Chamoiseau, entretien (2)

A l’occasion de la sortie de son dernier livre, Un dimanche au cachot (Gallimard), Patrick Chamoiseau nous répondait, dans un précédent entretien [Papalagui, 18/10/07],sur la genèse du roman [critique : Papalagui, 9/10/07 ].

Question suivante :

– Un dimanche au cachot n’est-il pas le roman d’un trou noir ? J’ai eu l’impression d’un écrivain en train d’explorer la richesse d’un trou noir, comme une ancienne étoile dont la masse s’est effondrée en elle-même ?

– Ce qui m’a toujours amusé (lorsque je regarde les chroniques littéraires ou les émissions littéraires)… le chroniqueur va dire :  » alors c’est quoi l’histoire du roman ? « … comme si l’histoire du roman pouvait déterminer ce qu’est le roman.

Un roman c’est pas une histoire. Un roman c’est un événement esthétique, artistique. C’est une exploration de l’impossible. Je dirais… c’est un surgissement langagier, c’est un surgissement, enfin tous les termes sont possibles.

En tout cas, c’est un événement esthétique qui ne peut pas se résumer par une histoire. La narration, la fiction narrative telle qu’on la connaissait au XIXe siècle n’a pratiquement plus d’intérêt. Donc ce qui constitue un roman c’est peut-être le prétexte de l’histoire.

Ici le prétexte c’est une jeune fille dans un cachot. mais ce qui constitue l’événement littéraire ou l’environnement esthétique, que ça suppose comment on peut organiser une conscience, témoigner d’une aventure humaine, témoigner d’un courage, témoigner d’une résistance lorsque l’individu disparaît complètement dilué dans une obscurité totale,l’obscurité du cachot.

Et quand on regarde bien, chaque fois que nous avons à réorganiser notre vie, à organiser notre identité, à organiser notre résistance, nous sommes toujours au départ dans un cachot, une sorte de cachot psychique, un cachot culturel, un cachot identitaire, les cachots sont très ouverts (sic), un cachot politique aussi, ça existe largement.

Et le point du départ du cachot est toujours le point de départ de la résistance et le point de départ de la réhumanisation. Je crois que s’il fallait donner une définition de la littérature, je dirais (il y en a plusieurs de possible) : je pense qu’un texte littéraire intéressant est ce qui nous permet de nous humaniser un petit peu, légèrement plus.

Prochaine question : La question ne serait-elle pas alors, non pas  » D’où je viens ?  » mais  » De quel cachot je suis originaire ? « 

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