« Ce que c’est qu’un pin, apprends-le du pin » (matsu no koto wa matsu ni narahe 松のことは松に習へ), ce beau précepte de Bashô, je l’ai lu la première fois dans un article érudit d’Augustin Berque.
J’en ai retrouvé une version théâtrale dans la pièce de Simon Gauchet, L’Expérience de l’arbre, créée en 2019, hier à la MC93 de Bobigny. On peut voir des extraits dans ce film tourné au Théâtre national de Bretagne.

Trois personnages dialoguent autour de la question du théâtre, du public, de son art déclamatoire, une mise en abyme, elle-même truffée d’histoires et d’anecdotes : un acteur de nô, art sacré au Japon (interprété tantôt avec humour tantôt avec gravité par Hiroaki Ogasawara), un homme de théâtre français (Simon Gauchet, émouvant ou ironiquement docte, dans son propre rôle) et… un arbre, Matsu, le pin en japonais, personnage à part entière, qui progressivement envahira le plateau.
C’est jouissif et chatoyant, drôle et profond, en résonance au Théâtre et son double d’Antonin Artaud comme à la fable Le Chêne et le Roseau de Jean de La Fontaine.
C’est une ode composite à la transmission entre les générations dans chacun des pays comme à l’échange entre l’Orient et l’Occident. Entre un théâtre hyper-codé (le nô) et un théâtre en quête incessante de formes nouvelles. C’est aussi du théâtre bilingue français japonais. Une forme de conférence croisée où l’on oublierait de s’ennuyer.
C’est un éventail où l’acteur de Nô range à la fin du spectacle tout un monde.
On y entend la musique du vent dans les pins, les cerisiers, les saules, comme la musique de Joaquim Pavy qui, sur scène, enrichit le dialogue grâce à sa guitare.
C’est l’omniprésence de l’arbre rescapé puis finalement mort après la catastrophe de Fukushima et son tsunami, lorsque « là-bas, la vague avance avec une douceur sans pitié » : « Je suis le vestige d’un souvenir que tous veulent oublier. »
Un spectacle où l’on apprend, qu’au Japon, le théâtre est gratuit pour les fantômes.
