
Extrait de la nouvelle Le koboloï, dans le recueil Papillotes, Γευστικές αναμνήσεις, de Dimitri K. Psychoyos, bilingue grec-français, L’Asiathèque. Nouvelles présentées et traduites du grec moderne par Nicole Le Bris, 2024.
S’offrir un tel livre bilingue, c’est une manière de fêter un premier cours de grec, avec l’association Phonie Graphie Φωνή Γραφή et un prof., Benakis Matsas, qui ferait parler grec à une huître tellement il s’investit dans le processus d’enseignement et l’interaction avec ses étudiants.
On appendra que l’homme est membre du comité scientifique des éditions Eterotopia et aussi philosophe, inscrit en thèse, avec une belle ambition. Selon ses propres mots (site Université Paris 8) « à l’instar d’une philosophie politique qui fût « l’enfant d’un besoin de l’humanité » (Feuerbach), ce travail répond au besoin de penser, d’un seul élan, la catastrophe et l’utopie, l’aliénation sociale et l’aliénation mentale, l’histoire moderne et le temps présent. » Pas étonnant alors de le voir nous montrer comme on écrit Gilles en grec, prenant l’exemple de Gilles Deleuze : Ζιλ Ντελέζ.
Bref, la fête ne fait que commencer !
Mais, trêve d’éloges, place à la littérature grecque qui, dans ce recueil de nouvelles, est à même d’entretenir la flamme :
Έφθασε ο Γιάννης και με βρήκε συγχυσμένο να ψάχνω ακόμη στο αυτοκίνητο. Η στενοχώρια μου ήταν έκδηλη «μα πώς κάνεις έτσι, ένα κομπολόι ήταν». Αλλά ήταν το κομπολόι του πατέρα μου. Όταν πέθανε κληρονομήσαμε τη βιβλιοθήκη του (αγαπημένη κόρη του και αυτή που μεγάλωνε μαζί μας στα Λεχαινά και στην Αθήνα), το σπίτι του στο Νιοχώρι και τον μπελά να συνεχίσουμε να φτιάχνουμε κρασί και λάδι. Από τα προσωπικά του είδη σε εμένα έπεσε το κεχριμπαρένιο κομπολόι του, που είχε ιστορία: του το είχε χαρίσει ο πεθερός του, ο Ντίνος Μανιάτης, ο «γερο-παππούς Ντίνος» όπως τον έλεγαν τα δισέγγονά του για να τον ξεχωρίζουν από τον πατέρα μου, τον συνονόματό του «παππού Ντίνο». Στον γερο-παππού το είχε χαρίσει κάποτε, κατά τη δεκαετία του 1940 πρέπει να ήταν,
βουλευτής Ηλείας των Φιλελευθέρων, Γιαννόπουλος νομίζω.
Ατόφιο κεχριμπάρι βαλτικής, με χάντρες κυλινδρικές σε μέγεθος μούρου – όχι από τα συνηθισμένα μούρα αλλά σαν εκείνα τα μεγάλα και πιο-γλυκά-πιο-ζουμε- ρά-δενγίνεται που είχα γευτεί κάποτε στο ξωκλήσι του ΆιΔημήτρη στη Δράκεια – φθαρμένες στο εσωτερικό τους από εκατομμύρια διαδρομές πάνω στον μεταξωτό σπάγκο και στις πάνω-κάτω επιφάνειές τους από τα ισάριθμα κροταλίσματα της μιας πάνω στην άλλη.
Ήταν απαιτητικό το κομπολόι του παππού και του πατέρα: όταν είχες καιρό να το πιάσεις, πείσμωνε: θάμπωνε, γινόταν τραχύ στην αφή, ακατάδεχτο. Μόλις ένιωθε τα δάχτυλά μου, μετά από λίγη ώρα γινόταν στιλπνό και τρυφερό, υγρό σχεδόν, μπουμπούκιαζε – μπορεί να φαίνεται τολμηρή αλλά μάλλον σεμνότυφη είναι τελικά η λέξη «ρωγομέτρημα» για το απαλό και σιωπηλό χάιδεμα των χαντρών (σε αντίθεση με το «μπεγλέρισμα» που στριφογυρίζουν ή πέφτουν και κροτούν οι χάντρες). αντιστοιχεί σε πολύ πιο αισθα- ντικό χάδι.
Traduction française par Nicole Le Bris :
Yannis arriva et me trouva chamboulé, en train de chercher une fois de plus dans la voiture. Mon chagrin était visible. « Pourquoi ça te touche à ce point ? C’était juste un koboloï. » Oui, mais c’était le koboloï de mon père. À sa mort nous avions hérité de sa bibliothèque (qu’il aimait comme sa fille, et qui avait grandi en même temps que nous à Léchaina, puis à Athènes), de sa maison de Niochori, et du tintouin d’avoir à faire le vin et l’huile à notre tour. Parmi ses objets personnels il y avait son koboloï, qui me revint. Ce chapelet avait une histoire : mon père l’avait reçu en cadeau de son beau-père, Dinos le Maniote, « le vieux grand-père » comme l’appelaient nos enfants, pour le distinguer de mon père, qui avait le même prénom et qu’ils appelaient « grand-père Dinos ». Et le vieux grand-père l’avait lui-même reçu jadis en cadeau, ce devait être dans les années quarante, d’un député d’Élide inscrit au parti des Libéraux, Yannopoulos, je crois.
Il était tout en ambre de la Baltique, avec des perles cylindriques grosses comme des mûres – pas comme des mûres ordinaires, mais comme ces grosses mûres, divinement sucrées et succulentes, que j’avais goûtées un jour à la chapelle Saint-Dimitris à Drakia ; usées à la fois en leur centre par les millions de trajets le long du cordon de soie, et à leurs deux pôles par les millions de petits chocs nés de leurs rencontres. C’était un koboloï exigeant que celui du vieux grand-père et de mon père : quand on trouvait le temps de le prendre il commençait par faire la mauvaise tête, se ternissait, devenait rêche au toucher, hostile. Mais dès qu’il sentait mes doigts, très vite il se faisait lisse et tendre, presque humide, bourgeonnant — « compter les globes » dit-on, « rogometrima », et le terme peut paraître osé, mais finalement il est plutôt prude pour qualifier la douce et silencieuse caresse autour des perles (par opposition à l’autre geste, celui de « dévider », « beglerisma », qui les fait tournoyer, glisser et cliqueter) : la caresse qu’il désigne est beaucoup plus sensuelle.
Notes de la traductrice :
« Le koboloï, ou komboloï, est cette sorte de chapelet, sans signification religieuse spéciale, qu’aiment à manier les hommes en Grèce et à Chypre. »
« Le mot grec « roga » s’emploie à la fois pour désigner un grain de raisin, une perle de chapelet (qu’on « égrène »), et le téton féminin. »
