« Mes larmes sont bleues tant j’ai regardé le ciel et pleuré… » Mohammad al-Maghout (Syrie)

« C’est bien ô siècle tu m’as vaincu
mais je ne trouve dans tout cet Orient
nul promontoire où planter le drapeau
de ma soumission » Mohammad al-Maghout

 

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En Syrie, où la dictature est une tradition familiale, les poètes sont la voix du vent qui déchire les consciences. Ainsi Mohammad al-Maghout (1934-2006), qui « de sa Syrie natale, a été celui qui a modernisé la poésie de langue arabe, en quelques recueils fulgurants publiés dans les années 1950 et 1960. Il connut la prison et l’exil, restant jusqu’au bout une conscience lucide et rétive, un homme farouchement indépendant. » Lire la suite dans Mediapart

A l’occasion de la réédition de son unique recueil de poèmes traduits en français, en 2013, le critique Salim Jay, dans un enregistrement vidéo, soulignait l’importance de la poésie de Mohammad al-Maghout. Selon lui, La joie n’est pas mon métier a des résonances contemporaines jusque dans le récit de Samar Yazbek, Feux croisés (Buchet Chastel, 2012, cf L’Orient littéraire, avril 2012 qui précède Les Portes du néant chez Stock en 2016) :

محمد الماغوط

الحصار

دموعي زرقاءْ
من كثرةِ ما نظرت إلى السماء و بكيتْ
دموعي صفراءْ
من طولِ ما حلمتُ بالسنابلِ الذهبيّةِ
و بكيتْ

فليذهبِ القادةُ  إلى الحروب
و العشّاقُ إلى الغابات
و العلماءُ إلى المختبرات
أمّا أنا
فسأبحثُ عن مسبحةٍ و كرسِّ عتيق
لأعودَ كما كنت،
حاجباً قديماً على باب الحزن
ما دامت كلُّ الكتبِ و الدساتير و الأديان
توْكّدُ أنّني لن أموتَ
إلاّ جائعاً أو سجيناً

Le blocus

Mes larmes sont bleues
tant j’ai regardé le ciel et pleuré
Mes larmes sont jaunes
tant j’ai rêvé des épis d’or
et pleuré

Que les chefs partent à la guerre
les amants aux forêts
les savants aux laboratoires
Quant à moi
je vais chercher un chapelet et une chaise ancienne
pour redevenir tel que j’étais
vieux chambellan à la porte de la tristesse
puisque tous les livres, les constitutions et les religions
assurent que je ne mourrai
qu’affamé ou prisonnier

Mohammad al-Maghout (Salamiyyé, Syrie, 1934 – Damas, 2006), « Le blocus », in La joie n’est pas mon métier, trad. Abdellatif Laâbi, La Différence, 1992, cité dans Anthologie de poésie arabe contemporaine, sélection Farouk Mardam-Bey, Édition bilingue, Actes Sud junior, IMA, 2007

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