[Lors des préparatifs d’un voyage, je tombe sur… un film – littéralement – extraordinaire.]
« L’île nue » (裸の島, Hadaka no shima), film de Kaneto Shindō (1960) en accès libre.
Chef d’œuvre sans dialogue, en noir et blanc, sonorisé par la musique obsédante de Hiraku Hayashi (1931-2012) qui connut le succès à sa sortie, « L’île nue » est un film littéralement inoubliable.
Une famille de paysans vit sur une île rase, sauf de ce qu’ils y font pousser. L’eau, ils doivent l’apporter lors de traversées en barque à la godille.
Les deux garçons vivent de jeux et de pêche. L’aîné va à l’école.
C’est un film sur le silence, le travail, le sens de la vie, dans sa routine comme dans sa tragédie. « L’île nue » est un destin dont on ne s’échappe pas, tourné sur un îlot de l’archipel de Setonaikai, la mer intérieure
Les jours et les saisons passent, toujours les mêmes. Et quand survient un drame, le vie reprend le dessus. Le film documente un travail agricole aujourd’hui disparu (l’eau portée dans deux sceaux à balancier, l’usage de l’araire, charrue simplifiée, semis piétinés avec soin, le fauchage des blés, accès à l’eau douce).
Un film bouleversant.

裸の島 (Hadaka no shima), L’Île nue, affiche originale (1960) avec Nobuko Otowa, épouse du réalisateur, et Taiji Tonoyama.
« Le film a été réalisé comme un « poème cinématographique » pour tenter de saisir la vie des êtres humains luttant comme des fourmis contre les forces de la nature. » a déclaré Kaneto Shindō (1912-2012).
« Le cinéma de Kaneto Shindô demeure assez méconnu, a écrit Nathalie Dray, dans Libération, sans doute occulté par le succès phénoménal du film qui le propulsa à l’international en 1961, l’Ile nue : poème radical rivé au quotidien austère d’une famille de paysans privés de tout, dont les partis pris formels – esthétique appauvrie, absence de dialogues – furent autant salués que critiqués. Le dénuement, la vie réduite a minima dans un monde brisé et une nature hostile, en réalité traversent toute son œuvre – et il n’est sans doute pas inutile de rappeler que Shindô, décédé en 2012 à l’âge vénérable de 100 ans, était né à Hiroshima, ville anéantie par la bombe atomique, dont il scrutera les décombres dans son film les Enfants d’Hiroshima (1952). »
D’ailleurs le film a été tourné sur l’île de Sukune, dans la province de Hiroshima.
À sa mort, les cendres de Kaneto Shindō furent dispersées sur l’île (comme ce fut le cas des cendres de sa femme). Depuis, son fils et une association de fans cherchent des donateurs pour faire acquisition de l’île pour honorer la mémoire du réalisateur. (source : Wikipedia)
L’île nue était le film préféré de Jean-Pierre Mocky, « une épure si simple, si parfaite que personne au monde ne saurait l’égaler ».
Demain : 3. La voie de Wim Wenders.
