Césaire, ce grand cri nègre (2)

Parmi les réactions à la mort d’Aimé Césaire :

Emmanuel Dongala, auteur de Le Feu des origines, écrit de Boko, au bord du fleuve Congo :

Césaire, j’écris ton nom ! Non, je crie ton nom ! Je crie ton nom du bord de mon Congo-fleuve natal, ce “ Congo bruissant de fleuves et de forêts, où l’eau fait likouala-likouala ” que tu as si bien évoqué dans ton Cahier d’un retour au pays natal. La suite sur Mwinda Press.

Edouard Glissant, auteur de Tout-Monde (Médiapart puis Institut du Tout-Monde ) :  » Aimé Césaire, la passion du poète « .

L’errance ainsi, qui n’est pas errements, et la découverte du monde, se radicalisent en un mouvement délibéré, celui de la plongée dans le pays natal martiniquais, avec les particularités que voici : le Cahier n’est pas un texte de description réaliste, mais rien n’est plus près des rythmes, des étouffements et des pulsions de ce réel-là, ce n’est pas un texte d’exaltation triomphaliste, pourtant il sera une des sources des inspirations de la diaspora africaine, il s’y trame une poétique tragique, et sans aucune complaisance, de la géographie et de l’histoire de ce pays à soi-même encore inconnu, et, pour la première fois dans nos littératures, une communication, une relation, de ce même pays, avec les civilisations d’Afrique, les histoires enfin sues d’Haïti et des noirs des Etats-Unis, des peuples andins et d’Amérique du sud, avec les souffrances du monde, sa passion et son tremblement. Ainsi, dès ce commencement, la relation à l’Afrique ne sera pas chantée comme immédiatement politique, elle ne procédera pas de la démarche de Frantz Fanon, qu’elle rencontrera plus loin, elle ne consistera pas non plus, comme pour Marcus Garvey et les noirs des Etats-Unis, en un échange de population, en un autre retour, qui aurait pu passer pour une occupation (du Liberia ou de la Sierra Leone) : ce sera plutôt une profonde poétique de la souffrance historique des Afriques et de la connaissance partagée du monde. 

(…) La mort des poètes a des allures que des malheurs plus accablants ou terrifiants ne revêtent pourtant pas. C’est parce que nous savons qu’un grand poète, là parmi nous, entre déjà dans une solitude que nous ne pouvons pas vaincre. Et au moment même où il s’en est allé, nous savons que même si nous le suivions à l’instant dans les ombres infinies, à jamais nous ne pourrions plus le voir, ni le toucher.

Raphaël Confiant, auteur de Aimé Césaire, une traversée paradoxale du siècle :

 » Il y a des grandes âmes qui, lorsqu’elles quittent le monde, c’est le monde qui se rapetisse.  »

Cheikh Hamidou Kane, auteur de L’Aventure ambiguë :

Aimé Césaire est  » l’homme qui a éveillé à la conscience de l’identité noire non seulement les Noirs de la diaspora mais, nous, les Noirs d’Afrique  »

Hamidou Dia, auteur des Remparts de la mémoire

Aimé Césaire nous a rendu notre fierté d’Africains (…) Il a toujours voulu rester debout, il s’est toujours réclamé de l’Afrique, de ses ancêtres bambara « .

René Despestre, auteur de Bonjour et adieu la négritude (La République des Lettres ) (Publié le 11 avril, avant la mort du poète)

Le regard qu’Aimé Césaire jeta sur le passé des Haïtiens nous a permis de le redécouvrir dans sa vraie dimension épique. Il nous a délivrés d’une tare de l’historiographie haïtienne: la manie de diminuer un pour grandir un autre. Tantôt on rabaissait Toussaint Louverture pour porter aux nues J.J. Dessalines, peint sous les traits d’un sans paille dans son acier; tantôt on descendait en flammes Alexandre Pétion afin de mieux hisser sur le pavois son rival Henri Christophe. Aimé Césaire trancha d’un seul mot ce vain débat: au commencement de l’historie décoloniale, à l’échelle d’Haïti et du monde, il y a le génie de Toussaint Louverture. Ses intuitions firent monter à un étiage sans précédent le niveau de conscience de ses compagnons d’esclavage. Sans son articulation historique l’insurrection victorieuse des Noirs de Saint-Domingue (1791-1804) n’aurait pas été l’un des événéments majeurs des temps modernes.

(…)

A l’heure des mutations d’identité qui accompagnent la civilisation planétaire, le Commonwealth à la française qu’on finira par édifier existe déjà dans l’oeuvre du poète souverain de la Martinique qui vivifie le soir d’une tendresse enceinte de son étoile du petit matin.

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