Haka de bon aloi, littérature de Samoa

Le haka devient tendance. A Paris, pendant la coupe de monde de rugby, on peut suivre des stages. C’est un exotisme bon teint. On se ferait presque tatoué. A moins que la littérature prenne le relais comme nous le souffle les éditions tahitiennes Au Vent des îles, avec la saga d’Albert Wendt, écrivain d’origine samoane, Le Baiser de la mangue.

Pour ceux qui ont pu voir le match de rugby, à Paris, entre les Samoa et l’Afrique du Sud, sûr qu’ils en garderont souvenir bien ancré. Du haka d’ouverture au dernier essai springbok, l’empoignade était de qualité, entre deux équipes dont le point commun n’est pas que le rugby, puisque à l’origine il y a le… protestantisme.

Pour l’heure, on gardera le souvenir de Samoans au maillot bleu qui n’ont pas fait démentir leur haka, même s’ils ont dû s’incliner assez logiquement contre plus forts qu’eux.

Les paroles du haka samoan, le Siva Tau, ont cependant donné le ton :

Le Manu Samoa ia manu le fai o le faiva

Ua ou sai nei ma le mea atoa

O lou malosi ua atoatoa

La e faatafa ma e soso ese

Guerriers de Samoa que votre mission réussisse

je suis prêt, complètement préparé

ma force est à son comble !

Poussez-vous, écartez-vous !

[voir le Siva Tau très guerrier, billet Papalagui du 18 septembre 2007] 

Dans son roman, Le baiser de la mangue, l’écrivain d’origine samoane Albert Wendt, cite plusieurs dizaines de proverbes de son île. On pourrait en choisir un pour illustrer l’état d’esprit de ces sportifs « guerriers » : « Tautua pei o Ta’ape », c’est-à-dire : « Servir les gens comme l’a fait Ta’ape », pour signifier « d’une manière généreuse, sans compter » (p.354).

Le baiser de la mangue La saga d’Albert Wendt (The Mango’s Kiss, 2003) a été traduite en français en 2006 par Jean-Pierre Durix pour les éditions Au Vent des îles dans la collection « Littératures du Pacifique ». Le traducteur – par ailleurs auteur d’un article très éclairant sur Derek Walcott dans l’Universalis des littératures – présente ainsi l’auteur : « Albert Wendt est l’intellectuel le plus représentatif non seulement de son pays natal, le Samoa occidental, mais de toute la région du Pacifique ».

Le Baiser de la mangue est un roman historique, dont l’histoire évolue tout au long de ses 800 pages sur cinquante années, à partir de la fin du XIXe siècle. Le lecteur prend appui sur ce livre emblématique pour comprendre le travail des missionnaires venus entreprendre la conquête des âmes, alors que l’archipel passe de la domination allemande à l’hégémonie néo-zélandaise. Un roman traversé par la figure de la double culture, Peleiupu Mautu, la fille du pasteur…

Extrait du Baiser de la mangue, p. 340 :

 » Le concept de temps avant le présent et de temps en avance sur le présent, d’un temps qui progressait de manière unidimentionnelle, était papalagi, dit-il. Pour eux, le temps était partout, il sous-tendait l’Unité-qui-est-Tout ; si l’on changeait un élément, on modifiait le tout ; tout, y compris nos morts, se trouvait dans le présent toujours mobile, existait maintenant. Ils savaient déjà qu’elle était la société, la vie idéales ; le but consistait à maintenir et à équilibrer cette unité que les ancêtres avaient créée. Le « progrès » papalagi reposait sur la conviction que tout s’améliorait à mesure que l’on avançait.  »

Cette « Unité-qui-est-Tout » rappelle étrangement un autre cycle… celui d’un autre haka, le haka maori des All Blacks, dont les paroles sont enseignées actuellement au Musée du Quai-Branly : Ka Mate ! Ka Mate ! Ka Ora ! Ka Ora ! (C’est la mort ! C’est la mort ! C’est la vie ! C’est la vie !) 

Un commentaire

  1. Avatar de Inconnu

    Très intéressant. Spectateur attentif du match de la France vendredi, amateur peu averti d’un sport que je connais peu, j’ai été frappé par l’esprit noble de combat des joueurs français (même si cela n’a pas été très heureux). Je retrouve dans vos mots cet esprit.

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