Du Congo, Sony Labou Tansi, un fleuve de poésie

69806Croyez-moi sur parole, j’ouvre au hasard ce gros livre de 1 252 pages, à la finesse de papier bible, ce Sony Labou Tansi, Poèmes, édition critique, coordonné par Claire Riffard et Nicolas Martin-Granel, en collaboration avec Cécile Gahungu, « la première édition critique d’un des plus grands poètes du XXe siècle », cinquième ouvrage de la collection « Planète libre » (« qui entend réserver aux auteurs majeurs de la francophonie un traitement égal à celui accordé aux grands corpus français : une édition critique exigeante », critique c’est-à-dire accompagné de textes, de commentaires, d’analyses, de critique en somme…) après ceux consacrés à L.S. Senghor, J.J. Rabearivelo, A. Césaire, A. Memmi, édité par l’Item (Institut des textes et manuscrits modernes) – CNRS, donc le voici ouvert presque en son milieu, et là je lis, extrait de « L’Autre rive du quotidien » :

Premier janvier 75
Je brosse mon petit titre
De mammifère —
Et quel mammifère…
Je m’appuie tout contre
Mon petit cœur de poète
Mais quel poète —
L’Afrique a vendu sont monde
À
Trente deniers —
Blasphémateur
Pas par méchanceté — Oh Messieurs
Par un simple petit tour de passe-passe —

Quel poète
Forgeron des points cardinaux
Ramasseur d’anus
Fer à scier l’horizon
Et — j’ai sucé la mamelle flambante
Des étoiles —
Et ça s’appelait vivre de coups fourrés —

On foutait le monde par terre
On réparait les Dieux
Mais moi — je me rappelle
J’ai dit Joyeux Noël aux gens
Avec toutes mes fuites
Fuite de sang
Fuite de cerveau
Fuite de sexe
Courbatures
J’ai dormi
Sur le seul mot de la langue
que j’ai trouvé têtu : OH !
J’étais moi le OH ! le plus OH ! du monde
Germé de la viande
Et l’orgueil était vaniteux —

et là je fais une pause pour dire que je lis çà et que je suis page 582, et que je n’ai pas fini de lire SLT (1947-1995), mort il y a tout juste vingt ans, qu’on a envie de distribuer à la terre entière, que les heureux éditeurs de ce monument présentent ainsi : « Au commencement, donc, le poème. À la source du fleuve Sony, le poète, « car pour moi, on n’est écrivain qu’à condition d’être poète ».
Oui, donc je suis au bord, sur la rive de ce « flux torrentiel » de « notre béant trésor océanique ».

Au-delà du poète et de l’homme de théâtre, divers amis de SLT nous donnent rendez-vous lors d’événements préparés pour le vingtième anniversaire de sa disparition. A lire sur le site de l’ITEM, sur le site de la Maison de la poésie, etc.

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