Extrait intitulé « L’automne », pp. 162-163, du recueil d’Anna de Noailles, Les Forces éternelles, publié en 1920 : (…)
Demi-nue, échappant à son feuillage clair,
La cime d’un bel arbre apparaît dans l’éther,
Lucide et reposée.
Un humide brouillard qui songe, gonfle l’air
De latente rosée.
Dans la forêt cinglant pour un fatal départ.
Les biches aux doux pieds, d’un confiant regard
Consultent, le front bas, la terre resserrée,
Et l’on voit onduler, sous la brise moirée,
Leur robe tachetée, ailée et aérée
De faisan et de léopard !
La nature bondit, mais le ciel se résigne.
L’horizon incline au sommeil,
L’étang, compact de froid, semble enclore les cygnes,
Précurseurs de l’hiver, à la neige pareils.
Tout se tait, et pourtant c’est un muet murmure :
Bourdonnement gelé du silence et de l’eau.
Le noir croassement des obliques corbeaux
Fait, dans l’éther uni, une sèche cassure.
Mais, plus que le printemps, plus encor que l’été,
Cette franche saison, pétulante et benoîte,
Avec ses bonds joyeux et ses mollesses d’ouate,
Et ses traînantes voluptés,
Donne aux pauvres humains la timide espérance
Que la nature penche un instant sur leurs vœux
Son grand battement d’aile, expansif et nerveux,
Où l’âme reconnait sa fougueuse indigence.
— Et pourtant, ô brillant et nombreux Univers,
Tous les morts sont couchés au funèbre revers
De ta belle cuirasse !
En transformant quelque peu l’ordonnancement des alexandrins suivants :
Le noir croassement des obliques corbeaux
Fait, dans l’éther uni, une sèche cassure.
on peut entendre un haïku, du moins l’esprit d’un haïku :
Le noir croassement
des obliques corbeaux fait, dans l’éther uni,
une sèche cassure.
simplifions (ô sacrilège !) :
Le noir croassement
des obliques corbeaux fait
une sèche cassure.
…à l’image d’une autre saison,
fin février, entre hiver et printemps,
ciel bleu, froid sec, lumière ardente.

Je retiens en particulier le » brillant et nombreux Univers ».
Belle découverte que votre blog en ce tout-monde…
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