En ce dimanche ensoleillé, ma libraire est absente du marché.
Son camion est en panne, dit son voisin vendeur de statuettes africaines.
Je repars avec mes cabas de fruits et légumes, poisson et fromages. Veuves et orphelines.
Dans la nostalgie des moments passés à feuilleter tel ou tel recueil de poésie, bonheur de la découverte insolite en ce lieu de dépôt presque aléatoire, furetage et carottage du passé. Souvenir qui convoque des bribes de mémoire, tel L’enlèvement des Sabines, épisode de la mythologie romaine relaté par Tite-Live, durant lequel les premiers hommes de Rome prennent des femmes en les enlevant à leurs voisins les Sabins, thème qui a inspiré les peintres de la Renaissance puis Jacques-Louis David, avec Les Sabines, tableau de 1799 :
Dans Histoire Romaine, de Tite-Live, trad. Désiré Nisard, 1864, chapitre 3 « La fondation de Rome et le règne de Romulus », l’amateur lira :
« Les mêmes Sabines, dont l’enlèvement avait allumé la guerre, surmontent, dans leur désespoir, la timidité naturelle à leur sexe, se jettent intrépidement, les cheveux épars et les vêtements en désordre, entre les deux armées et au travers d’une grêle de traits : elles arrêtent les hostilités, enchaînent la fureur, et s’adressant tantôt à leurs pères, tantôt à leurs époux, elles les conjurent de ne point se souiller du sang sacré pour eux, d’un beau-père ou d’un gendre, de ne point imprimer les stigmates du parricide au front des enfants qu’elles ont déjà conçus, de leurs fils à eux et de leurs petits-fils.
« Si cette parenté, dont nous sommes les liens, si nos mariages vous sont odieux, tournez contre nous votre colère : nous la source de cette guerre, nous la cause des blessures et du massacre de nos époux et de nos pères, Nous aimons mieux périr que de vivre sans vous, veuves ou orphelines. »