Avec pour titre très glissantien « Les lieux communs de la Relation », le prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde réunit sa 25e édition à La Havane du 12 au 17 décembre 2014. Organisé par l’Institut du Tout-monde et la Casa de las Américas, « pour la première fois de son histoire, le Prix Carbet se tiendra dans une île hispanophone, conformément à l’intention qu’exprima Édouard Glissant en 2008 « d’organiser des assises du Prix dans les Antilles anglophones et hispanophones, mais aussi en Afrique ». »
À noter que parmi les anciens lauréats figurent deux écrivains cubains : Leonardo Padura (2011) et Karla Suarez (2012).
Pourtant aucun auteur non francophone ne figure dans la pré-sélection. Une liste qui a pour caractéristique de jouer l’éclectisme des genres avec des romans comme des essais, un recueil de nouvelles, une revue, de la poésie, du théâtre, des livres qui rhizoment en Caraïbe comme dans le Pacifique. Tous écrit en langue française.
Remarquons quelques absences, telle l’édition génétique des œuvres complètes d’Aimé Césaire, sous la direction de l’universitaire américain Albert James Arnold (mais deux titres de la pré-sélection, ceux d’Alfred Alexandre et de Véronique Kanor, dans deux genres différents, se rattachent directement à l’œuvre de Césaire), ou l’essai critique de Romain Cruse, « Une géographie populaire de la Caraïbe » (Mémoire d’encrier) ou encore « Être esclave », de Catherine Coquery-Vidrovitch et Éric Mesnard (La Découverte). Soulignons la présence de la revue haïtienne, « Intranqu’îllités », qui se réclame du Tout-monde ou de l’étonnant « Quintet » de Frédéric Ohlen.
Pour la distribution par pays, notons la domination d’Haïti (sept auteurs) et de la Martinique (cinq auteurs), arbitrée par le Cameroun (deux auteurs), la Guadeloupe (un auteur), la Nouvelle-Calédonie (un auteur), les Comores (un auteur), la France (un auteur).
Cette année le président du jury est l’écrivain Ernest Pépin.
Pré-sélection du Prix Carbet 2014
Alfred Alexandre, Aimé Césaire, la part intime (Mémoire d’encrier)
Jean-Pierre Arsaye, Au-Béraud l‘Éphémère, Édilivres
Dominique Batraville, L’Ange de charbon (Zulma)
Dominique Deblaine, Le Raconteur (Riveneuve)
Jean-Durosier Desrivières, La jupe de la rue Gît-le-cœur (Lansman)
Fabienne Kanor, Faire l’aventure (Lattès)
Véronique Kanor, Combien de solitudes (Présence africaine)
Yanick Lahens, Bain de lune (Sabine Wespieser)
Frédéric Ohlen, Quintet (Gallimard)
Marc Alexandre Oho Bambé, Le Chant des possibles (La Cheminante)
Emmelie Prophète, Le désir est un visiteur silencieux (C3 éditions)
Fathia Radjabou, Je ne sais pas quoi faire de ma vie (Présence africaine)
Jean-Marc Rosier, Les ténèbres intérieures (Apogée)
Louis Sala-Molins, Esclavage et réparations (Lignes)
Gary Victor, L’escalier de mes désillusions (Philippe Rey)
collectif dirigé par James Noël et Pascale Monnin, Intranqu’îllités (Passagers des Vents, Zulma)
collectif dirigé par Léonora Miano, Première nuit : une anthologie du désir (Mémoire d’encrier).
« Lieu commun » chez Glissant ? « Un lieu où des pensées du monde rencontrent des pensées du monde ». « La portée du poème résulte de la recherche, errante et souvent inquiète, des conjonctions de formes et de structures grâce à quoi une idée du monde, émise dans son lieu, rencontre ou non d’autres idées du monde », Édouard Glissant, Traité du Tout-Monde : Poétique IV, Paris, Gallimard, 1997 p.32.
Lire également la critique et compte rendu à propos de Koffi Kwahulé, prix Edouard Glissant 2013 (Papalagui, 8/12/2013).
J’espère que la sélection de l’ouvrage d’un auteur guyanais se fera à l’avenir, il y a comme un oubli ou encore un vide consternant, une vertigineuse absence, un nouveau manque à combler par la créativité, l’assertivité, autrement dit tout simplement, une présence, une visibilité indispensable qui rétablirait l’équilibre au sein (à tout le moins) de la pré-sélection. Soley’ ! Pièr.
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