Nicolas Kurtovitch, chronique 1

Après l’entretien que nous a accordé Nicolas Kurtovitch [Papalagui, 13/11/07], il y a une semaine, voici sa première chronique de Wellington (Nouvelle-Zélande).


Aujourd’hui, dimanche 18 novembre, le soleil est de la partie, pas de nuages, peu de vent, une température supportable. A 9 heures, ce matin, les tout jeunes s’initient au cricket, à 11 heures, au même endroit, ce sont les plus âgés, c’est du sérieux, ça hurle dès l’élimination d’un adversaire. En tant que sport je ne peux m’empêcher de penser qu’il doit être extrêmement frustrant de jouer au cricket, on ne fait rien la plupart du temps, on est en pantalon et en plus il faut porter un pull ! Je reconnais : je ne suis pas Anglais, je n’y comprends pas grand-chose, il faudrait relire Un pur espion de John Le Carré, il en parle merveilleusement bien et pendant quelques minutes j’ai cru ressentir l’essence de ce jeu.

Un pur espion

Les Wellingtoniens attachent beaucoup d’importance au temps, et ils m’en font un rapide commentaire chaque jour, chaque fois que j’en rencontre un. C’est vrai qu’il est changeant, ce temps, soleil, vent très fort, pluie, soleil, et ainsi de suite au cours d’une même journée. Ceci étant ça ne me perturbe pas et même me réjouit, je ne suis pas venu par ici pour avoir un temps tranquille de bord de plage. Les plages il y en a mais ce sera pour janvier, je ne vais pas y aller seul, et bronzer sous le vent ne marchera pas. On m’a dit qu’en janvier ce sera idéal, tant mieux Nicole m’aura rejoint, certainement. Avec nos amis du « Bruit des hommes » -une superbe compagnie de théâtre de Lagarde, à côté de Toulon- metteurs en scène de La Commande, nous parlerons théâtre et de la possibilité de venir jouer La Commande ici, à Wellington. Une discussion très intéressante et précise avec Michel Legras, Ambassadeur de France, un homme extrêmement sympathique, sensible aux interrogations artistiques, au théâtre en particulier et très favorable au développement des échanges culturels et artistiques entre la Nouvelle Calédonie et la Nouvelle Zélande, une discussion donc qui me laisse beaucoup d’espoir de voir sous peu la compagnie Kalachakra venir jouer par ici.

En un mois je n’ai pas une seule fois entendu parler à la radio ou à la télévision, ni lu dans aucun journal quoi que ce soit à propos de la Nouvelle Calédonie, et comme je ne suis pas accro à la lecture de journaux sur le web, je suis déconnecté de l’actualité calédonienne. Je pourrais facilement m’y reconnecter mais je ne le souhaite pas pour le moment, mes chantiers occupent suffisamment mon esprit pour éviter trop de dispersion, d’autant que les « affaires » néo-zélandaises sont nombreuses, et la lecture des affaires du monde m’intéresse.

Mardi ce sera sortie théâtre

the Kreutzer

Season: Wed 14 – Sat 24 November (no show Sun/Mon)
Tickets: $18 full / $13 concession & $26 STAB season pass
Time: 7.30pm, plus 4pm matinee on Sun 18 & Sat 24 onlybook now!:
book@bats.co.nz Directed by Sara Brodie“But I say unto you; whosoever looketh on a woman and lust after her hath already committed adultery in his heart” – Matthew V, 28.A theatrical tour de force, the Kreutzer combines dance-theatre, live classical music and an interactive audio-visual feast.

A Man on a Train is hounded by a Quartet and the haunting presence of his dead Wife, into confessing all. We journey into his corrupt and jealous past, to examine the twisted way men and women perceive each other, with music to die for.the Kreutzer is based on The Kreutzer Sonata by Beethoven, which gave rise to a promptly censored story by Tolstoy (which had him labelled as a sexual moral pervert) that then inspired Leoš Janácek’s first string quartet.

Featuring: actor Tom McCrory (UK/NZ), pianist Catherine McKay (CAN/NZ), dancer Nina Baeyertz (GER/NZ), violinist Donald Armstrong (NZ) and the Nevine String Quartet (NZ) – members of the NZSO.

Design: Andrew Brettell (AV), Piet Asplet (LX), Kath Tyree (Costume).

www.thekreutzer.co.nz

Nicolas Kurtovitch, NC vs NZ

En Nouvelle-Zélande, il n’y a pas que des All Blacks, des kiwis et des lecteurs d’Alan Duff (L’âme des guerriers, Actes Sud). Pour les écrivains, il est une résidence d’écriture convoitée : Randell Cottage . Nicolas Kurtovitch, écrivain calédonien est le septième lauréat de cette résidence d’écriture en Nouvelle-Zélande. C’est l’un des passeurs de culture(s) les plus dynamiques en langue française de ce côté-là de la planète. Il répond à quelques questions, histoire de faire connaissance. Après cet entretien, chaque dimanche, il nous livrera sa Chronique d’un écrivain en résidence en Nouvelle-Zélande. Pour en savoir plus, on ira visiter son site et son journal de résidence.

1. En guise de présentation, si tu devais conseiller un seul livre à un lecteur qui souhaiterait découvrir un Nicolas Kurtovitch qu’il n’aurait pas encore lu, ce serait lequel ?

Réponse au-delà d’un seul titre, dans la mesure où abordant plusieurs genres littéraires il m’est difficile d’avancer un seul titre alors j’en proposerai trois, couvrant l’ensemble de mes directions d’écriture.

Poésie : Le piéton du Dharma

Théâtre : La commande

Prose : Good night friend (roman)


Par lequel pourrait-il commencer ?

Pour commencer alors c’est Le piéton du Dharma, poésie, sans hésitation. [éditions Grain de sable, Nouméa, cf. site Bookin ].


2. Quels sont les livres qui t’environnent lors de cette résidence d’écriture ?
Sur ton site… tu cites notamment Alan Duff…

J’ai emporté avec moi plusieurs livres, mais pas une bibliothèque dans la mesure où j’ai le secret espoir de lire en anglais, des auteurs néozélandais parmi d’autres.

J’ai tout de même emporté deux livres d’Alan Duff, ses deux premiers, livres exemplaires dans le contexte océanien que tout le monde dans cette partie du monde devrait lire et que tout le monde dans l’ensemble monde devrait lire tant le rythme est formidable.

Deux romans de Jo Nesbo, deux livres de Charles Juliet, un livre d’Albert Jacquard, le dernier tome de Harry Potter, une sélection des poèmes de Han Chan, en anglais, une sélection de Ryokan, Buson, Basho, Tokuboku, Omar Khayyam dont je ne me sépare jamais, une petite anthologie de haïkus mais aussi de divers textes Zen, une étude sur Tchouang-Tseu par Jean-François Billeter, un Yi Jing par Cyrille Javary (au Ed. du Cerf)

Egalement 16 gigaoctets de musique dans mon ordinateur (le premier achat à Wellington ont été des « baffles » pour le portable).

Quelques DVD : Corto Maltese, Kurosawa,…Neil Young, Jimi Hendrix, Bob Dylan, R.Thompson, Joni Mitchell, Tim Buckley (le père de Jeff…) Michael Jordan

Je lirai Katherine Mansfield, Fiona Kindman, Patricia Grace, et quelques poètes néozélandais dont Owen Bullock.

3. Où es-tu ? Quelle est cette résidence d’écriture ? Où es-tu sur cette ligne NC/NZ ? Vois-tu le monde de la même façon en NZ qu’en NC ? Dirais-tu que l’imaginaire maori a une place singulière dans ta démarche ? Ou  » l’urbanité néo-zélandaise  » ?

Je suis à Wellington, Nouvelle Zélande, 41°17’ Sud et 174°47’ Est. Le quartier est Thorndon, la rue au 14 St Mary Street, la maison s’appelle : Randell Cottage, du nom de la famille qui l’a fait construire et l’a par la suite cédé à un « Trust », une association, dans le but d’en faire un lieu de résidence d’écrivain. En association avec l’Ambassade France , il a été mis en place cette résidence en échos à celle de Menton qui accueille chaque année depuis plus de vingt ans un écrivain néo-zélandais pour 5 à 6 mois. Cet écrivain dispose pour travailler du lieu où à séjourné Katherine Mansfield à Menton. La résidence du Randell cottage accueille chaque année un écrivain français pour 4 à 5 mois, il y eut avant moi : Nadine Ribault, Charles Juliet, Pierre Furlan, Dominique Mainard, Annie Saumont l’année dernière.

Il est un peu tôt pour dire si ce lieu modifie ma « vue du monde », mais les rencontres avec les écrivains, le public, les gens dans la rue, les façons d’être, les façons de réagir aux grandes questions internationales qui se multiplient, sont de beaucoup différentes des réactions qu’il peut y avoir en Nouvelle-Calédonie. C’est très intéressant, vivifiant, utile, incontournable est donc la vision de l’autre. Ceci étant il ne me semble pas être représentatif de la pensée néocalédonienne, pensée souvent conformiste dont le travail d’élaboration n’est pas très poussé faute de recherches, de confrontations volontairement acceptées, de lectures. Ceci n’engage que moi évidemment.

L’imaginaire maori, je ne le connais pas tant que cela, il m’intéresse au titre où l’imaginaire polynésien dans son ensemble me plait et m’intéresse beaucoup. Il y a là une immense histoire, une conception du monde et des origines. Prenons la réelle dimension suivante : le triangle polynésien est grosso modo équilatéral de 5000 km de côté, Hawaï, Pâques, Nouvelle Zélande Aotearoa, l’ensemble des habitants de toutes ces communautés se comprennent ! Une seule langue, on retrouve les dieux de façon similaire, les légendes se recoupent etc. etc. !

Mais autant je m’intéresse à l’imaginaire Maori autant je m’intéresse à l’imaginaire des Pakeha. Je m’intéresse à la Nouvelle Zélande en tant que communauté unique qui cherche à relever l’ensemble des défis qui lui sont obligés, dont l’usage d’une double langue officielle Anglais et Maori. Je m’intéresse à l’intégration des communautés maorie mais aussi pakeha à la société néozélandaise, qui semble vouloir aujourd’hui se construire tout autant autour de valeurs européennes que de valeurs océaniennes. Ce sont là les deux grands défis qui s’ajoutent au défi premier des colons : celui de créer une société juste et équitable, d’où les luttes syndicales importantes ici dès le XIXème siècle.

4. Tu as déjà bénéficié d’autres résidences d’écriture (en particulier théâtrale à Villeneuve-lès-Avignon avec Pierre Gope , ce qui a donné « Les Dieux sont borgnes »). Quel objectif as-tu avec cette résidence d’écriture ?

Trois objectifs :

Un roman, une pièce de théâtre, un recueil de poèmes. Ce dernier sera un recueil rassemblant des textes déjà écrits autour et à propos de la Nouvelle Zélande, certains lieux, certaines situations, déambulations…et des textes que j’écris en ce moment, que j’écrirai dans les semaines de résidence.

Le roman et la pièce de théâtre, j’y pense, je prends des notes à leurs sujets depuis le début de cette année-ci en projetant la résidence qui a débuté effectivement il y a trois semaines aujourd’hui.