre. Il la contextualise. Il ne s’est pas focalisé sur des références prises dans l’histoire de l’art mais aussi en astronomie, en architecture. Nous devons avoir une culture étendue.
Ruth : Je ne veux pas que l’on confonde culture et tradition.
Job : Tu ne l’as pas enfermé dans une culture…
Ruth : Pour peindre sa Nuit étoilée, Van Gogh n’a pas fait un saut en Afrique.
Sigismond : S’il parle du « sublime dynamique » c’est qu’il a lu Kant. Toute sa culture est convoquée. Nous ne sommes pas des critiques africains. Nous sommes Critiques.
Landry : J’enferme la critique dans l’africanisme ? Maintenant, un critique peut être dans le dilemme culturel. Imaginons que le cubisme de Picasso soit revisité par des Africains.
Christian : la culture abacost…
Sigismond : je peux regarder Picasso selon le prisme africain.
Ruth : La même œuvre mais nous allons nous exprimer différemment.
Sigismond : Imaginons un critique d’art ouest-africain, qui a connu le cheval et le sabre, et un critique d’art d’Afrique centrale qui n’a pas connu ni le cheval ni le sabre, comment vont-ils décrypter Guernica ?

Nous écoutons l’émission de France-Culture, La Dispute, consacrée à Ron Mueck, enregistrée le 1er mai 2013.

Sigismond : C’est la preuve qu’un critique doit avoir une large culture, invoquer plusieurs exemples. Et chacun défend sa position.
Job : je ne suis pas d’accord avec le critique pour qui Mueck c’est le Musée Grévin. Mais c’est une bonne émission.
Landry : oui les avis sont différents, en dispute. On a le devoir d’être vrai par rapport à notre histoire et notre culture. Corinne Rondeau est cultivée par ses références mais semble profane.
Jean-Euloge : elle parle de culte, de nouveau culte pour cette procession de spectateurs qui se pressent au devant des œuvres.
Ruth : Corinne Rondeau se laisse emporter par ses sentiments.

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