Le documentaire Journal de France commence à Nevers où Raymond Depardon a choisi un carrefour dont il espère que piétons et autos disparaîtront assez longtemps pour que reste seulement un paysage épuré.
Dans des paysages déserts de France, le créateur de l’agence Gamma recherche la bonne photo à bord de son camion labo.
Naguère, il était à l’étranger. Ces images filmées sont mises bout à bout par Claudine Nougaret, sa compagne, qui commente en voix off son choix à elle, des « chutes » de films. On passe du Vénézuela au Proche-Orient, en Centrafrique, où un certain dictateur Bokassa s’adresse sur un ton grandiloquent à un public de footballeurs professionnels.
Film à la fois autoportrait et mémoires de Raymond Depardon, co-réalisé par le couple, Journal de France pose une question simplement :
Comment regarder la France quand les yeux sont remplis du monde ?
C’est bien entendu une question qui s’adresse à chaque de nous, qu’il soit voyageur de facto ou voyageur par procuration (télé, romans, racontars).
Dans son camion labo, Raymond Depardon est souvent filmé de profil, lui regardant la route, nous, nous demandant ce qu’il cherche. A l’heure où la photo numérique a transformé tout quidam en capteur de visages, le grand reporter est en quête de paysages désertés.
Bonheur nostalgique d’effeuiller avec lui une mémoire commune, puisque ses images d’avant font partie non pas d’un récit national mais d’un récit mondialisé. C’était le 21 août 1968 : les chars russes entraient en Tchécoslovaquie. C’était le 21 avril 1974 : l’ethnologue Françoise Claustre était prise en otage dans le désert du Tibesti (Tchad) par des rebelles menés par Hissène Habré et Goukouni Oueddei. Une prise d’otage qui dura plus de mille jours et donna lieu aussi à une interview réalisée par Raymond Depardon. François Claustre : « Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? ». Le désert du Tibesti sert de révélateur au désert français à venir.
La France attend l’élection présidentielle. Raymond Depardon tourne 1974, une partie de campagne, documentaire sur la campagne présidentielle du candidat Valéry Giscard d’Estaing, qui dans une séquence d’une réunion d’entre deux tours s’adresse à l’un de ses conseillers : « Ne m’interrompez pas ! ». VGE interdira sa diffusion.
Dans Journal de France, dernier documentaire en date d’une longue filmographie, photos d’aujourd’hui et bouts de films d’hier alternent. On aurait aimé que les photos prises aujourd’hui fassent un beau générique de fin : tabac, coiffeur, vitrines d’une France qui part de nos mémoires, angles droits de bâtisses, saillies de souvenirs debout dans des paysages en désertification.
Revue de presse, reprise d’Allo-ciné :
Les Cahiers du cinéma, Joachim Lepastier : « Depardon trouve avec le désert français le troisième terme du triptyque méditatif qui sous-tend la démarche d’une vie : un voyage erratique qui ne soit pas une fuite mais la reconnaissance d’un territoire à la fois terrien et intime, aussi bien un pré carré qu’un jardin secret. »
Le Journal du dimanche, Jean-Luc Bertet : Au delà des flash-back, il s’agit d’un double portrait, tout en pudeur et en retenue. Celui de Raymond Depardon, bien sûr, mais aussi de sa France, dont il cartographie les charmes à la fois désuets et vivaces. Souvenir d’un périple.
Marianne, Danièle Heymann : « [Raymond Depardon] s’arrête où bon lui semble, sort un gros appareil à l’ancienne, se recouvre la tête d’une étoffe rouge, et photographie « à la chambre ». Il y a dans son geste quelque chose d’anachronique, d’artisanal, d’éternel. »
Le Monde, Thomas Sotinel : « Journal de France » est donc fait de deux films : une chronique de la pérégrination du photographe et un montage de séquences inédites (…) De ces deux idées de films, les réalisateurs espéraient sans doute la naissance d’un troisième. Espoir déçu. « Journal de France » est une somme dont la valeur est bien inférieure à ses composants. »
Télérama, Cécile Mury : « Bouts de pellicule, rushs inédits, images d’archives, ce « Journal de France » déborde les frontières et remonte le temps pour former un étonnant collage. (…) le portrait de l’artiste croise celui, multiple, changeant, toujours passionnant, de la société contemporaine. C’est la force de ce film-mosaïque. «