Dernier article d’une série de onze sur les États généraux du film documentaire, à Lussas (Ardèche) dont la trente-septième édition s’est achevée le 23 août 2025.
Un festival placé notamment sous le signe de l’écoute et de la parole.
En fin de semaine, la position allongée nous reposera les fesses trop marquées par des séances, certes passionnantes, mais usantes pour les postérieurs. Alors, forcément, on s’impatiente à l’idée de participer à une Nuit de la radio, « une expérience d’écoute collective », organisée par la SCAM (Société civile des auteurs multimédia). Un car nous emmène sous les étoiles.
Le belvédère de Saint-Laurent-sous-Coiron nous offre un panorama à 360° sur le massif du Coiron, les montagnes ardéchoises et les plaines environnantes. Pendant 1h15 ce « balcon d’Ardèche » va progressivement accueillir la nuit et les étoiles et un programme « En d’autres langues » concocté par Antoine Chao à partir d’extraits d’émissions de radio. Plaisir d’entendre des lectures bilingues, des traducteurs, retrouver le lexicographe Alain Rey ou encore Edouard Glissant dire « écrire en présence de toutes les langues du monde ». Une soirée sous les étoiles, oreilles occupées par quantité d’idiomes, amène forcément au haïku :
Nuit d’été sans lune
s’alanguir sous un saule
gober une étoile
Une programmation en forme de panorama radiophonique gagné par une certaine nostalgie des ondes, davantage qu’un véritable kaléidoscope de langues. Au-delà d’une sélection d’extraits d’émissions de radio historiques, on aurait aimé être surpris par des émissions rares, à l’exemple de Loweman pansu, de Kam’ Radio, en Guyane, une émission culturelle quotidienne diffusée uniquement en langue nengee, dans un département français où l’on parle une vingtaine de langues.
Ou encore découvrir des artistes des langues qui explorent le rapport du son et des langues.
Hearing Voices, de John Wynne. L’artiste sonore canado-britannique s’est intéressé aux langues menacées d’extinction. Son installation immersive utilisant des enregistrements de langues à clics du Kalahari est jouée simultanément sur plusieurs haut-parleurs avec accompagnement photographique. L’œuvre interroge la disparition des langues et la manière dont elles peuvent être entendues, au-delà des mots.
Les glossolalies de Frédéric Dumont sont des installations visuelles et sonores qui explorent le son des 41 langues minorées qu’il a enregistrées à travers le monde.
Le lendemain de cette Nuit de la radio, les États généraux du documentaire nous propose un bel enchaînement. Rendez-vous est pris dans les Jardins du Moulinage pour un petit-déjeuner sonore où Tënk a donné carte blanche à un collectif de structures qui travaillent sur la création – prochaine, on l’espère – d’une « plateforme dédiée à la diffusion de la création radiophonique ». Deux artisans du Grain des choses, « une revue sonore », venus de Belgique, proposent « des documentaires, des feuilletons, de la fiction, de grands entretiens, du journalisme au long court, des témoignages, de la poésie, des paysages sonores, de manière à pouvoir entendre le grain des choses. »
Comme la veille sous les étoiles, on écoute des documentaires sans les images. C’est réjouissant, apaisant, surprenant. Les yeux se ferment et on apprécie la coïncidence heureuse, dixit Simon, de la brise d’Ardèche avec un Éloge du vent en 9 mouvements (Philip Samartzis), on part « Dans les rêves des soldats » français en Afghanistan (Pauline Maucort), on savoure les voix des enfants de la Belle de Mai, quartier de Marseille, qui nous parlent des « Secrets du bonheur »…
De retour chez soi, c’est sûr on fera un montage, un florilège sonore de quelques pépites pour les proches et les amis qui en profiteront et s’en délecteront les pavillons, les esgourdes, sans oreillette.
À noter, dans ce collectif de « défense de la création sonore », les noms de Longueur d’ondes, porteuse du projet, l’Archipel des récits, Le grain des choses, Transmission, Radio Grenouille – Studio Euphonia,
ADDOR (Association pour le développement du documentaire radio et de la création sonore) et Tënk, plateforme de diffusion de documentaires.
