Dans la tête de Basquiat
Reportage : Christian Tortel, Mourad Bouretima, Rael Moine. Montage : Jérémy Vellela. Mixage : Sylvie Lemaire.
Les génies vous tendent un piège, malgré eux, tant ils débordent du cadre. Comment par exemple mettre en scène Basquiat, figure de l’artiste underground new-yorkais, mort en 1988 à 27 ans, lui qui signait ses graffitis sur les murs de New-York du nom de SAMO (« Same old shit ») ?
En proposant un théâtre « indiscipliné » répond la Compagnie 0,10…
C’est du théâtre mais aussi un concert de jazz. Reconnaissons au dramaturge Koffi Kwahulé qui signe le texte d’être grand amateur de Thelonious Monk, et la clarinette de Nicolas Baudino fait des merveilles.
C’est aussi de la danse… ce qui flatte les émotions du corps.
Quant à la vidéo, trop souvent un simple gadget sur d’autres scènes, elle est ici frontale et vivante comme le sont les réminiscences d’un paysage urbain, Brooklyn vu de la chambre du jeune Basquiat… un quartier flouté par les gouttes dégoulinant à l’envers. Bravo au vidéaste Benoît Lahoz …
Quant à Basquiat, il ne repose pas que sur les épaules et le corps sculpté de Yohann Pisiou, impeccable en boxeur, rhéteur, malaxeur d’identités d’artistes. Il se démultiplie en trois avec aussi le danseur Willy Pierre-Joseph et le musicien Blade Mc Alimbaye qui pratique la beat box comme un art de la percussion par la bouche.
Cette polyphonie d’expressions est redoublée par l’usage de deux micros en fond de salle, encadrant les images frontales qui montrent outre des gouttes d’eau remontant la vitre, remontant le temps à courir après la jeunesse perdue… un éléphant marchant au ralenti ou des visages de jeunes filmés à Caen où la troupe était en résidence. Une manière pour la metteure en scène, Laëtitia Guédon, d’ouvrir la voie à un public jeune qui n’est pas censé fréquenter intensément les théâtres. Une voie déjà ouverte par Basquiat et qui trouve sur scène un prolongement réussi. Au sortir du spectacle, les réactions du public en témoignent comme on le découvre dans le reportage mis en ligne en ouverture de cet article…
Pas un biopic mais un hommage par l’imaginaire
De multiples aspects de la mise en scène de Laëtitia Guédon enchantent le spectateur comme le critique. Les uns retrouvent l’atmosphère underground d’un New-York des années 80, les autres entrent dans la tête de SAMO, le jeune Basquiat… « Il ne s’agissait pas de faire un biopic explique la nouvelle directrice des Plateaux sauvages, scène du XXe arrondissement de Paris, ni d’un spectacle transdiplinaire, plutôt de proposer une scène « indisciplinée », un hommage à un artiste (d’où le titre « Samo, a tribute to Basquiat ») par des artistes d’aujourd’hui à l’image du rebelle qu’était Basquiat. »
La typographie aux lettres blanches sur fond noir utilise quelquefois l’écran de fond de salle pour signer la scène et marquer ainsi l’un des enjeux de cette performance théâtrale : l’identité de l’artiste en mouvement. Les énumérations dans le texte de Kwahullé soutiennent ces interrogations. La scénographie d’Emmanuel Mazé les décuple.
Pour adapter Basquiat au théâtre, Laëtitia Guesdon a ainsi eu l’idée d’associer vidéo et musique, et de réunir trois comédiens. Un dispositif sophistiqué mais parfaitement maîtrisé. Une réussite qui fait entrer les spectateurs dans l’imaginaire du peintre new-Yorkais d’ascendance porto-ricaine et haïtienne.
La pièce intitulée « Samo, a tribute to Basquiat » est un hommage sensible à cette figure de l’Underground américain.