« Je préfère les marges et les bordures » (Toni Judt)

« Ni Anglais, ni juif (…) moi je préfère les marges et les bordures : ces lieux où les nations, les communautés, les allégeances, les affinités et les racines se frottent parfois âprement les unes aux autres, où le cosmopolitisme est moins une identité qu’une évidence et un mode de vie. Naguère, le monde regorgeait de tels lieux. Jusqu’à la fin du XXe siècle ou presque, nombreuses étaient les villes englobant une pluralité de communautés et de langues sujettes aux frictions et aux antagonismes, parfois même aux conflits, mais qui malgré tout coexistaient. Sarajevo en fut un exemple, de même qu’Alexandrie. Tanger, Salonique, Odessa, Beyrouth et Istanbul entraient toutes dans cette catégorie, tout comme des villes plus modestes telles que Czernowitz et Oujgorod. Selon les critères du conformisme américain, New York possède certains aspects de ces villes cosmopolites d’antan : voilà pourquoi j’ai choisi d’y vivre. »

« Mes identités », par Toni Judt, historien britannique, mort à 62 ans vendredi 6 août à New York, où il enseignait. En mai dernier, il livrait dans les pages Débat du Nouvel Observateur sa réflexion sur le monde et les guerres actuelles des « identités nationales ».

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