Cette image de migrants au clair de lune gagne le World Press Photo
© John Stanmeyer ANP/AFP
Une photo de migrants africains, téléphones tendus vers le ciel dans l’espoir de capter une dernière fois du réseau, a gagné le premier prix du plus prestigieux concours de photojournalisme, le World Press Photo.
La photo de l’Américain John Stanmeyer, illuminée uniquement par le clair de lune et les écrans de téléphones de ceux qui sont sur le point de partir chercher « une vie meilleure », a été prise en février 2013 sur une plage de Djibouti, lieu de transit des migrants en provenance de la Somalie, de l’Éthiopie ou de l’Érythrée.
La photo de John Stanmeyer « est connectée à tant d’autres sujets : elle ouvre la discussion au sujet des technologies, de la mondialisation, des migrations, de la pauvreté, de l’aliénation, d’humanité », a déclaré un membre du jury, Jillian Edelstein. Une autre membre du jury, présidé par Gary Knight, de l’agence photo VII, assure que cette photo donne une image différente des migrants : « Tellement de photos des migrants les montrent débraillés et pathétiques, mais cette photo n’est pas tant romantique qu’elle est digne », a déclaré Susan Linfield.
Une image d’espoir
John Stanmeyer, né en Illinois aux Etats-Unis, a notamment travaillé en Asie pendant de nombreuses années et a couvert les ravages provoqués par le tsunami et la guerre civile au Soudan, notamment. Selon son site internet, il se concentre sur les injustices sociales, la pauvreté et les droits humains. L’image de John Stanmeyer, qui travaille pour l’agence photo VII, a été prise pour le National Geographic.
Deux photographes travaillant pour l’Agence France-Presse ont en outre été récompensés des premières places dans deux catégories de « photo uniques » : Philippe Lopez dans la catégorie « Actualités chaudes » et Jeff Pachoud dans « Magazines sportifs ».
Le cliché de Philippe Lopez, réalisé aux Philippines après le passage du typhon Haiyan, montre une procession religieuse de femmes sur fond de paysage dévasté après le passage de ce typhon, qui a fait plus de 8.000 morts. « Cette photographie résume la ferveur d’un peuple qui continue à avancer malgré l’ampleur de ce désastre », a déclaré à l’AFP Philippe Lopez, actuellement au bureau de Hong-Kong . « Je suis heureux que le jury ait retenu une image d’espoir », a-t-il souligné.
Jeff Pachoud, du bureau de Lyon (est de la France), a, lui, été distingué pour une image prise lors d’une course de chiens de traîneau. Photographiée depuis un hélicoptère, l’image montre des concurrents au milieu d’un paysage immaculé. « Je me souviens de ce moment particulier où les meilleures conditions de prises de vues ont été réunies pour restituer ce décor surréaliste », explique le photographe. Près de 100.000 images ont été soumises au jury par 5.754 photographes de 132 pays. Le jury a choisi de récompenser 53 photographes de 25 nationalités dans neuf catégories.
Lire la critique de Slate.fr : Photo de l’année 2013 : le choix surprenant du jury du World Press.
Trois rapprochements parmi d’autres :
Djibouti, des rêves plein les étoiles est une image du sublime contemporain, comme nous le suggère deux essais et une peinture :
1. Dans Survivance des lucioles (2009), Georges Didi-Huberman écrit :
« Dante a, autrefois, imaginé qu’au creux de l’Enfer, dans la fosse des « conseillers perfides », s’agitent les petites lumières (lucciole) des âmes mauvaises, bien loin de la grande et unique lumière (luce) promise au Paradis. Il semble bien que l’histoire moderne ait inversé ce rapport : les « conseillers perfides » s’agitent triomphalement sous les faisceaux de la grande lumière (télévisuelle, par exemple), tandis que les peuples sans pouvoir errent dans l’obscurité, telles des lucioles. »
2. Dans La littérature et le sublime, sous la direction de Patrick Marot (Presses Universitaires du Mirail, 2007), Jean Bessière, citant Jacques Derrida, rappelle que « L’« Analytique du sublime » est le moyen, pour Kant, dans l’examen de la démesure, de dire le pouvoir de l’homme — celui qui peut imaginer, penser, sentir sa propre petitesse, et cependant être la mesure du démesuré. »
3. La photo des migrants aux portables levés vers la lune, évoque le sublime de La Nuit étoilée de Van Gogh (1889) :