« Je me souviendrai toujours de ce voyage entrepris avec Edouard à Sainte Marie en Martinique, pour visiter la case de sa naissance dans un petit village du nom de Bezaudin. Du Diamant, en contournant Fort de France, pour aller vers le Lamantin, nous traversions un petit pont sur une rivière où jouait Edouard avec ses amis, quand il était enfant.(…)
Arrivés à Bezaudin, Edouard me montra la case natale, ou plutôt sa trace, parce qu’elle s’était effondrée au fond d’un gouffre pendant l’ouragan Hugo. Ah, Edouard, tu m’apprenais à ce moment comment ne pas avoir peur, ni du gouffre, ni de la mort, ni de la perte, ni même de l’oubli. Ce jour-là, Edouard, tu me disais: « Ça m’est complètement égal que nous ayons oublié pourvu que nous passions par-dessus l’oubli. » Nous repassions alors par-dessus l’oubli. Littératures de traces, traces de l’Afrique, littératures de créolisation, littérature-Monde, littératures de notre diversité—et non du sectarisme. Edouard, je crois que ton message commence à être compris et faire son chemin dans nos consciences. »
Extrait d’un texte de Manthia Diawara, cinéaste et enseignant à l’université de New York, auteur du documentaire : Edouard Glissant: un monde en relation.
