Synopsis : « Une femme qui sur les conseils d’une statue de Saint François se prive de nourriture pour plaire au Seigneur. Un enfant qui fasciné par la guerre civile au Congo se déguise en Noir et se fait appeler Lumumba. Un facteur des plus indiscrets, un garde chasse myope et stérile, un boucher à l’appétit sexuel débordant qui ne manque pas d’imagination pour capturer ses proies. Voici quelques éléments d’une comédie des plus insolites sur la vie des habitants d’un lotissement perdu, dans le nord de l’Europe. »
La bande-annonce donne une idée précise de ces personnages :
Les Habitants qui ressort sur les écrans ce 26 décembre, vingt ans après sa première sortie, est un film néerlandais d’Alex van Warlerdam, auteur de peu de films, mais qui vous laissent une marque. Ce film est une comédie burlesque et absurde hautement maîtrisée dans sa forme et ses tableaux, qui tient à Jacques Tati pour l’angoisse et le mutisme relatif des personnages dans un décor pastel des années 60 et à Luis Buñuel pour le surréalisme, le sexe et son pendant religieux, sa raillerie de l’ordre bourgeois.
Alex van Warlerdam, le réalisateur qui interprète le rôle du facteur voyeur Plagge nous donne quelques clés… lui qui « a habité dans cette sorte de rue, la première d’un quartier neuf » :
« Dans ‘Les Habitants’, j’avais un contenu comme moteur. Je voulais vraiment raconter quelque chose sur la panne entre hommes et femmes sur le plan sexuel, et les conséquences possibles de cette panne. De nos jours, on fait appel à un travailleur social, les gens se réunissent en petits groupes de discussion, ce qui n’existait pas du tout en 1960. Cela se mettait à suppurer, le mariage échouait mais les conjoints restaient ensemble. Cette période est donc un très bon alibi pour raconter une histoire aussi décortiquée que possible. »
Alex van Warlerdam a véritablement créé un film atypique, qui tient, comme son auteur, du théâtre. Ce quartier-ville est posé en plein désert humain comme un décor de cinéma dont on verrait le hors-champ, rôle joué par une forêt aux arbres touffus, au havre dévolu à un lac minuscule. Dans l’une des premières scènes, le facteur s’arrête près du lac, en tire une bouilloire attachée à une corde. Elle ne lui sert nullement à préparer un thé mais à faire de la vapeur quand il l’a posée sur un feu de bois. Cette vapeur lui permet d’ouvrir les lettres avant distribution. Le facteur voyeur est ainsi au courant des secrets des habitants.
Au sortir de la forêt, surpris par le garde-chasse, le voyeur n’est pas désarçonné. Il répond qu’il est allé rendre visite à William le lapin, qui est stérile. En l’occurrence, il révèle ainsi au garde-chasse (qui ne décode en rien l’allusion) le secret qu’il appendra par la lettre que le facteur ne lui remettra qu’à l’adresse indiquée sur l’enveloppe. Absurde et burlesque, la scène et le film.
Les Habitants est une œuvre très maîtrisée, ce qui est confirmé par la démarche d’Alex van Warlerdam : « Je ne suis pas spécialement impressionné par l’utilisation de grues et par les plans compliqués en général, je le suis par les choses les plus simples. C’est là que j’essaie de trouver ma forme. Avec Marc Felperlaan, mon cameraman, j’ai travaillé neuf mois sur le story-board, ce qui se remarque très peu dans le film. On dirait que la caméra a été posée, et hop, on tourne. Mais avant cela on en a parlé très longtemps. »
Deux ou trois critiques :
« Sous l’apparence d’une suite de saynettes grotesques, de plus en plus violentes, Les Habitants est en fait un récit d’initiation fort noir, irrigué par un humour désespéré. » Thomas Sotinel, Le Monde
« À redécouvrir d’urgence », Gaîté-lyrique.net
« On ne remerciera jamais assez le distributeur et éditeur ED Distribution de défricher des cinématographies méconnues et difficilement visibles chez nous. » 1kult.com
Propos du réalisateur extraits d’un entretien publié sur le site français du film, ED Distribution.
Un bel objet de cinéma, très étrange, toujours sur la corde entre l’humour noir et l’humour burlesque. Une oeuvre ample qui additionne les histoires mais ne perd jamais son objectif de vue : celui de disloquer les faits et gestes de chaque habitant pour faire la peinture acide et décalé d’un microcosme.
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