Avec Nicole Garcia la lecture est un pestacle

Doit-on dire « Nicole Garcia a massacré le texte de Jean Echenoz » ? Ne devrait-on pas plutôt évoquer la négligence ? ou tout simplement l’absence de travail ? Elle a du talent. Elle a été multicésarisée. Au Théâtre du Rond-Point,  ce mardi 22 octobre, une phrase sur deux est savonnée, escamotée, empesée. Et que dire de la gestuelle démonstrative et de ce regard appuyé pour souligner un vol, une direction, une échappée ?
Le texte de Jean Echenoz (14, Minuit, 2012) est une dissection littéraire du début d’un conflit mondial qui fit tuer environ 9 millions de personnes et qui en fit blesser environ 20 millions d’autres. Cette dissection par Echenoz prend l’allure d’une description millimétrée et magistrale du temps qu’il fait début août dans un village de Vendée à l’heure de la mobilisation. Il choisit le contraire d’une fresque, soit un tableau clinique dont la précision ouvragée s’accomplit dans le réalisme minutieux des psychologies de cinq hommes du village et d’une femme. Une phrase ample s’emploie à dessiner comme un interne en médecine (quelquefois décrivant jusqu’à une précision infinie) les trajectoires dans l’impasse de la guerre. Pour ne citer qu’un critique, résumons avec Jean-Claude Lebrun (L’Humanité, 4/10/2012) l’accueil du roman, puisé au réalisme de carnets de guerre familiaux : « Jamais Echenoz ne hausse le ton ni ne flirte avec le pathos. Mais son économie d’écriture, avec ses images millimétrées et sa langue pesée au trébuchet, fait ici merveille. Son 14 s’inscrit comme une œuvre de toute première force sur le thème de la Grande Guerre. »
Nul besoin d’insister : aucune lecture surjouée ne rendra compte de 14. Au Théâtre du Rond-Point, Nicole Garcia s’emploie, elle, à une lecture spectacle qui va nous hacher menu (ou happé, écrit un critique bien disposé). Le spectateur est la victime consternée d’effets gestuels recherchés, de constantes fautes de langue et d’une diction désinvolte. Les trois jeunes comédiens qui l’accompagnent s’en tirent tout juste. Ils ont peu de places car peu de textes à se partager : Inès Grunenwald est exacte, Guillaume Poix un peu trop parfait, Pierre Rochefort, sensible et humain.
Pour cette lecture de 14, Nicole Garcia a eu la bonne idée de faire entendre quatre voix. Dans une interview publiée dans le dossier de presse du spectacle, elle souligne son intention : « Nous voulions incarner le trio amoureux de 14 et confronter ce trio pudique à une voix narrative plus ample, qui pourrait être la guerre elle-même, le temps du conflit, prenant les personnages dans une dynamique tragique. » Elle endosse donc le rôle premier de la narratrice et tout simplement de la… guerre, ogresse puissante d’un       « opéra sordide et puant ».
Les applaudissements sont polis car après tout on est venu pour elle. Ensuite chacun peut retourner au texte puissant d’Echenoz.

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