Le roman très haïtien d’un auteur new-yorkais

Avec un proverbe créole pour titre, Dieu ne tue personne en Haïti, avec un autre proverbe en épigraphe, qui justifie la liberté à tout prix, le New-Yorkais Mascha Berlinski n’a pas raté son séjour à Jérémie, cité des poètes et des élections truquées.
Très documenté, le deuxième roman de l’ancien journaliste américain n’est cependant pas qu’une enquête journalistique (ce qui serait déjà intéressant), c’est aussi un roman d’initiation, puissance 4 car au cours de l’intrigue de 497 pages quatre protagonistes seront littéralement transformés par différentes épreuves dont la plus dramatique sera le séisme de janvier 2010, c’est aussi un conte philosophique et un guide (journalistique et loufoque) des élections en Haïti.

Le rêve d’un juge : construire une route

On n’en voudra pas à Mascha Berlinski de nous concocter cette histoire d’un style de bric et de broc, où certains passages sont très travaillés, d’autres moins, tant la narration avance comme un polar tendu vers la résolution de cette énigme : un jeune juge intègre peut-il se présenter aux élections, alors que tout autour de lui s’y oppose, des catastrophes naturelles à la corruption chronique, pour réaliser son rêve et celui de sa communauté : construire une route pour désenclaver cette cité de l’ouest ? Ce suspense est tenu de bout en bout. La route rêvée, formidable carburant à histoires… pour un pays avec un grand H.
H comme Haïti, H comme histoires, tel est bien le fil de ce roman fait de dizaines de péripéties passionnantes et de personnages attachants…

Au pays du vaudou, de superstitions qui n’ont qu’un lien distant avec la religion et d’une quête de la liberté qui remonte à plus de deux siècles (car l’indépendance du premier état noir d’Amérique en 1804 n’a pas assuré l’émancipation de tous), Mascha Berlinski n’est pas passé à côté de l’essentiel : écrire un roman haïtien depuis Jérémie, cité de naissance du général Dumas, père de l’auteur des Trois mousquetaires.

Minustah, une arme ou un fruit ?

Entre 2007 et 2011, il a vécu en Haïti avec son épouse, alors membre du personnel civil de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), précise l’éditeur français, Albin Michel.
Minustah, un acronyme chargé comme une grenade (une arme ou un fruit ?). La Mission en question, déployée du 1er juin 2004 au 15 octobre 2017, est à l’origine de quelques plaies qui se sont ajoutées aux blessures endémiques telles l’introduction supposée du choléra (ce que la Mission conteste) et des violences sexuelles perpétrées par des Casques bleus.
Dans le cas de Mascha Berlinski, les quatre ans passés à Jérémie et Port-au-Prince lui ont permis d’écrire un roman à plusieurs voix, et qui prend place aux côtés d’œuvres d’écrivains fascinés par ce pays indépendant avant beaucoup d’autres : Victor Hugo, Lamartine, Victor Schœlcher, Alejo Carpentier, Graham Green, Aimé Césaire, Édouard Glissant, jusquà cet autre Américain, auteur d’une trilogie historique d’envergure, Madison Smartt Bell…

À noter que la route de Jérémie n’est pas à cette date totalement terminée…

Mischa Berlinski, Dieu ne tue personne en Haïti, Albin Michel, trad. de l’anglais (États-Unis) Renaud Morin

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