A Wellington, tout est paisible (Nicolas Kurtovitch, chronique 6)

Depuis le 18 novembre, on retrouve avec plaisir et amitié Nicolas Kurtovitch pour sa chronique hebdomadaire depuis Wellington (Nouvelle-Zélande). L’écrivain calédonien est en résidence d’écriture au Randell Cottage .

Aujourd’hui dimanche 23 décembre, la ville grouille de monde, les derniers achats de Noël… bien qu’il reste lundi pour les retardataires (mais lundi n’est pas chômé), les magasins ont font le plein, les trottoirs débordent, les cafés aussi à l’heure du repas, et tout est paisible. C’est ce qui me frappe : c’est paisible, pas de bousculade, pas de précipitation, pas de tension. « Alors tout est mort », penseront certains, et bien non, pas du tout, la vie peut aussi être autre chose que de l’agressivité, de la défiance ou « moi d’abord ». La vie de la cité est palpable, on l’entend, on la voit, on l’écoute. Des orchestres prennent place un peu partout, des musiciens de tous âges font la manche, deux jeunes filles tentent du Tchaïkovski avec leurs violons, un peu plus loin, un grand rouquin, pas plus de quinze ans, développe son Dylan puis son Led Zep acoustique ! Il y a même un duo de breakers débarqués de Nouméa, logeant au Backpacker du coin. Ils ont récupéré en deux minutes à la mairie l’autorisation d’aller exercer leur talent dans la rue, et depuis deux jours ils font un tabac, leurs homologues Wellingtoniens les reconnaissent dans la rue. Ils les invitent à venir danser avec eux sur le front de mer, puis leur payent la soirée quand ils n’ont pas eu le temps de glisser le billet dans le chapeau pendant l’une de leurs représentations quelque part dans Cuba Street. Au supermarché, un guitariste chanteur maori nous gratifie d’une très belle version de … « Whiter shade of pale » ! La ville sera ainsi jusqu’au 26 décembre, « boxing day », tout est fermé ce jour-là, mieux vaut ne pas s’aventurer en ville sous peine de dépression.

Et puis il y a la marche dans le parc avant d’atteindre Tinakori road avant de rejoindre le cottage.

C’est l’heure d’être en chemin / jusque chez moi / un carrefour une rue / que je connais / j’y séjourne / de temps à autre / hélas / j’en perds l’adresse trop souvent / il faut aller / de marches en marches / de nouvelles marches / taillées dans la terre brune / sans pierres ni rondins / celle-ci est battue ferme / après une vingtaine de ces marches / c’est le calme et la beauté / là / offerts / pour rien d’autre / quelques pas / merci aux habitants de Wellington / ils ont su / ne pas signer leur présence / laissant à la montagne / la place en totalité / merci à ces jardiniers / de Wellington / du chemin qu’ils ont tracé / c’est le jour aujourd’hui / d’être esprit et corps / en montagne.

Dans quelques heures / rien ne restera / de ces pas / l’œil en aura fait le tour / l’un après l’autre / des sentiers de terre ou d’herbe / ceux-là s’élèvent depuis le ciment / à l’assaut de la colline / ils osent / ils s’insinuent entre les immenses pins / venus d’Amérique / ils les accompagnent dans leur élan / je suis à la remorque / je suis pas et pas / au plus près de mes nouveaux amis / aujourd’hui est le jour / d’entendre les oiseaux inconnus / dans les hauteurs / trop d’invitations lancées / je ne peux assumer de conquérir le ciel / aujourd’hui est le temps de me trouver / là à aimer marcher pas et pas / dans le silence au cœur de Wellington / et dans d’autres heures / de mon passage rien ne restera / il y aura encore pour moi seul / l’exaltation.

 

Le long de cette pente

après la tourmente

les forestiers ont tout ôté

branches cassées arbustes brisés

Les jambes sont lourdes

à l’assaut du sommet

par l’un des côtés ou droit devant

pourquoi y aller ce matin encore.

 

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