Lussas, échos du monde (1/11) 

Premier article d’une série de onze sur les États généraux du film documentaire, à Lussas (Ardèche), trente-septième édition (17-23 août 2025). Ce festival est placé sous le signe de l’écoute et de la parole.

Près de la rivière l’Auzon, les campeurs se réveillent au son de l’alouette lulu, de ses vocalises et trilles répétitives jusqu’à la mélancolie ou des mésanges et autres rossignols guillerets. Pas de coq en vue.

Les chants d’oiseaux augurent d’autres sons, ceux des films programmés à Lussas. Si le documentaire est un point de vue original sur le monde, c’est souvent par le son qu’il se distingue et nous surprend.

« Le son des films, la parole des spectateurs », serait une devise possible ici, tant l’oreille gouverne nos sentiments et nos réflexions sur ces films.

« D’emblée [en 1989] cette manifestation est non compétitive, c’est encore le cas aujourd’hui et c’est une particularité très importante, qui s’accompagne d’une très large place qu’on souhaite accorder à la parole autour des films, après les films, à la fois avec les spectateurs et avec les fabricants des films et en premier lieu les cinéastes. », explique Christophe Postic, co-directeur artistique des États généraux du film documentaire de Lussas dans un entretien à France Culture, le 18/08/2025.

À vol d’oiseau

À deux pas du camping, la salle du Moulinage, l’une des sept salles de projection, la plus excentrée du festival (sans compter les projections dans d’autres villages, « hors les murs »), présente ce soir-là À vol d’oiseau. Une histoire d’exil comme il en existe des milliers. Une de celle qui ne va pas se dissoudre en une Méditerranée-cimetière mais va finir par un happy-end, avec naturalisation et métier de pompier pour le héros. 

Dessin extrait du film « À vol d’oiseau »

Il y a l’histoire et il y a la forme, qui est originale. Une bande-son a servi de point de départ, un dialogue entre la réalisatrice Clara Lacombe et Amadou, parti de Guinée Conakry à l’âge de 13 ans. Sur cette bande-son, les deux auteurs (Clara et Amadou) mêlent animation et images tournées en Super 8. Cette technique a pour effet principal de plonger le spectateur dans l’espace intime du récit, dans sa dimension presque nostalgique, de nous attacher à l’effet de feuilletage façon album de famille.

Trois ans après son départ, Amadou a croisé la route du frère de la réalisatrice, Thibault, ornithologue à Grenoble, qui l’a initié aux us et coutumes des volatiles. Une histoire d’oiseaux, donc. Mais le film n’exploite pas vraiment la métaphore facile de l’enfant migrant, oiseau migrateur.

« Une partition organique »

Clara Lacombe s’est formée en travaillant dans une radio associative, en fabriquant du cinéma d’animation le soir et en enregistrant des sons d’oiseaux. Dans À vol d’oiseau, elle a créé un cocktail original avec des sons percussifs de minéraux, des sons enregistrés sur cassettes et de drones issus de machines électroniques, « une partition organique » totale qui invente un univers mental.

Par petites touches de peintures brutes en deux dimensions, et leurs effets de poésie douce, elle nous fait ressentir toute la gamme des sentiments qui traversent Amadou pendant son périple : étonnement, joie, peur, délivrance, renaissance. En trente petites minutes, la réussite de À vol d’oiseau repose sur un dosage subtil entre récit, images et sons.

Pour les détails de la fabrique du film, lire ici.

Un commentaire

Répondre à Francis Ginestet Annuler la réponse.