Au Congo, ça circule un peu, beaucoup… à la folie

Circulation boulevard Sassou N’Guesso, à Brazzaville. Double voie où des balayeurs s’échinent chaque jour à partir de 6h30 à épousseter les bordures d’un bitume écumé par un flot ininterrompu de bagnoles, de camions de chantier chargés ras la gueule, de taxis verts et blancs innombrables. Sisyphes du macadam payés 2 000 FCFA (3 euros) par jour par « l’Association de monsieur Hugues », prénom du maire de Brazzaville. Sauf qu’ils ne sont plus payés depuis deux mois, sans explication, et qu’ils balayent, balayent, balayent sans fin un sable fin qui revient revient revient au milieu de la pollution carbonique, sonore et poussiéreuse des bagnoles, bagnoles, bagnoles…
Circulation des photos du collectif Elili : Francis Kodia dont l’une des photos avait été choisie pour l’affiche du festival Étonnants voyageurs en février dernier aimerait se cantonner à son travail de photographe. Or, il doit batailler pour se faire connaître. Il rechercherait bien un agent en Europe, mais ne sait comment s’y prendre. Il me demande ce que je pense de ses photos. « Qu’elles circulent ! » est ma réponse. Le collectif cherche à « documenter le Congo ». Je les verrais bien aux Rencontres d’Arles. En décembre à Brazzaville se réuniront pour la première fois plusieurs collectifs de photographes africains, venant du Cameroun, du Togo, de Côte d’Ivoire.
Circulation des idées : Aimé Césaire était « homme d’ensemencement » (Cahier d’un retour au pays natal) et homme de circulation, comme le montre le film de Sarah Maldoror, Aimé Césaire, le masque des mots (1976) qui vient d’être montré à Brazzaville. Réalisation chaotique, même lourde, mais les spectateurs présents auraient apprécié un débat après le film. Doctrovée Bansimba, peintre, a vibré à l’écoute de l’incipit de « Calendrier lagunaire » : « J’habite une blessure sacrée, j’habite des ancêtres imaginaires…» où elle voit le fleuve Congo, « blessure » entre les deux Congo. Je me retrouve comme après ma balade de dimanche dernier : le Congo, la blessure la plus rapprochée du soleil [Papalagui, 8/09/13]. J’ai toujours le texte avec moi comme une dizaine d’autres poèmes aimés. Je lui donne le texte qu’elle recopie.
Circulation des films en atelier : on me réclame des copies, demande dont la pudeur contraste avec la voracité de découvrir, savoir, apprendre.
Aujourd’hui deux films. Le premier porte sur « La Nuit étoilée », de Vincent Van Gogh (1889). L’ensemble des peintres et critiques des Ateliers Sahm  est réuni. On souhaite une seconde projection de ce court-métrage didactique de la série « L’Art en question ». Je fais circuler la série entière de dix films. Circulation de fichiers.
Second film : le long métrage de Patricio Guzmán, Nostalgie de la lumière (2010), puissante parabole sur la mémoire et le passé. Liens avec Les Enfants des Mille jours, présenté le 11 septembre (le Chili et les témoins de la dictature plusieurs décennies après, leur mémoire obstinée) [Papalagui, 11/09/13] ;  liens avec Van Gogh et sa recherche du beau dans la première Nuit étoilée (Nuit étoilée sur le Rhône, 1888) et sa recherche de sublime (l’homme infiniment petit devant l’infini des éléments comme totalité) dans sa seconde Nuit étoilée, un an avant son suicide. La Nuit étoilée est une profonde méditation sur la modernité, Nostalgie de la lumière, un grand poème du sublime pour vivre le présent. Je passe le film à Matthieu Boyce de l’Institut français très latino-américanophile…
« Certificat de circulation » est omniprésent dans le film de Thierry Michel, vu ce matin, Congo River (2006), tant les autorisations multi-tamponnées pour remonter le fleuve côté Kinshasa ne suffisent pas toujours. Le film fleuve dépasse un peu son auteur, qui n’arrive pas à tenir son parcours (narratif et fluvial), malgré de belles séquences.
Circulation des camions la nuit. Sur un terrain près de l’Institut français du Congo, des tractopelles creusent creusent creusent de 19h à 4h30. Pourquoi la nuit ? Les camions de déblais évitent les embouteillages. Pourquoi creuser ? Pour préparer la construction de deux immeubles de 14 étages reliés par une passerelle, avec héliport au sommet et appartements ministériels dedans. Source : le gardien à l’entrée.

Circulation numérique difficile à Brazzaville : le réseau ne fonctionne pas toujours et quand il fonctionne, il n’est pas toujours suffisant pour… avoir accès à Internet. C’est comme avoir un visa et rester bloquer à la douane. Quant à supporter un flux de films, ça tient du miracle. Du coup, de nombreux outils pédagogiques disponibles sur le Net ne circulent pas au Congo, ce qui à tendance à maintenir même les plus curieux dans la routine.

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