Qu’est-ce qu’une belle soirée de poésie ? Prenez un poète debout. À défaut d’être debout dans ses droits, car privé de droits par Pôle emploi, il est debout dans ses vers de poète, dans ses mots de poète, dans sa vie d’homme libre.
Yvon Le Men a attaqué très fort avec un poème d’un autre poète, qu’il a admiré, Jean Malrieu, dont la chute claque comme du René Char : « Si ta vie s’endort, risque la. », et qu’Internet nous restitue entièrement, avec son amitié en plus, en allant sur le site…Temporel.
Bref c’est un homme debout qui se rend libre à force de butiner les mots et de les tricoter entre eux, pour lui et pour les autres, un homme qui vous rend libre rien qu’en l’écoutant, comme ce soir-là à la Maison de la poésie, au cœur de Paris.
Et il nous met debout avec lui à dire des choses comme ça : « Un poème c’est vertical, ça nous remet debout. » Ou cette volonté de « Pratiquer la rime par le haut ». Oui Le Men, il parle et il écrit comme ça.
Quand c’est court ça percute, genre poème microscopique, comme : « Même plié dans l’armoire / le ciel sent bon ». Et pour voir ce que produit l’effet pub Kiss cool, il vous lance : « Même plié dans l’armoire / le ciel sent bon / Ariel liquide. »
Des poèmes qu’on retient par cœur car ils vous accrochent le cœur. Quand c’est long comme l’intégrale en vingt minutes de En fin de droits, c’est plein de tendresse, alors que l’homme lutte contre des blocs de bureaucratie.
C’est ça une belle soirée de poésie, une soirée en liberté. La poésie dite et lue, une écoute attentive parce que ce qui est dit est beau, fort et sensible et là-même vécu dans la chair et dans le cœur meurtri, par Yvon Le Men, poète et diseur de poèmes, dont la vie a basculé lorsque Pôle Emploi lui a annoncé qu’il était radié du régime des intermittents du spectacle et contraint de rembourser des années d’indemnités.
C’est une poésie dite et lue pour un public assis tranquillement qui écoute et en est ému car il sait le public que cet homme est un homme libre qui a conquis sa liberté par les mots de sa poésie.
Et le public, même pas nombreux car le chiffre ne fait rien à l’affaire, le public sait qu’il a gagné sa soirée, chacun dans ce public ce soir-là écoutant Yvon Le Men très inspiré, accompagné humblement par Souleymane Diamanka en lecture et Jean-Marc Le Coq à l’accordéon, a su qu’il avait gagné sa soirée, sa liberté pour un soir ou plus, comme ce jeune Matthieu venu demander dédicace à l’auteur de En fin de droits à l’issue du spectacle – on n’ose appeler cela spectacle tant c’est du vécu -, un Matthieu qui l’avait écouté aussi à Saint-Malo lors d’Étonnants voyageurs en juin dernier, le livre n’étant pas encore mis en vente (il l’est depuis le 2 octobre) et ce Matthieu sachant que sa liberté à lui aussi s’est enrichie ce soir pas seulement de mots en plus, comme qui dirait un bagage de mots, non elle s’est enrichie tout court. Un Matthieu qui a bien entendu Le Men sur scène en dialogue avec son éditeur Bruno Doucey : « La poésie est une énergie jeune. »
Donc une belle soirée de poésie nous construit un espace de liberté. C’est tout. C’est ça. C’est vital.
Le site du comité de soutien d’Yvon Le Men : Fin de droit de quel droit
Une autre rencontre Le Men-Diamanka-Gloaguen, à Lannion, au printemps 2013, un reportage sur Culturebox :