Dans une lumière et un noir et blanc hallucinants, L’Étreinte du serpent (El Abrazo de la serpiente) du cinéaste colombien Ciro Guerra, 34 ans, est un film envoûtant sur une Amazonie hantée, au point exact et douloureux où se croisent deux visions du monde, comme une entaille dans l’écorce d’un hévéa, comme une cicatrice sur le dos d’un Amérindien marqué du sceau de son ancienne servitude.
Le dialogue a priori impossible entre deux êtres que tout oppose, un naturaliste européen et le dernier survivant de la destruction de son peuple, un chaman solitaire et libre, suit les traces labyrinthique d’une sylve grandiose, chacun des deux personnages étant lui-même dédoublé à travers le temps et l’espace (interprétés par quatre acteurs : Jan Bijvoet, Brionne Davis et Nilbio Torres, Antonio Bolivar). Les deux notions, le temps et l’espace, n’ayant pas la même valeur pour l’un et pour l’autre. Leur recherche commune d’une plante sacrée, la yakruna, qui a le pouvoir de faire rêver, est la métaphore puissante d’une quête de sens pour chacun.
Ciro Guerra réussit le tour de force de nous faire participer à sa propre odyssée, à la poursuite du rêve comme source de savoir et de connaissance, que l’on soit fils du grand Anaconda, à la source de toute chose autour du grand fleuve ou rejeton exogène d’une autre planète, représentant malgré soi de la colonisation destructrice.
On se laisse volontiers contaminer pas ton commentaire et l’on se dit, après lecture, qu »il faut aller voir ce film au titre étrange pour répondre à l’énigme qu’il pose.
Qui donc est le serpent ? Quelle est cette étreinte ?
J’ai rencontré une fois un chaman, en Afrique Orientale, qui m’a dit de sa voix douce : « Depuis que ton peuple est arrivé ici, mon peuple ne respecte plus les arbres. »
Merci pour cette porte que tu ouvres.
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