Avec La fille surexposée, édité par Alma, Valentine Goby pratique l’effet de loupe historique qui brûle les ailes du souvenir, un tissage romanesque qui vaut bien des essais savants. Une petite-fille de militaire colonial ouvre la boîte de Pandore de la mémoire familiale sous forme de bribes de papier, parmi lesquelles une « Khadija, femme mauresque ». Une photographie, une image à double détente, pour usage personnel et pour inscription dans l’archétype collectif des rapports coloniaux, dominants-dominés. Une pute d’avant les effluves et volutes romantiques d’un David Hamilton, une femme pour les étrennes de quelque militaire colonial, en somme, une bête de somme sexuelle. La petite-fille porte un nom qui donne des ailes à la mémoire, Isabelle. Elle croise sur son chemin de curiosité un artiste marocain à la créativité enragée, une rencontre, un entrecroisement où le fil de trame n’est jamais perdu… Une écriture un pas en avant, aimantée par la curiosité, un pas en arrière dans le rétroviseur mental. Le lecteur est captif de ces rets d’images façon Épinal du Sud méditerranéen, façon bordels de la mémoire coloniale.
Présentation par l’éditeur :
De 1900 à 1950 se multiplièrent les cartes postales coloniales : femmes-objets « couleur locale » ou costumées selon les standards aguicheurs du moment. Aujourd’hui l’artiste marocain Miloudi Nouiga balafre de peinture ces photos dans un geste doublement provoquant dénonçant à la fois le colonialisme d’hier et la censure présente des intégristes musulmans.
Valentine Goby s’inspire de cette révolte. Elle raconte le voyage d’une carte postale. L’image passe successivement du photographe qui prend le cliché dans les années 1920 à la prostituée marocaine qui pose, au soldat français qui achète la carte dans une boutique de Casablanca, années 1940 puis enfin à la petite fille française du militaire qui la retrouve aujourd’hui dans les papiers d’un héritage.
Que voit-on vraiment ? De quoi, de qui parle-t-on ? Valentine Goby poursuit ainsi sa quête romanesque où le corps tient une place primordiale.
La carte postale représentant la « fille surexposée » s’est projetée dans une peinture de Miloudi. Elle figure en couverture de ce livre et dans le musée imaginaire des révoltes de Valentine. On retrouve dans ce texte envoûtant la passion de celle-ci pour « les multiples mensonges de l’image » depuis sa construction voici cent ans jusqu’à sa reconstruction aujourd’hui en passant par toutes les métamorphoses de l’histoire.
La fille surexposée est le septième volume de la collection « Pabloïd ». Inspirée d’une idée de Pablo Picasso, cette série comprend : Le baiser peut-être de Belinda Cannone, Au début de François Bégaudeau, Moi, j’attends de voir passer un pingouin de Geneviève Brisac, Chacune blesse, la dernière tue d’Anne Rabinovitch, La montre de l’Amiral de Dominique Pagnier et American gothic de Xavier Mauméjean.