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Dans Octobre noir, Didier Daeninckx au scénario et Mako au dessin retracent avec talent l’atmosphère poisseuse, pluvieuse et sanglante du 17 octobre 1961 à Paris, entre l’ambiance rock des tremplins du Golf-Drouot et de l’Olympia, et la manifestation des ouvriers Algériens venus de la banlieue de Paris, leur ratonnade boulevard Bonne-Nouvelle, et la litanie des disparus, matraqués puis jetés dans la Seine ou renvoyés illico en Algérie.
À l’heure d’un appel à la reconnaissance officielle de la tragédie, et d’une inscription de la date dans le récit national, une bande dessinée des éditions Ad libris apporte son éclairage sensible et douloureux [à noter l’erreur de la page Wikipédia intitulée 1961 qui évoque un « Massacre d’indépendantistes algériens lors d’une manifestation à Paris »].
La BD bénéficie d’une préface de Benjamin Stora. « Pourquoi un tel déferlement de brutalités policières à l’encontre des manifestants algériens, alors que six mois plus tard à peine vont être signés les accords d’Évian conduisant à l’indépendance de l’Algérie ? interroge l’historien. Pourquoi la direction de la Fédération de France du FLN a t-elle donné la consigne d’une manifestation pacifique ? N’y a-t-il pas eu de sa part sous-estimation ou tout simplement incompréhension des intentions du gouvernement français ? »
Dans le rappel du contexte politique de l’époque, l’universitaire de Paris 13 (voir le site de Benjamin Stora) prolonge l’analyse de Gilles Manceron dans La triple occultation d’un massacre (La Découverte) (cf. Papalagui, 14/10/10).
Dans la préface d’Octobre noir, Benjamin Stora écrit : « La nuit du 17 octobre s’est longtemps enfoncée dans les eaux boueuses de la mémoire française. Recouverte par l’autre nuit de Maurice Papon, celle du métro Charonne de février 1962. (…) Et puis les amnisties des crimes de la guerre d’Algérie sont arrivées très vite, contenues dans les accords d’Évian signés en mars 1962. (…) Les amnisties successives (quatre après 1962) consolideront le silence. »
L’intérêt de la BD Octobre noir est aussi dans cet accompagnement par l’analyse historique et mémorielle (par ailleurs, lire l’article de Pierre Nora, « La question coloniale, une histoire politisée », Le Monde, 15/10/11). Un livre qui rappelle en sa fin, la belle harangue de l’écrivain Kateb Yacine au peuple de la Commune : « Peuple français, tu as tout vu oui tout vu de tes propres yeux et maintenant vas-tu parler ? Et maintenant vas-tu te taire ? ».
La BD est complétée par un article de Didier Daeninckx, qui fait retour sur sa jeunesse, publié une première fois dans la presse algérienne à l’occasion du 25e anniversaire de la répression, contre une « amnésie volontaire, organisée », pour rappeler que des « dizaines de lignes [sont] à remplir pour rendre leur identité à chacune des victimes, afin que l’oubli ne soit plus possible. » (Médiapart l’inscrit dans une série intitulée 17 écrivains se souviennent).
Les éditeurs concluent la BD par la liste établie par l’historien Jean-Luc Einaudi, auteur de La Bataille de Paris (Le Seuil) : « Morts et disparus à Paris et dans la région parisienne ».
Débat avec les auteurs à l’Institut du monde arabe (IMA) de Paris, le 27/10/11 à 18h30.

Un article sur cette nuit noire du 17 octobre 1961 sur le site Histoire pour tous :
http://www.histoire-pour-tous.fr/histoire-de-france/3815-17-octobre-1961.html
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