Au Salon du livre, je suis tombé de haut sur :
- un écrivain argentin dont un seul livre existe en français, mais il est épuisé depuis longtemps ;
- un écrivain venu pour signer son livre alors que le libraire a oublié de le commander ;
- un écrivain pas content d’avoir vendu aucun livre ;
- un éditeur assez fou pour éditer un livre écrit en langue saramaka, langue originaire des esclaves marrons de Guyane et du Surinam, le premier à être écrit dans cette langue ;
- un dramaturge comorien récompensé par des lycéens parisiens et d’Île-de-France ;
- un éditeur fatigué du harcèlement des candidats à l’édition de leur manuscrit ;
- une attachée de presse qui filme le journaliste qui fait la promo d’un bouquin de la maison d’édition de l’attachée de presse ;
- un autre journaliste flatté jusqu’à l’os d’avoir reçu un compliment d’un people de la télé ;
- une énorme fierté des Antillais qui remercient Euzhan Palcy d’avoir fait le film Rue Cases-nègres, œuvre fille du roman de Joseph Zobel ;
- des larmes dans les yeux de lecteurs émus ;
- un nouvelliste mahorais ;
- un micro sans pile ;
- des batailles de sons d’enceintes, d’un espace à l’autre ;
- un autre éditeur excédé par la cacophonie ;
- une éditrice qui cherche un coin de repos ;
- une journaliste philosophe en tenue d’été ;
- un lecteur déguisé en trekkeur, sac à dos bousculant la foule en attente de dédicace ;
- une écrivaine à l’écoute du racisme voilé entre les mots ;
- deux comédiens antillais chaleureusement applaudis ;
- un auteur qui attend impatiemment la libération du plateau d’invités précédant pour commencer sa conférence ;
- une auteur qui se demande si tous les exemplaires de ses livres suffiront pour étancher la voracité des lecteurs ;
- des femmes épanouies ;
- des hommes pressés ;
- des enfants patients ;
- une mère et son enfant en tenue de foot venu faire dédicacer son livre, dédicace espérée par l’enfant qui s’était préparé à cet instant, malgré la fatigue apparente de l’entraînement du matin ;
- un Mabanckou en mode bateleur contre le racisme sournois au mieux de sa forme ;
- un écrivain qui n’est pas sûr d’avoir écrit le livre pour lequel on l’interroge, et qui le prend avec humour ;
- une écrivaine qui cherche la collection « Un endroit où aller » et qui la trouve ;
- ce titre « La censure invisible », promesse de réflexion ;
- cette parole frappée au coin du bon sens, et sans double sens : « En Afrique, il doit y avoir un terrain pour faire du roman noir » ;
- une conversation improvisée où l’on parlait d’art, de critique d’art et de philosophies africaines, et qui était passionnante ;
- la découverte d’un livre de cinq ans d’âge, pourtant disponible sur un stand et qui parlait justement d’art et de critique d’art, un roman, Iouri de Pia Petersen ;
- un jus d’orange ;
- un punch ;
- un verre de vin blanc ;
- un témoignage émouvant et chaleureux d’une cinéaste parlant de sa rencontre avec un écrivain dont elle voulait adapter le roman ;
- un imaginaire d’adolescente emporté par une lecture ;
- une porte à code sur un stand ;
- une envie de haïkus chez un éditeur un peu fou ;
- une attachée de presse débutante ;
- une promesse d’atelier d’écriture dans le val de Loire ;
- une comédienne sur le stand du Québec ;
- des Haïtiens heureux ;
- une parole d’auteur tout à trac : « J’ai des textes qui se baladent sans moi.»
- une femme dans la foule dense, téléphone collé à l’oreille, empêchée d’accélérer pour rejoindre son rendez-vous, et un homme dégageant la foule de ses bras écartés, lui ouvrant le passage, lui lançant son numéro de téléphone par-dessus la foule pour qu’elle l’appelle au retour…