Récitée par la femme de théâtre guadeloupéenne Gerty Dambury, cette poésie d’Ernest Legouvé (1807-1903) qu’elle connaît par cœur pour l’avoir apprise en classe de 6e :
Dandolo
Venise aux Byzantins demandait un traité.
Auprès de l’empereur part comme député
Un des plus nobles fils de Venise la Belle :
Dandolo. L’empereur ordonne qu’on l’appelle.
Il entre : le traité l’attendait tout écrit :
« Lisez-le, dit le prince, et puis signez… » Il lit.
Mais soudain, pâlissant de colère, il s’écrie :
« Ce traité flétrirait mon nom et ma patrie,
Je ne signerai pas ». L’impétueux César
Se lève… Dandolo l’écrase d’un regard.
Le prince veut parler de présents,… ; il s’indigne.
De bourreaux,… il sourit. De prêtres,… il se signe.
Alors, tout écumant de honte et de fureur,
« Si tu ne consens pas, traître, dit l’empereur,
J’appelle ici soudain quatre esclaves fidèles,
Je te fais garrotter, et là, dans tes prunelles,
Un fer rouge éteindra le jour évanoui !
Ainsi, hâte-toi donc, et réponds enfin oui. »
Il se tait. On apporte une lance brûlante.
Il se tait. On l’applique à sa paupière ardente.
Il se tait. De ses yeux où le fer s’enfonçait
Le sang coule. Il se tait. La chair fume. Il se tait.
Et quand de ses bourreaux l’œuvre fut achevée,
Tranquille et ferme, il dit : « La patrie est sauvée ».
Eh bien ! ce front d’airain inflexible aux douleurs
Ces yeux qui, torturés, n’ont que du sang pour pleurs,
Cet immobile front où pas un pli ne bouge,
Qui ne sourcille pas sous le feu d’un fer rouge,
Ces yeux, ce front, ce cœur, avaient quatre-vingts ans.
À noter : le nom d’Ernest Legouvé a été donné en 1902 à un récif situé au sud des îles Tuamotu et à l’est de la Nouvelle-Zélande, un endroit où Jules Verne situe L’Île mystérieuse…
Très drôle, Christian !!!
Ce poème est le genre de « dissertation » sur le courage, la virilité et l’honneur dont on nous abreuvait dans notre enfance…
Rien à voir avec l’i-grec et sa délicieuse étrangeté… (il ne te reste plus qu’à réciter celui-là pour que les lecteurs comprennent cette blague interne).
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J’ai un jour récité ce poème que j’étais seule à connaître, à l’entrée de ste Sophie d’Istanbul.Une simple plaque portant le nom de Dandolo avait éveillé la curiosité des visiteurs,mais moi,à 65 ans j’ai récité d’une traite ce poème que j’avais à 12 ou 13 ans.
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Juste une précision historique : il est acquis que Dandolo n’a jamais rencontré l’empereur byzantin et sa cécité n’avait pas pour origine ces fers rouges.
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